af485216afe2bdbcc3a4b5509649b367.jpgDepuis des années, la gastronomie a tendance à s’internationaliser. Et même des pays a priori peu portés vers la haute cuisine semblent apporter leur pierre à l’édifice… Ainsi, après la Grande-Bretagne ou l’Espagne, c’est au tour de l’Allemagne de séduire les gourmets, qui possède désormais 9 restaurants étoilés. Comme nous le raconte Laure Fillon, de l’Agence France-Presse.

L’Allemagne, un pays de buveurs de bière et de mangeurs de saucisses? Ce cliché n’est plus de mise à l’heure où la haute gastronomie du pays est couverte de louanges par les critiques et que l’intérêt pour la bonne chère ne cesse d’y grandir.

Trois restaurants ont décroché cette année leur troisième étoile au guide Michelin, du jamais vu depuis 43 ans que le guide est présent dans le pays. Neuf établissements possèdent à présent la plus haute distinction, ce qui propulse l’Allemagne à la deuxième place mondiale derrière la France et juste devant l’Espagne. « Il s’agit d’une année exceptionnelle », se félicite Jean-Luc Naret, directeur des guides Michelin. D’autant que les trois nouvelles tables distinguées ont des styles très différents, reflétant la diversité de la haute cuisine allemande.

81fb7a0b2fd053fb51ae4f5471983c0d.jpgClaus-Peter Lumpp (photo), installé dans la Forêt-Noire (sud-ouest), est connu pour sa cuisine traditionnelle. Juan Amador, dont le restaurant est situé non loin de Francfort (ouest), trouve son inspiration dans la cuisine moléculaire de l’Espagnol Ferran Adria. Klaus Erfort, à Saarbrücken (ouest), réinvente les classiques.

Pour les critiques, il s’agit du couronnement d’une évolution entamée il y a plusieurs années et qui a permis aux grands chefs allemands de se détacher de la cuisine française, « la mère de toutes les cuisines » selon Juan Amador, pour développer leur propre genre.

« Les Allemands se sont ouverts aux gastronomies les plus importantes du monde et ont revitalisé leur cuisine régionale », explique Manfred Kohnke, rédacteur en chef de l’édition allemande du GaultMillau. La gastronomie du pays possède un autre atout, celle d’être servie par des cuistots qui sont « de très bons artisans », ajoute le critique gastronomique Jürgen Dollase. Cette tendance ne concerne pas seulement la fine fleur de la bonne chère allemande, mais se retrouve chez des adresses plus modestes, soulignent-ils.

La clientèle est aussi devenue plus avertie, à l’heure où les émissions culinaires se multiplient sur les chaînes allemandes aux heures de grande écoute et que les livres de cuisine se vendent comme des petits pains. « Les gens vont régulièrement au restaurant, ils savent évaluer la cuisine et ne discutent pas du prix », relève M. Amador, qui estime que les Allemands ont compris que manger et boire font partie intégrante de la culture d’un pays. Dans les meilleurs restaurants, « la clientèle est plus jeune, plus curieuse, elle n’associe plus seulement la gastronomie au luxe », confirme M. Dollase. Sans compter que la bonne santé économique de l’Allemagne permet à ses habitants d’ouvrir plus grand leur porte-monnaie pour se payer un bon repas.

Du coup M. Dollase n’hésite pas à parler de l’éclosion d’une « Nouvelle Ecole Allemande ». Les chefs allemands « sont vraiment en train de développer une cuisine indépendante » qui ne se détourne pas des spécialités régionales. Et de citer les saucisses, le boeuf braisé à l’aigre ou encore le poisson fumé, typique du nord du pays. « Les stars de la cuisine ont aussi de tels plats à leur menu », explique M. Dollase, même s’ils se retrouvent sous une forme modernisée.

Mais la notion d' »Ecole allemande » fait bondir le rédacteur en chef de GaultMillau. Pour lui, les critères nationaux en matière de gastronomie n’ont pas grand sens. « Les meilleurs cuisiniers allemands ne cuisinent pas ‘allemand’ mais selon leur goût individuel et les même critères que leurs collègues en France, en Italie, en Espagne ou aux Etats-Unis », fait-il valoir.

Pour Juan Amador, école allemande ou pas, l’essentiel est ailleurs: que les Allemands aient une cuisine à laquelle ils puissent s’identifier et « qu’ils en soient fiers ». (AFP)