Quelques idées de livres culinaires récents à feuilleter en vacances. Où l’on voyage de la mer au terroir belge, d’un potager sucré plutôt urbain à un château aux mille tomates…
Trésors de la mer
Après le très beau « Une initiation à la cuisine du champignon » paru en septembre 2011, Philippe Emanuelli récidive chez Marabout avec le très estival Coquillages et crustacés, qui s’inscrit dans la lignée du précédent. Il sonde cette fois la mer pour nous exposer ses plus grands délices. Au gré de l’index visuel, on admire ainsi crevettes tigrées, patelles, ormeaux ou autres squilles… Et l’on se prend à réfléchir sur la classification des différents coquillages et devant les très intéressantes planches anatomiques du homard ou du tourteau. Sans oublier la pratique, avec les pas-à-pas, qui détaillent le bon geste pour « cueillir » les couteaux ou ouvrir les clams.
Les superbes clichés de Frédéric Raevens contribuent pour beaucoup à faire de ce livre un bel objet mais tout, de la mise en page à l’élégant papier mat, est un régal pour les yeux. Mais les papilles n’ont rien à leur envier. Car ce Breton, fils de pêcheur, qu’est Philippe Emanuelli connaît bien les produits de la mer et les a longuement pratiqués pour les besoins de l’écriture. Il n’est ainsi pas avare en trucs de cuisson et anecdotes amusantes ou pratiques. La légende du cri du homard est ainsi éclaircie: il s’agit en fait du bruit que fait le gaz contenu dans la carapace de la bête quand on la plonge dans l’eau bouillante.
Les recettes sont toujours aussi tentantes, simples mais souvent originales et mettant systématiquement en avant le produit: soupe d’araignée au maïs, canard et calamars laqués, beignets d’anémones de mer, lard et praires vapeur… On sait déjà ce qui sera au menu de l’été!
Coquillages et crustacés
- Publié par Philippe Emanuelli chez Marabout (288 pp, env. 25€). Photos de Frédéric Raevens.
- Le plus : le tout cohérent, instructif, pratique et gourmand.
Cuisiner local
Comme Philippe Emanuelli, Christian Tirilly est un Breton de Bruxelles, installé depuis plus de 20 ans dans les cuisines de l’hôtel Sheraton. Rien d’étonnant, donc, que ce compagnon de route du mouvement Slow Food, qui propose dans son restaurant des menus 100% belges, ait eu envie de mettre en avant 19 producteurs locaux avec lesquels il a tissé une relation de confiance. Au gré de 60 recettes saisonnières plutôt classiques, joliment mises en image par la styliste culinaire Malika Hamza (par ailleurs présidente du convivium Slow Food bruxellois) et le photographe Alexandre Bibaut.
Au fil de Terroir dans l’assiette, on part ainsi pour la Ferme du Vieux Terroir à Bierwart, où Marc et Corinne Flamand de Wulf élèvent depuis 1987 d’excellents petits-gris, que le chef magnifie avec une mousseline de choux de Bruxelles et un beurre de noisettes. Chez Bram Verwijs, à Ysekerke, il se fournit en un produit d’exception, le rare homard bleu de l’Escaut, dont la pêche à la nasse n’a lieu que du 1er avril à la mi-juillet. Ce homard européen (homarus gammarus), repris dans l’Arche du Goût Slow Food, est ici préparé en une jolie salade à la vinaigrette de framboises. A Fouron-Saint-Pierre, les dépendances du magnifique Château de la Commanderie accueillent l’une des plus vieilles pêcheries de Belgique. Henry Baltus y élève de façon raisonnée (et bientôt bio) des truites saumonées, arc-en-ciel et fario (une espèce indigène) mais aussi du saumon de fontaine et de l’esturgeon. Dans l’assiette, cela donne par exemple, une jolie « truite au pot » estivale.
Viande Coprosain, boulangerie Brackx à Ellezelles, whisky Belgian Owl, beurre bio de la Ferme Raucq à Lens… Les rencontres sont variées et témoignent de l’existence de producteurs belges passionnés, qui ont choisi de remettre la qualité au centre de leur travail.
