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Dans “Il était une fois… Les délices du petit monde”, le réalisateur Joseph Péaquin invite à prendre le temps, sur les traces d’un couple de retraités du Val d’Aoste amoureux de la cuisine de montagne.

Article publié dans La libre du 23 février

A près de 80 ans, Erminio et Attilia, mariés depuis 55 ans, n’ont jamais quitté leur petit village d’Arnad, niché au coeur des montagnes du Val d’Aoste. Ce couple de retraités n’a rien d’extraordinaire; ils se retrouvent pourtant au centre d’“Il était une fois… Les délices du petit monde”, documentaire de Jospeh Péaquin présenté en 2006 aux Festivals de Locarno et de Namur et qui sort ces jours-ci en dvd.

Né en Avignon en 1971 de parents originaires du Val d’Aoste, Joseph Péaquin a d’abord travaillé à Paris avant de s’installer à Aoste, où il réalise des documentaires sur la montagne, sur les musiques populaires… Rien d’étonnant dès
lors qu’il décide de s’intéresser à la cuisine valdôtaine traditionnelle, dans ce filmcréé au sein de “Paysages
à croquer – valorisation culturelle des paysages agricoles patrimoniaux”, projet franco-italien destiné à mettre en valeur les régions alpines, qu’il s’agisse de la Savoie et de la Haute-Savoie françaises, du Valais suisse ou de la Vallée d’Aoste italienne.

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Une vie au fil des saisons

“Les délices du petit monde” n’a cependant rien du reportage touristique ringard et ne se limite aucunement à un simple documentaire culinaire. Eneffet, ce qui intéresse Péaquin, ce ne sont pas vraiment les plats ou les produits locaux, mais bien la cuisine comme reflet d’un mode de vie en train de disparaître…

En une heure, le cinéaste nous fait partager la vie au fil des saisons d’Emilio, Attilia, de leurs petits-enfants Paul et Sofia et du beau chat siamois Furbino. Car ces amoureux de la cuisine vivent en autarcie presque parfaite avec la nature. Ils vont puiser l’eau directement à une source dans un village voisin, ils font pousser leurs légumes dans le potager, ils élèvent des lapins et des poules… Tandis qu’ils vont cueillir en montagne champignons des bois, baies de genévrier
et herbes sauvages ou qu’ils préparent leurs conserves en prévision de l’hiver.

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Hommage sans passéisme

Si Jospeh Péaquin semble fasciné par le mode de vie de ses personnages, il ne cherche jamais à tirer la corde de la nostalgie. Sans aucun commentaire, avec une mise en scène réduite au strict nécessaire, “Les délices du petit monde”
se contente simplement d’enregistrer le quotidien de ces vieux montagnards au drôle de patois mêlant italien et français. Lesquels sont d’ailleurs tournés aussi vers l’avenir, se faisant un devoir de transmettre leur passion à leurs petits-enfants, à qui ils apprennent tous les gestes traditionnels : cueillette de l’origan sauvage, préparation de la polenta (le mets de base de l’alimentation valdôtaine), séchage des châtaignes, etc.

Chacun de ces gestes est d’ailleurs souvent chargé d’une forte signification. Ainsi, à la Toussaint, Erminio fait-il flamber les châtaignes à la grappa, les flammes bleues qui dansent dans le plat semblant représenter les âmes qui s’élèvent du Purgatoire au Paradis. Tandis qu’à la veille de Pâques, le vieil homme, qui possède son propre four à pain, reçoit ses voisins et ses voisines, venus lui confier leur traditionnel gâteau aux herbes sauvages (pissenlit, orties, houblon…), lard et saucisse. Ils viendront le récupérer, cuit, le lendemain matin pour le déguster en famille.

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Ode à la vie campagnarde et au partage, ce documentaire met aussi en lumière l’écart qui s’est irrémédiablement
creusé entre l’homme et son environnement. Aujourd’hui, plus personne ne peut réellement vivre comme Erminio
et Attilia. Pourtant, ils ont une leçon à nous donner, celle du respect de la nature qui nous nourrit… Il en va tout simplement de notre santé et de notre survie.

En complément indispensable au film, un petit livret, très joliment illustré par les photos de Jan Verlinde, apporte un éclairage sur la cuisine et les produits valdôtains et reproduit quelques-unes des recettes d’Erminio et Attilia, du risotto aux orties à l’omelette aux herbes fraîches, en passant par les épluchures de navet aux pommes de terre et le fameux gâteau pascal aux herbes sauvages.

 

Envie de lecture?

“Il était une fois… Les délices du petitmonde” : 1 livre (56 pp.) + 1 dvd, publié chez Lumière.