Cet après-midi, lors d’une conférence de presse dans un petit restaurant bruxellois autour d’une belle table de fromages, était lancé officiellement le Groupement d’intérêt économique des producteurs belges de fromages au lait cru. Celui-ci naît dix mois après « l’affaire Munnix », quand ce dernier producteur de Herve fermier au lait cru avait été obligé de prendre sa retraite anticipée à la suite d’un contrôle de l’Afsca positif à la listeria.

 

Peser plus lourd face à l’Afsca

Le but de cette association professionnelle – la première du genre en Belgique dans le domaine du fromage – n’est évidemment pas de s’attaquer au principe de la sécurité alimentaire mais de tenter de peser plus lourd dans les discussions avec l’Afsca. Laquelle refuse toujours d’appliquer en Belgique les « assouplissements » pourtant prévus pour les artisans au niveau de la législation européenne.

Si une « cellule petits producteurs » a bien été créée au sein de l’Agence, à l’initiative du ministre de l’Agriculture Willy Borsus (MR), rien de concret n’est encore ressorti, selon le GIE. Qui estime que l’Afsca n’a pas l’intention de revoir sa philosophie mais simplement de tenter de mieux communiquer auprès des petits producteurs sur les normes sanitaires à mettre en place. Le hic étant évidemment que si certaines de ces normes sont applicables par des industriels, elles sont difficiles à mettre en oeuvre par des artisans…
Fondée par six fromagers et regroupant déjà 14 producteurs wallons (dont des noms bien connus comme ceux de la Ferme du Gros Chêne de Daniel Cloots à Méan et de la Ferme du Vieux Moulin de Madeleine Hansen à Herve), l’association espère grandir rapidement et s’élargir à la Flandre… On recense en effet une centaine de producteurs de fromage au lait cru rien qu’en Région wallonne.

Lait cru, Herve, José Munnix, fromage au lait cru, Afsca

Le soutien du Slow Food

Dans son combat pour la survie de l’artisanat face à la toute puissance de l’industrie agroalimentaire, le Groupement d’intérêt économique reçoit le soutien de poids de l’association Slow Food, déjà à l’origine de la création d’une « Sentinelle Slow Food » du Herve au lait cru. Et plus particulièrement de Piero Sardo, président de la Fondation Slow Food pour la biodiversité qui se bat, à l’échelle internationale, pour la sauvegarde de petites productions alimentaires de terroir qui font vivre l’économie locale.

L’une des initiatrices de ce GIE, la Liégeoise Fabienne Effertz (auteure d’un superbe ouvrage sur le fromage de Herve et qui avait été très présente auprès de José Munnix dans son combat contre l’Afsca) a ainsi déjà pu échanger avec la responsable d’une association analogue au Brésil, qui fait face à des problèmes identiques sur la question du lait cru, régulièrement attaqué aux quatre coins de la planète.

Lait cru, Herve, José Munnix, fromage au lait cru, Afsca

Promouvoir le lait cru

Outre la défense de la profession, l’un des objectifs de ce GIE est en effet aussi de faire la promotion du lait cru et de battre en brèche quelques idées reçues sur sa dangerosité présumée que tente d’imposer l’industrie. Certaines études scientifiques montrent ainsi que dans un lait cru, riche en bactéries autochtones – là où il faut rajouter des ferments lactiques à un lait pasteurisé pour pouvoir faire du fromage -, le risque de développement de la listeria serait même moins grand, certaines bactéries produisant des inhibiteurs naturels contre son développement.

Dans une société moderne obnubilée par le risque zéro, voilà un message difficile à faire passer. Même si, dans le même temps, l’ensemble des fromagers présents hier après-midi à Bruxelles s’enthousiasmaient de la soif grandissante des consommateurs pour des produits de terroir artisanaux et pour les circuits courts…