La 11e édition du Salon du Goût Slow Food s’est déroulée du 22 au 26 septembre dernier. Pour la première fois, l’événement, associé depuis 2004 à Terra Madre, avait envahi les plus beaux lieux de la ville de Turin. Quelque 7 000 délégués en provenance de 143 pays, représentant plus de 1 000 communautés du goût, étaient venus présenter quelque 300 produits et débattre de l’avenir de l’alimentation. Pour Slow Food, le “bon, propre et juste” ne sont pas de vains mots. Illustration avec quelques acteurs de cette révolution du goût.

 

Italie: Simone Fratoni

 

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Simone Fratoni travaille depuis 4 ans pour “Madrevite”, un producteur de vins de Vaiano qui perpétue la tradition de la fagiolina del Trasimeno, première Sentinelle Slow Food d’Ombrie en 2000. “La fagiolina n’est pas un haricot, explique Simone. Il s’agit d’un légume appartenant à l’espèce vigna unguiculata, cultivé depuis l’Antiquité. La fagiolina a toujours été une source importante de nourriture pour les paysans, qui devaient donner la moitié de leurs récoltes aux propriétaires de leurs terres. La fagiolina, par contre, était à eux car personne ne pouvait revendiquer les terres au bord du lac… Mais après la Seconde Guerre mondiale et le boom économique, cette culture traditionnelle s’est perdue, au profit de celle des haricots plus productifs originaires d’Amérique”.

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La fagiolina est un légume polychromatique qui change de couleur en fonction de son exposition au soleil et qui doit être récolté manuellement tous les jours. Il n’est pas nécessaire de la faire tremper avant de la consommer et traditionnellement on la cuit et on l’assaisonne simplement, d’huile d’olive, sel et poivre et on la déguste sur du pain grillé. Un délice  ! Ou dans une recette plus perso, avec des escargots….

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Grâce à Slow Food, la fagiolina, totalement inconnue au-delà de sa zone de production, a acquis une petite notoriété auprès des connaisseurs italiens. Tandis que l’adhésion aux principes Slow Food a permis une rémunération juste des paysans et des saisonniers comme Simone, ce qui n’est pas le cas de tous ses amis travaillant dans d’autres types d’exploitation… 

  

 

Mexique: Eduardo Correa Palacios

 

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Eduardo Correa Palacios est coordinateur pour le réseau des jeunes de Slow Food au Mexique. Comme en Belgique, lorsque Slow Food a débarqué au Mexique il y a 15 ans, il concernait surtout les restaurants chics de la capitale. “Aujourd’hui, on réactive l’association des jeunes qui ne compte que 30 membres mais Slow Food Mexico en compte tout de même 700. Et nous avons aujourd’hui 11 sentinelles, dont 6 nouvelles  : le piment serrano de Tlaola, les haricots de Tepetlixpa, l’agave de l’altiplano mexicain, le cochon glabre mais aussi la courge et l’abeille xunankab de la péninsule du Yucatan.”

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Pour Eduardo, il est essentiel de sensibiliser les Mexicains aux préceptes Slow Food. Car si, à la campagne, les gens mangent des bons produits, naturellement bio, dans les villes, il existe de vrais déserts alimentaires. “Nous sommes trop proches des Etats-Unis. Pour beaucoup, manger une boîte, c’est le progrès, la modernité… Cela a creusé un fossé entre les citadins et les gens qui vivent de la terre.”

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La Sentinelle du cacao de Chontalpa est un bel exemple de collaboration internationale mise en place par Slow Food. Après les terribles inondations de 2007, le mouvement a levé des fonds auprès de ses membres pour aider les producteurs. La Sentinelle a ensuite été créée et depuis 2014, l’entièreté de la production de cacao bio est achetée par l’excellent chocolatier turinois Guido Gobino. Ce qui permet évidemment aux producteurs de vendre leur cacao à un prix plus élevé que sur le marché local. Et ce qui ne gâche rien, le chocolat produit par Guido Gobino avec le cacao de Chontalpa est vraiment délicieux!

  

 

Mozambique: Nuro Mussa

 

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Nuro Mussa fait partie des 30 producteurs (20 hommes et 10 femmes) de café d’Ibo, une des îles principales de l’archipel des Quirimbas au nord du Mozambique, où se trouve le parc National des Quirimbas. Un café unique au monde puisqu’il ne s’agit ni d’un arabica, ni d’un robusta, mais d’un café sauvage à petits grains du genre racemosa Loureiro. Contenant très peu de caféine et très léger, on a l’a importé en Europe jusqu’au début du XXe siècle pour le mélanger à des cafés plus forts. Mais la production n’est même plus suffisante aujourd’hui pour faire face à la demande locale…

Sur l’île d’Ibo, les caféiculteurs sont à l’origine… des pêcheurs. Arrivés avec les flots, les plantes de café poussent depuis plus de 200 ans de manière spontanée dans leurs jardins. Cette production de café est essentielle pour la sauvegarde de l’écosystème local qui, lui aussi, est unique au monde, en permettant aux pêcheurs de gagner de l’argent sans trop mettre de pression sur les ressources marines de l’île.

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La seule Sentinelle du Mozambique est née en 2012, fruit de la collaboration entre Slow Food, le parc national et le WWF. Pour Mussa, le rôle de Slow Food a été essentiel : “Ils nous ont envoyé des techniciens pour améliorer la qualité du café et développer la torréfaction localement. Le prochain défi sera de nous aider à améliorer l’emballage de nos produits qui, pour l’instant, sont vendus en vrac sur place. Nous avons besoin de Slow Food, car grâce à eux nous existons aux yeux du monde  !”

  

 

Inde: Robert Alexander Leo

 

Slow Food, Salon du Goût, Turin, Salone del Gusto, Terra Madre, Sentinelles Slow FoodRobert Alexander Leo (à gauche sur la photo) et Alessio Baschieri (Expert en café qui a aidé au développement du Café sauvage Nilgiri en Inde. Il parcourt le monde pour aider les petits producteurs à devenir indépendants).

 

La quarantaine souriante, Robert Alexander Leo est un des directeurs et techniciens de la Fondation Keystone, qui travaille au développement durable des peuples indigènes tout en maintenant leurs traditions culturelles. Membre Slow Food, la Fondationœuvre particulièrement auprès des chasseurs de miel de la Réserve biosphère Unesco de Nilgiri, dans le sud de l’Inde. Ceux-ci recueillent encore de manière ancestrale le miel de l’Apis dorsata, une abeille géante qui niche sur les montagnes bleues de Kotagiri et Coonoor.

“Une fois par an, les hommes des ethnies Kurumba et Irula grimpent les dangereuses falaises près desquelles ils vivent pour récolter ce miel amer. Et ce au péril de leur vie  : sans protection et sans équipement. Auparavant, ils sont passés par un rituel de purification de sept jours (diète végétarienne et pas de relations sexuelles, notamment) pour éviter les accidents et les dards des abeilles les plus dangereuses au monde”, explique Leo.

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A la fois nourriture et médicament, ce miel est aussi une source de revenu pour les peuples indigènes. Aujourd’hui, à cause de la déforestation, de l’augmentation des cultures de thé et de l’usage de plus en plus important de pesticides et de fertilisants, cette pratique millénaire est menacée.

Répertorié dans l’Arche du goût Slow Food, le miel de Nilgiri est également reconnu par le réseau “Terra Madre indigène” en tant que produit alimentaire en voie d’extinction.

 

 

Chine: Piero Ling

 

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Membre de l’Alliance des chefs Slow Food du Piémont, Piero Ling (au centre de la photo) est à la tête du restaurant “Zheng Yang” à Turin. Il est né en Chine mais a grandi à Turin comme un Italien : “Quand mon père a ouvert son premier restaurant en 1981, il était difficile de trouver des matières premières… Il y a huit ans, nous avons soutenu des Chinois qui produisaient des légumes près de Turin.” C’est ainsi qu’à la table du “Zheng Yang”, on déguste, en autres délices locaux, un incroyable bambou produit en Italie  ! Pour Ling, le changement date de 1998  : “Nous avons rencontré Carlo Petrini, parlé de Slow Food, de la joie de manger. Nous avons été conquis. Et à partir de là, j’ai fait la promotion de Slow Food en Chine.”

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C’est ainsi qu’en 2015, Piero retourne dans son pays d’origine pour développer un réseau Slow Food chapeauté par le ministère de l’Agriculture chinois. “Nous souhaitons y promouvoir la durabilité, la traçabilité, faire connaître les produits des petits producteurs et protéger les productions traditionnelles. La Chine est un pays de contractions mais ils se rendent compte de l’importance des échanges internationaux et de la nécessité de cultiver les terres de manière durable. Peu de gens le savent, mais la Chine est le troisième producteur bio au monde  !”

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Valtero Canepa, responsable du convivium de Shanghai, explique également  : “Slow Food partage des buts communs avec le gouvernement chinois, freiner l’exode des campagnes et préserver les valeurs traditionnelles. Mais la Chine avait également besoin d’aide pour recenser ses richesses gastronomiques.” Il n’y a pas encore de Sentinelle Slow Food en Chine mais 47 produits sont déjà répertoriés dans l’Arche du goût.

 

 

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Bye Bye le Salon du goût. A dans deux ans…