Photo Francesco Serafini / M.agency

 

On sait qu’on fête cette année les 150 ans de l’amitié belgo-japonaise.

Mais saviez-vous que les échanges gastronomiques entre nos deux pays sont de plus en plus importants  ?

 

Un symposium sur la cuisine japonaise

Premier événement à lancer les festivités des 150 ans de l’amitié belgo-japonaise, un symposium évoquant les échanges gastronomiques entre les deux pays était organisé, lundi 25 janvier, au sein de l’ambassade du Japon à Bruxelles. Lors de ce séminaire, ces liens étroits étaient évoqués par des chefs japonais qui œuvrent en Belgique mais aussi par des chefs belges qui, comme David Martin (“La Paix”*), ont réussi à intégrer, plus que des ingrédients, une philosophie nipponne à leur cuisine (cf. ci-dessous). Arrivé tout droit du Japon, un invité de marque était également présent  : le chef Kimio Nonaga (cf. ci-dessous), Lequel a travaillé pendant 7 ans dans les cuisines kyotoïtes du célèbre Yoshihiro Murata (“Kikunoi”***) avant de reprendre les rennes du restaurant familial (3e génération) “Nihonbashi Yukari” à Tokyo.

Cuisine japonaise, David Martin,  Kimio Nonaga
Photo Francesco Serafini / M.agency

 

Des Japonais de plus en plus ouverts

En Europe, on constate un envol phénoménal du nombre de restaurants japonais, en augmentation de 90  % depuis 2013 (à 10 500 en 2015). En Belgique, le nombre de restaurants nippons est passé de 140 à 200 entre 2013 et 2015. Il y a dix ans, on dénichait une seule adresse à Bruxelles pour savourer des ramen; aujourd’hui on en compte au moins 10… Dont deux « Samourai Ramen » (le snack du restaurant classique « Samourai »).

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Pionnier de la cuisine japonaise en Belgique, Yosuke Suetsugu (“Nonbe Daigaku”) se souvient du temps où, dans les années 50, la communauté japonaise de Belgique se limitait à 200 personnes (contre 5 400 en 2014) et de l’ouverture du premier restaurant japonais en 1965  : “Miyako”, qui deviendra le mythique “Tagawa”, dans lequel le chef a travaillé de 1977 jusqu’à sa fermeture en 2005. Selon lui, ce serait même en Belgique qu’on aurait fabriqué le premier tofu artisanal en dehors du Japon !

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Des Japonais moins orthodoxes

Si le “Nonbe Daigaku” est un des tenants de l’orthodoxie culinaire japonaise à Bruxelles, les échanges entre les gastronomies japonaise et belgo-française sont de plus en plus importants. Ainsi à Bruxelles, Tomayasu Kamo (“Kamo”*) n’hésite pas à adopter des dressages plus occidentaux, le prometteur Minoru Seino (Seino) pratique, lui, une cuisine mêlant techniques françaises et ingrédients japonais.

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Tandis que le pâtissier Yasushi Sasaki, installé à Woluwé-Saint-Pierre, défend bec et ongles son choix de la pâtisserie française pour pouvoir offrir des ingrédients de qualité accessibles à ses clients. Il n’oublie toutefois pas ses origines, en proposant par exemple un délicieux biscuit moelleux farcis au mascarpone, au chocolat blanc et au thé match. Ou encore un excellent éclair au thé matcha (photo).

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A Anvers, la jeune Junko Kawada (« Ko’Uzi »), offre des versions délurées de sushis à base de chocolat belge ou d’anguilles marinées à la bière… Enfin, Ryohei Sugawara – importateur de bières belges et à la tête d’un « Delirium Café » à Tokyo – a lancé la bière “Uijin”, conçue au Japon mais brassée en Belgique à la brasserie Jandrain-Jandrenouille. Les échanges se font donc bien dans les deux sens !

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L’influence de la cuisine nipponne

De leur côté, les chefs belges tentent eux aussi de percer les secrets de l’art culinaire japonais depuis pas mal de temps déjà. Comme le rappelait Luc Hoornaert – importateur belge de produits nippons d’exception – c’est lors de l’Expo 58 de Bruxelles, quand Paul Bocuse et Fernand Point fraternisent avec des chefs japonais et qu’ils effectuent leur premier voyage au Japon, que le choc a eu lieu. De retour en France, plus jamais leur cuisine ne sera pareille. La “Nouvelle cuisine”, le “cuisine du marché” et on pourrait même ajouter le “menu dégustation” (inspiré du kaiseki), seraient nés de l’influence de la cuisine japonaise, plus légère, plus saisonnière et constituée d’une succession de petits plats.

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A Anvers, le chef Johan Segers (“t’Fornuis”*) a été l’un des premiers à utiliser des ingrédients japonais et à essayer d’intégrer la philosophie japonaise à sa cuisine. Tandis qu’à Bruxelles, la créativité de David Martin a trouvé un nouveau souffle après avoir effectué plusieurs voyages au pays du Soleil levant.

