A plus d’un titre, Pierre Marcolini est une personnalité à part dans le monde du chocolat. Ce n’est pas seulement l’un des plus grands chocolatiers du monde, c’est aussi un homme qui n’a pas sa langue en poche ! Une star qui ne rechigne pas à s’afficher dans les pages glacées des magazines mais un homme entier, qui pose un regard lucide et indépendant sur le business du chocolat en Belgique.

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Belge Pierre Marcolini voyage régulièrement à travers le monde pour
visiter les plantations qui lui fournissent ses graines de cacao.
Comme ici à Cuba, dans la plantation de Baracoa. 
Photos Marcolini

Si Marcolini peut se montrer aussi cash, c’est qu’il a aujourd’hui réussi à construire son indépendance vis-à-vis des grands industriels (Belcolade, Valrhona ou Callebaut). Contrairement à la majorité des artisans chocolatiers belges, Marcolini fabrique en effet depuis 2009 l’ensemble de son chocolat. “Dans mes ateliers à Bruxelles, il y a 60 personnes. C’est beaucoup, plus que chez certains industriels! Pour moi, l’artisanat, c’est une philosophie, c’est synonyme de transmission, c’est le langage des compagnons.”

Ce qui agace le chocolatier d’origine italienne et modeste, c’est le manque de reconnaissance d’un vrai savoir-faire. “Aujourd’hui, la fédération des chocolatiers belges ne regroupe que des industriels. Il y a une vraie difficulté à valoriser le chocolat comme un artisanat. Nous n’avons pas d’endroit pour nous réunir, pas d’objectif commun.” Pour Marcolini, ce manque de reconnaissance de l’artisanat est un vrai problème en Belgique. “On a une profession qui n’est pas reconnue ! Tout le monde peut se dire chocolatier ! Il n’y a pas d’accès à la profession… Alors qu’en France, il existe un CAP par exemple. C’est incroyable pour un pays dont la carte de visite est, avec la bière, le chocolat…”

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Pour Pierre Marcolini, la Belgique s’est clairement endormie sur ses lauriers. Elle vit toujours sur sa réputation de pays du chocolat, alors même que nombre de ses plus grands noms ont été rachetés par des multinationales… “On a un chocolat basique de bonne facture. Mais est-ce pour cela qu’il ne faut pas porter un regard différent ? Dans des pays où la tradition est très forte, l’innovation est parfois castrée. C’est la même chose en gastronomie avec l’émergence en Espagne de la gastronomie moléculaire, qui aurait été inimaginable en France… Le chocolat fait partie de notre enfance. Ces marques ont été créatrices. Mais le poids du passé ne doit pas nous empêcher d’être créatifs. Ce que je vois au Salon du chocolat à Tokyo par exemple, c’est qu’on parle beaucoup plus de chocolatiers français que belges. Il y a 95 Français pour 5 Belges, dont 4 industriels…”

L’émergence de cette nouvelle chocolaterie en France (même Ducasse s’y est mis), aux Etats-Unis (très actifs, qui ont vraiment créé le marché des micro-chocolateries), au Japon, un peu partout dans le monde, passe notamment par la vogue du “Bean to Bar”. Soit des chocolatiers qui contrairement à l’immense majorité, fabriquent eux-mêmes leur propre chocolat, à partir des fèves de cacao. “Il faut se réapproprier un métier mais Belcolade, Callebaut ou Valrhona ne sont pas prêts à nous expliquer comment il faut procéder. La chocolaterie est aujourd’hui un artisanat d’assemblage.” Il suffit en effet d’aller faire un tour du côté d’un magasin pour professionnels comme Bruyère pour constater la progression des chocolatiers industriels, qui font leur chiffre d’affaire sur le chocolat de couverture mais aussi désormais sur les fourrages, comme le praliné par exemple…

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“Les professionnels ont un rôle. Quand on met “Belgian chocolate” sur un emballage, ça doit signifier quelque chose. Même si je n’aime pas trop les labels. Quand on me pose la question de savoir si je suis plutôt un chocolatier belge ou français, je réponds que je veux que mon chocolat ait une identité, celle de Pierre Marcolini. Il faut que ce soit la rencontre entre des clients et un individu. Je plaide donc pour un chocolat identitaire”, s’enflamme Pierre Marcolini en portant à ses lèvres un verre de vin blanc nature qu’il apprécie tant. “Dans le domaine des vins nature, c’est la même chose. Chacun essaye de trouver sa spécificité. La seule chose à faire, c’est de montrer la voie. Chacun doit avoir une approche différente et ne pas tomber dans l’interdépendance avec un industriel qui lui fournit sa couverture.” En Belgique, le mouvement peine pourtant à démarrer. Seul Benoît Nihant, à Liège, a embrayé et fabrique aujourd’hui ses propres tablettes de chocolat.