Du terroir dans nos assiettes. 60 recettes de Christian Tirilly
- Publié par Christian Tirilly et Malika Hamza chez Racine (192 pp., env. 29,95€). Photos d’Alexandre Bibaut.
- Le plus : les 19 portraits de producteurs, autant d’idée d’escapades gourmandes en Belgique.
Pommes d’or
« Il était une fois un château où les tomates étaient légion. Elles sortaient de terre sous l’impulsion d’un magicien des jardins, et on les comptait par milliers, de toutes les formes et de toutes les couleurs… » Ce magicien, c’est Albert de Broglie. Le château, c’est celui de La Bourdaisière, dans le Val de Loire. Où sont cultivées, depuis 1992, des centaines de tomates, 637 exactement. Devenus « Conservatoire (agréé) de la tomate » et s’inscrivant dans la ligne du mouvement Slow Food, les Jardins de La Bourdaisière luttent contre la standardisation des goûts et l’affadissement d’un fruit cueilli trop souvent avant maturité, gorgé d’eau et sans saveur. Avec un mot d’ordre: retrouver les variétés anciennes, à déguster dans un «Bar à tomates» installé derrière le potager. Et la biodiversité n’est pas un vain mot à La Bourdaisière, qui possède également un verger ou une collection d’herbes médicinales s’inspirant de « L’Homme de Vitruve » de De Vinci.
Offrant des infos nutritionnelles sur la tomate et des conseils de jardinier, Les tomates du Prince Jardinier décrit ensuite dans le détail 25 variétés, présentées sous toutes leurs coutures grâce à de belles planches photographiques, de la blanche d’Anvers à la cornue des Andes en passant par la green zebra ou la poire jaune. Une incroyable richesse mise en musique par Misha et Stéphane Garnier dans une vingtaine de recettes toutes simples et six jus de tomates différents. Ce voyage passionnant se clôt sur un petit carnet de dessins-recettes poétiques signés Pierre Maillet.
Les tomates du Prince Jardinier. 650 variétés et leurs recettes
- Publié par Louis Albert de Broglie chez Albin Michel (176 pp., env.25€). Photos de Marc Dantan.
- Le plus : l’immense tableau à déplier qui recense, en photos, 490 variétés de tomates !
Potager sucré
Depuis 2004, les Editions Alain Ducasse publient des livres plus grand public et accessibles sous le nom L.E.C. (Les Editions Culinaires). Elles confient ici les rênes à la très médiatique Julie Andrieu pour Les insolites de Julie, un petit livre placé sous le signe de l’originalité: cuisiner les légumes en version sucrée. Elle propose ainsi 30 recettes de desserts insolites. Comme elle le raconte dans son avant-propos, intégrer des légumes dans les desserts semblait évident. Pour cette grande voyageuse – elle présentait encore il y a peu l’émission “Fourchette et sac à dos” sur France 5 –, rien d’exceptionnel en effet. Il suffit de penser au haricot azuki dans les desserts japonais, aux tartes au potiron aux Etats-Unis ou au potato bread d’Irlande du Nord!
Elle propose ainsi quelques classiques comme le carrot cake, mais qu’elle cuit à la vapeur, la scarpaccia camaiorese toscane, petites crêpes de courgette cuites au four qui se déclinent en salé ou sucré, ou un parfait glacé avocat-gingembre comme on pourrait en trouver au Brésil ou au Mexique. Elle invente aussi quelques desserts tentants, comme cette tarte tatin d’aubergine vanillée, ce cake au panais et chocolat blanc ou ce fenouil caramélisé à la vanille et sa glace plombière.
On aime moins la trop grande mise en scène du livre, où une Julie surmaquillée se la joue reine des podiums; on aurait préféré la voir s’activer au jardin ! Mais il faut reconnaître que la photo de la belle, nue et couverte de feuilles de chou, est très réussie. Il est toutefois très chouette, ce potager pâtissier et sophistiqué de Julie !
Les insolites de Julie. 30 recettes de desserts aux légumes
- Publié par Julie Andrieu aux Editions culinaires (72 pp., env. 10€). Photos de Pierre Monetta.
- Le plus : le côté sophistiqué et parisien d’un livre original.