Mais il y a encore du travail à faire, pour rendre les échanges entre chefs japonais et belges plus fréquents et développer l’exportation et la connaissance des produits japonais en Belgique. Comme le confiaient les importateurs de chez “Food Hunter”, l’éducation des chefs belges est encore à faire pour avoir une demande de produits japonais plus importante et ainsi pouvoir avoir accès à des produits de niche de plus grande qualité  !

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Des frites à la sauce nippone

Fusion. La Belgique était une première pour le chef Kimio Nonaga. Il n’était donc pas question de passer à côté de nos fameuses frites ! Après un passage obligé “Chez Léon” près de la Grand-Place, il a eu l’idée originale de proposer des sauces d’accompagnements à base d’ingrédients japonais lors de sa présentation. Celle à base de shiso rouge et d’ume (fruit proche de l’abricot) se mariait d’ailleurs étonnamment bien avec les frites  !

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Le chef Kimio Nonaga est unique en son genre au Japon. S’il respecte les traditions du kaiseki apprises à Kyoto, dans son restaurant tokyoïte, il intègre des touches créatives dans ses plats, en utilisant par exemple de la mozzarella produite à Tokyo… Et lorsqu’il voyage, ce vainqueur de l’émission de téléréalité “Iron Chef Japan” s’imprègne des cuisines locales pour inventer des plats “fusion”. Comme cette pizza garnie de sauce tomate au miso créée pour prouver qu’il y a aussi de l’umami dans des ingrédients occidentaux  !

Cuisine japonaise, David Martin,  Kimio Nonaga
Photo Francesco Serafini / M.agency

 

David Martin, le Japon comme source d’inspiration

Le chef de “La Paix” se rend régulièrement au Japon pour s’imprégner d’une philosophie culinaire qui a de plus en plus d’influence sur sa cuisine…

Cuisine japonaise, David Martin,  Kimio Nonaga
Photo Francesco Serafini / M.agency

D’où vous vient ce nouvel intérêt pour le Japon ?

On a fait de la viande pendant 8 ans, on a fait de la fermentation lactique, on a compris l’affinage, toutes les méthodes de cuisson… On était arrivé au bout. Tous les concepts de la viande sortaient à ce moment-là : “Colonel”, “Carcasse”… On a toujours une belle pièce de viande affinée à la carte mais on devait se donner de nouvelles pistes de réflexions. Quand je suis rentré du Japon, on a décidé de ne pas faire table rase du passé mais de revenir à l’essentiel, à une cuisine plus lisible, où les ingrédients sont plus le plus important.

Comment cela se traduit-il concrètement dans votre cuisine ?

Il ne s’agit pas de faire un resto japonais. Ce qui m’intéresse surtout, ce sont les techniques. On apprend comment mariner le bœuf, les légumes… Je pars bientôt pour mon troisième voyage à Miyazaki, pour en savoir plus sur les tsukemono (pickles). On a par exemple appris la technique du chawan-mushi, un flan à base d’œufs et de dashi dans lequel on glisse une huître. On a transposé cette recette pour le faire avec des huîtres uniquement. Mais sans comprendre la version originale, on ne peut pas la transformer. Au final, cela donne des choses uniques !

Que pensez-vous des échanges culinaires belgo-japonais ?

Les chefs japonais veulent apprendre la cuisine classique française, savoir faire une béarnaise, un canard à l’orange… Le gagnant du championnat du monde de pâté en croûte en 2014 – le vainqueur 2015 était Karen Torosyan de la “Bozar Brasserie”, second resto de David Martin – était Japonais. Il faut que les échanges soient plus fréquents  ! Mais la plupart des produits japonais que l’on trouve ici sont encore trop industriels. Il y a miso et miso. Il y a un vrai travail à faire car nous devons pouvoir utiliser de très bons ingrédients pour cuisiner japonais de manière raffinée. La prochaine étape est d’accentuer ces échanges, d’avoir des chefs japonais qui viennent ici, aller au marché, improviser des recettes et permettre aux gens de goûter pour que ça devienne plus concret pour tout le monde.

 

La cuisine japonaise pas à pas

Cuisine japonaise, David Martin,  Kimio NonagaLivre. Ivan Verhelle est l’un de ces chefs qui a introduit la philosophie japonaise dans sa cuisine. Il a même été jusqu’au bout de cette démarche, en ouvrant, il y a 25 ans, un restaurant japonais en plein cœur de Bruges, le “Tanuki”. Là, avec son second Akihisa Kawakami, il propose tous les plats de la cuisine traditionnelle : yakitori, tempura

Pour Lanoo, il signe “Cuisine japonaise”, un livre “basique” contenant 50 recettes destinées aux timides qui voudraient s’initier à la cuisine japonaise. En effet, avec Ivan Verhelle, tout semble simple, même les sushis et les teppanyaki, avec des illustrations pas à pas qui guident le lecteur. Les superbes photographies de Kris Vlegels finissent de donner envie de s’y mettre !

Publié chez Lanoo (144 pp., 19,99  €).

 

 

Pour en savoir plus sur le Japon: