Un petit miracle! La cuisine de Laurent et Vincent Folmer, deux frères lorrains installés depuis 9 ans à Heverlee, est sans aucun doute l’une des plus enthousiasmantes du pays. Pâtissiers de formation – ils ont notamment travaillé chez Marc Meneau et chez Fauchon -, ils ont gardé de leur premier amour cette précision qui confine à la perfection tout au long d’un repas sans faute et sans esbroufe. Un peu à l’image de leur antre, une maison cubique au style très épuré, presque minimaliste. Quelques néons encaissés soulignent juste la linéarité et donnent du rythme à cette ample pièce ponctuée de quelques meubles de style scandinave. Tandis qu’au loin, passée la jolie terrasse, la vue porte sur un champ où paissent tranquillement les vaches.
Dans cette atmosphère zen, on prend le temps d’étudier la carte, hésitant à composer son menu de 5, 6 ou 7 serv. (75-95-115€/105-132-159€ avec les vins). Lequel débutera de toute manière par une succession de mises en bouche particulièrement travaillées, qui mettent en valeur des produits d’exception, «cultivés, chassés ou pêchés par des artisans qui, comme nous, sont en recherche constante du meilleur», précisent les Folmer sur leur carte.
Une mini-tartelette aux épinards, orange et sésame et une petite gaufrette fourrée à l’anguille fumée enchantent.
Mais c’est avec ce bouillon japonisant aux crevettes grises, perles du Japon, concombre et avocat qu’on prend conscience de la justesse de la cuisine du « Couvert couvert ».
Et cela continue avec une tartelette fine au Reypenaer et betterave rouge garnie de graines de moutarde, de fleurs et de mini-pickles de chou-fleur.
Une préparation ciselée tandis que, réalisée au siphon, la mousseline de pomme de terre est d’une délicatesse rare, juste soulignée de quelques éclats de pistache et d’un peu de bottarga râpée.
Et l’on termine avec un dé de polenta pané au maïs grillé au délicieux goût de popcorn qui s’accompagne de fines tagliatelles de calmar.
Passées ces mises en jambes enthousiasmantes, le festin peut commencer pour de bon avec un tartare de féra du lac Léman (35€ à la carte), juste fumée quelques instants, et rehaussée d’herbes fraîches et de légumes crus coupés finement (radis, asperges vertes, chou-fleur) et d’une gelée de gingembre mariné (gari) façon sushi. L’usage du gari manque cette fois de subtilité mais c’est le seul ridicule faux pas de la soirée. Le riesling 2011 de Georg Breuer en Rheingau (Allemagne) qui accompagne la féra est une belle trouvaille.
On poursuit avec un Colli Orientali del Friuli I Clivi 2009 alliant tocai et friulano. Sa légère amertume finale convient parfaitement aux asperges blanches de Werchter qui, coupées en fins tronçons et fondues au beurre assaisonnent un beau morceau de bonite proposé mi-cuit (45€), avec quelques petites pois, du cerfeuil et une pincée de quinoa grillé, qui apporte une ludique note croustillante. Un plat génial d’équilibre, où le savoir-faire remplace la technique.
D’une incroyable simplicité apparente, les coquilles Saint Jacques s’offrent quelques morilles, une crème de laitue et un peu de citron Meyer. Là encore, on apprécie l’accord tout en légèreté entre les saveurs beurrées des coquilles et la juste acidité de l’agrume. Un beau plat accompagné d’un chardonnay Julien Altaber 2011, un vin nature trop oxydatif qui dénature quelque peu son terroir bourguignon.
On lui préfère ce Semplicente Vino, également produit en biodynamie, mais nettement mieux charpenté. Il se révèle un bon compagnon pour ces langoustines bretonnes, proposées tout simplement avec quelques fèves des marais dans un consommé de sarriette.
Le festin se prolonge avec un couscous revisité, autour d’un beau morceau d’agneau de lait des Pyrénées Axuria (45€). Cuite à basse température, la viande est parfaitement fondante, proposée avec une merguez maison, un gros couscous et du navet. A nouveau époustouflant. Tout comme le rouge d’Arianna Occhipinti, star sicilienne du vin bio, entre nero d’avola (pour les notes épicées) et le frappato pour l’élégance.
Le niveau est tellement élevé qu’on se dit que, comme souvent, les desserts vont baisser d’un cran. Ce serait oublier que les deux frères sont pâtissiers ! La perfection est en effet toujours de mise au moment de cette eau de rhubarbe, citronnelle et hibiscus, proposée avec un sorbet fraise-rhubarbe et de la rhubarbe confite (17€). Un dessert léger, tout en finesse, que le jeune sommelier accompagne d’un étonnant Moussa Moussette, un mousseux 100% Gamay du Domaine Mosse en Anjou, aux notes de fruits rouges.
Le dessert suivant est tout aussi subtil, une glace et une tuile aux algues et au caramel. Il s’accompagne d’un excellent vin moelleux de Pascal Pibaleau en Touraine, un chenin blanc 2009 parfaitement équilibré.
La soirée se termine sans surprise… sur de formidables mignardises. Le trio de sorbets pomme-concombre, fraise et reine des prés s’offre un spéculoos maison.
Le chaud-froid chocolat-caramel au beurre salé est une vraie gourmandise. Les guimauves au thé Earl Grey sont délicates. Mais l’on reste encore baba de cette brioche à la cassonade, qui clôture, par un goût de l’enfance, ce repas harmonieux.
Avec leur cuisine délicate, subtile, presque féminine, Vincent et Laurent Folmer parlent non pas à l’intellect, ni à l’estomac mais au palais. Magnifiant les produits sans laisser dominer la technique, leur cuisine laisse un souvenir gustatif impérissable.
Cette critique a été publiée dans le « Trends-Tendances » du 30 mai 2013.
Envie d’y goûter?
- Cote: 9/10.
- Cuisine: française.
- Cave: sélection pointue.
- Cadre: minimaliste.
- Terrasse: oui.
- Parking: oui.
- Adresse: Sint-Jansbergsesteenweg 171, 3001 Heverlee.
- Rens.: 016.29.69.79 ou www.couvertcouvert.be.
- Ouverture: fermé dimanche et lundi.
La fille: « Le guide Michelin me semble un peu dur en ne confiant qu’une seule étoile aux Folmer, dont la cuisine n’a pourtant rien à envier aux petits chouchous du guide. On a le sentiment, comme chez Julien Burlat au «Dôme» (un pote des deux frères d’ailleurs), que cette cuisine subtile, jamais tape-à-l’oeil, n’est pas évaluée à sa juste valeur. »
Le garçon: « Incroyable qu’on n’ait jamais pris encore la peine de découvrir la cuisine des Folmer. Une vraie claque et à 20 minutes seulement de Bruxelles! On a déjà envie d’y retourner. Peut-être pour le lunch 3 serv. à 41€, servi du mardi au samedi… »