Art culinaire et cinéma font souvent bon ménage. La preuve dans la section “Culinary Cinema” du 58e Festival international du film de Berlin.
Article paru dans La Libre du 9 février
Qui a dit que la cuisine n’était pas un art ? Si la gastronomie a droit à ses salons, à ses festivals, elle intéresse également depuis tout temps les artistes, qu’ils soient peintres, écrivains ou cinéastes. Cet été, le chef catalan de “El Bulli”, Ferran Adrià, n’était-il pas l’invité très spécial de la célèbre Dokumenta de Kassel, l’un des plus prestigieux rendez-vous d’art contemporain ?
Et l’expérience allemande semble avoir plu au trois étoiles le plus célèbre du monde… Ce lundi, il sera en effet l’invité d’honneur de la deuxième édition de la section “Culinary Cinema – Expanding our horizons” de la 58e Berlinale, qui bat son plein depuis jeudi soir. Loin du tapis rouge tiré devant le Berlinale Palast, le Festival de Berlin s’intéressera en effet jusqu’à vendredi aux liens qui unissent les arts culinaires et cinématographiques. Le principe est simple : tous les soirs, la projection au Martin-Gropius-Bau de deux films tournant autour de la gastronomie sera prolongée par la dégustation, sous une grande tente, de plats en rapport avec les films préparés par un grand chef allemand.
Au programme, des courts métrages, des fictions, des documentaires parlant de cuisine bien sûr, mais aussi des problèmes écologiques et environnementaux. Car, pour le sémillant Dieter Kosslick (photo), président de la Berlinale, “la nourriture combine d’une façon très spéciale les joies et les plaisirs de la vie à notre responsabilité de citoyen”.
De Buñuel à Ratatouille
Lundi soir, ce mini-festival dans le festival s’ouvrira par la projection du “Charme discret de la bourgeoisie” de Luis Buñuel, à qui la Berlinale consacre sa Rétrospective. Le film sera accompagné d’une lotte préparée par le chef Bobby Bräuer, du restaurant étoilé berlinois “Quadriga”. Alors que Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food, et Ferran Adrià discuteront du “Futur de la nourriture”. La discussion risque d’être animée entre le tenant d’une cuisine bonne, simple et équitable et l’inépuisable chantre de la gastronomie moléculaire.
Le mardi soir, Cornelia Poletto, du restaurant “Poletto” à Hambourg (un macaron), s’inspirera d’A Table in Heaven pour préparer un classique cacciucco, en hommage au héros du documentaire d’Andrew Rossi : le Toscan Sirio Maccioni, propriétaire du mythique “Cirque” new-yorkais. Même si le New York Times se montre moins enthousiaste ces dernières années pour ce restaurant hyper chic installé depuis peu dans la Bloomberg Tower.
Au programme des jours suivants, on retrouvera notamment le film multiprimé Estômago : A Gastronomic Story, du Brésilien Marcos Jorge (suivi d’un cochon à la brésilienne préparé par le chef berlinois 1 étoile Kolja Kleeberg, du “Vau”), mais aussi Eat and Run de Mamoro Oshij, El Bulli – Història d’un somni de David Pujol ou encore A Day in Eataly, court métrage réalisé par les étudiants de l’Université des sciences gastronomiques, créée à Coni et à Parme par l’association Slow Food et les autorités régionales d’Emilie-Romagne et du Piémont.
Vendredi soir, après qu’une ratatouille géante ait été préparée par des enfants du quartier populaire Kreuzberg à l’occasion de la projection du film homonyme de Pixar, la Berlinale invitera les spectateurs à clôturer cette semaine de cinégourmandises par une fête espagnole, donnée à l’occasion de la projection de The Chicken, the Fish & the King Crab, dans lequel le réalisateur José Luis López-Linares a suivi les participants espagnols au fameux concours du Bocuse d’Or.
Vraiment, pendant une semaine, gastronomie et cinéma feront bon ménage à Berlin. Une manière aussi, selon Thomas Struck, à la tête de ce “Culinary Cinema”, de rappeler aux humains “d’où vient leur intelligence – car tout a commencé avec leur palais. L’Homo sapiens ne se réfère pas simplement à la sagesse mais aussi au goût…”
On ne s’ennuie pas à Berlin. Avez-vous goûté à tous ces plats? Quel était le meilleur?