Et Marcolini de rappeler qu’au début du XXe siècle, on trouvait plein de fabricants de chocolat en Belgique. Après la Guerre, avec le développement du pouvoir d’achat de la classe moyenne, la demande a explosé en même temps que les coûts de la main d’oeuvre. C’est alors que l’industrie a pris le pouvoir, disant aux chocolatiers de se concentrer sur l’assemblage, où se trouvait la vraie création…

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Les chocolats de Pierre Marcolini ne ressemblent pas aux autres. Notamment sa gamme de tablettes “origines”, qui met en valeur les différentes plantations où s’approvisionne la chocolatier. “Aujourd’hui, on a un accès plus facile aux matières premières. C’est l’un des effets positifs de la mondialisation. Depuis une dizaine d’années, la tonne de chocolat se négocie en moyenne aux alentours de 2500 dollars, dont seulement 1500 vont aux planteurs. Alors que l’on estime qu’il leur en faudrait 3500 pour vivre dignement. Chez nous, on négocie la tonne entre 5 et 7000 dollars et même jusqu’à 12500 dollars pour notre chuao du Vénézuela… C’est le prix juste pour la qualité”, explique Marcolini pour justifier ses prix, en moyenne 80€/kg.

“Est-il possible en Belgique d’avoir des chocolats d’exception, de dégustation ? Il faut tout tirer vers le haut.” Et c’est bien là la mission que s’est assignée Pierre Marcolini, faire comprendre au plus grand nombre la complexité du métier de chocolatier. “Je dis toujours que je suis comme un vigneron, qui cherche à interpréter un terroir. Toutes ces fèves ont quelque chose à dire. Au Brésil, on a 4 ha d’amelonado. La première expérience de cette fève, c’est la fraîcheur, les notes de litchi, de banane, de citrus, de jasmin… Quand on la croque une fois fermentée, on est dans les notes de sous-bois. L’idée, c’est de faire un chocolat qui ressemble à cette première impression. On ne connaît rien des fèves. Ca me fait rire quand on me parle d’un chocolat à 75 % de cacao. C’est absurde! C’est comme dire qu’on a bu un vin à 15° d’alcool… Au Japon, en Chine, ils sont vierges de tout cela et ne demandent qu’à apprendre. Essayer de convaincre les Belges, c’est très compliqué… Ils sont trop dans les marques classiques, dans des goûts trop sucrés.” 

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La Maison Marcolini fêtera ses 20 ans en 2015 mais est déjà bien implantée dans le paysage belge. Redevenue indépendante de Nestlé début 2012, elle emploie désormais 110 personnes en Belgique et 350 à travers le monde. Et Marcolini ne cache pas ses ambitions expansionistes, du moment qu’il reste maître de toute la chaîne de distribution (non aux franchisés donc). “C’est grâce aux volumes plus importants qu’on a pu acheter en direct dans les plantations et non l’inverse. Pour arriver à séduire des gens qui ont du talent, il faut être visible. Ensuite, pour grandir, il faut pouvoir faire confiance à ses équipes. Robuchon n’est plus en cuisines, ça ne l’empêche pas d’être un grand nom de la gastronomie… Moi, désormais, je peux me consacrer à la création.”

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La Maison Marcolini

La marque belge possède 35 points de vente à travers le monde, dont une boutique-phare (et salon de thé) au Sablon. Ses 3 000 m² d’ateliers, où tout est fabriqué, se trouvent également à Bruxelles. 

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L’envers de la fabrication du chocolat

Pierre Marcolini ne sera pas présent lui-même au Salon du chocolat de Bruxelles. Il sera en effet au Salon du chocolat de Tokyo, aux enjeux commerciaux et d’image beaucoup plus importants pour la maison Marcolini. Le chef des ateliers Laurent Soenen sera donc son représentant à Tour &  Taxis pour faire découvrir au public belge la fabrication du chocolat, depuis la fève jusqu’à la tablette, à travers une “Black Box”. “C’est l’occasion pour les artisans d’être proches des clients, de prendre le temps de leur expliquer leur philosophie, l’envers du décor”, explique Pierre Marcolini.

Au Salon du chocolat de Paris, Marcolini avait été jusqu’à amener une petite conche pour reproduire tout le processus de fabrication du chocolat. A Bruxelles, on pourra par contre participer à un “parcours des saveurs”, où l’on pourra découvrir les cabosses, goûter les fèves crues, assister à la torréfaction pour comprendre le principe de la réaction de Maillard… Le samedi 8, à 14 h, Laurent Soenen proposera en outre une démonstration impressionnante puisqu’il fabriquera une sorte de chocolat primitif à l’aide d’un Thermomix!

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  • Le 1er Salon du chocolat de Bruxelles se tiendra du vendredi 7 au dimanche 9 février à Tour & Taxis. Au menu, des dizaines d’exposants et un riche programme d’activités et d’ateliers variés.
    Rens.: www.salon-du-chocolat.be.
  • Plus de détails…

 

Une semaine chocolat

A l’occasion du Salon du Chocolat, VisitBrussels propose sa 2e Semaine du chocolat bruxelloise. Au menu, des animations mais aussi et surtout un “Chocolate Pass”, qui permettra de goûter les créations d’une vingtaine de chocolatiers (Darcis, Galler, Gerbaud, Marcolini, Neuhaus, Wittamer, Zaabär…).

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