Ce mercredi, sort en salles « Les Liberterres », très beau documentaire signé Jean-Christophe Lamy et Paul-Jean Vranken, qui dresse le portrait de quatre paysans en résistance contre l’agriculture conventionnelle. Eclairant!

Si la révolution n’est pas pour demain, on sent la société occidentale traversée par un besoin de changement, une prise de conscience que la politique actuelle, défendue bec et ongles par nos dirigeants, va nous conduire à la catastrophe. C’est vrai en politique – on l’a bien vu en Grèce lors du référendum contre l’austérité –, mais aussi dans les questions d’alimentation, qui offrent un point d’appui accessible à tous pour penser le monde dans lequel on vit.

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Rémy Schiffeleers, producteur de fromages de chèvre à Alken, en Flandre.

Il y a quelques mois, Manu Poutte abordait le sujet de ces micro-révolutions dans “Une douce révolte”, en donnant la parole aux promoteurs d’une économie alternative, de la décroissance… Dans “Les Liberterres”, le principe est identique mais le Français Jean-Christophe Lamy et le Belge Paul-Jean Vranken se concentrent, eux, sur l’agriculture en partant à la rencontre de quatre paysans européens ayant opté pour le bio.

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A Raddusa en Sicile, Giuseppe Li Rosi produit des variétés de blé anciennes en bio.

L’un est éleveur bovin en Wallonie, l’autre fait pousser des chèvres en Flandre, le troisième cultive des variétés de blés anciennes en Sicile, tandis que la dernière produit du lait cru avec ses 15 vaches nourries au foin dans une vallée des Alpes autrichiennes… Ce qui les réunit, c’est d’avoir renoncé à l’esclavage imposé par l’agriculture conventionnelle, où il faut acheter des graines brevetées et les pesticides qui vont avec, où on élève en se crevant du blanc-bleu-belge, race incapable de vêler sans césarienne et aux frais vétérinaires exorbitants…

Ce qui les réunit aussi, c’est d’avoir retrouvé le goût de leur travail, la fierté d’être paysan, d’offrir au monde le meilleur d’une terre vivante, pleine d’humus. Là où l’agriculture intensive ne laisse qu’une terre morte, qu’il faut maintenir artificiellement en vie à coup de formules chimiques. Ce qui les réunit, c’est d’avoir, tout simplement, retrouvé le chemin du bonheur.

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A Habay-La-Vieille en Wallonie, André Grevisse a renoncé au blanc-bleu pour se lancer dans l’élevage bio d’Aberdeen angus. 

Si, formellement, “Les Liberterres” est un documentaire on ne peut plus classique, se contentant de faire se répondre la pensée de ses quatre protagonistes, le message et la philosophie proposés ici donnent à réfléchir à l’agriculture dont on a un besoin urgent. Une agriculture paysanne locale, qui retrouve son indépendance par rapport aux industries agroalimentaire et chimique. Et donc en rupture totale avec l’idéologie néolibérale qui régit le monde aujourd’hui…

Les Liberterres, documentaire, agriculture, paysans, bioA Fellersdorf, à la frontière entre l’Autriche et la Slovénie, Olga Voglauer vit avec son mari de leur 15 vaches, proposant directement aux consommateurs lait cru, yaourts et fromage blanc.

Scénario & réalisation  : Jean-­‐Christophe Lamy & Paul-­‐Jean Vranken. Photographie  : Paul-­‐Jean Vranken. Musique  : Margaux Vranken. Montage  : Alice de Matha. 1 h 22.
 

Pour prolonger la réflexion: « Fed Up »

Très ancré dans la réalité américaine, ce documentaire qui sort en dvd mais pas en salles n’en reste pas moins captivant car c’est tout le monde moderne qui est touché par l’épidémie d’obésité. Depuis la prise de conscience de ce fléau il y a 30, rien ne parvient à inverser la tendance. “Mangez plus léger et faites du sport”, répète-t-on sans cesse aux Américains, individualisant la responsabilité. Mais quels que soient leurs efforts, rien n’y fait. La thèse de la documentariste Stephanie Soechtig est claire : la cause de l’obésité ne réside pas dans le manque d’exercice mais dans le type d’alimentation qu’est parvenu à imposer le lobby agroalimentaire, aussi puissant et néfaste que celui des cigarettiers en leur temps. Même le programme “Let’s Move” de Michele Obama (qui a refusé d’être interrogée ici, au contraire de Bill Clinton) a été détourné de son objectif initial, désormais soutenu par Coca, Pepsi, Kellogg’s… Des multinationales qui devront un jour rendre des comptes pour avoir rendu toute une population accro au sucre, un poison dix fois plus addictif que la cocaïne… (1 dvd RIL)