Designeuse culinaire Françoise Laskar prend la cuisine très au sérieux et lancera à la rentrée un master en food design à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles.

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Sociologue de formation mais designeuse culinaire reconnue depuis 25 ans (elle a bossé un peu partout en Europe et donne des cours aux Etats-Unis), la Belge Françoise Laskar se réjouit de voir enfin la cuisine se frotter à l’art. Depuis quelque temps, on commence à penser à ce que nous faisons quand nous mettons un aliment dans notre bouche. La nourriture est intrinsèquement liée à l’existence mais nous n’en prenions pas réellement conscience jusqu’il y a peu. Plus récemment encore, on s’est rendu compte que l’alimentation ne pouvait être appréhendée seule, qu’elle était liée à d’autres domaines : culture, histoire, écriture…”

A la rentrée, Mme Laskar lancera un master en food design au sein de l’Ecole supérieure des Arts de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Une initiative bien en phase avec la vogue de la cuisine qui submerge nos sociétés depuis une dizaine d’années. “Tant mieux si l’on retrouve du plaisir en cuisine, si l’on s’intéresse à bien manger. Peut-être va-t-on manger moins de saletés, s’intéresser à l’origine des aliments, avoir une attitude plus responsable par rapport à la planète. Mais cette surmédiatisation a un revers : on raconte à tout le monde qu’il faut faire des choses exceptionnelles en cuisine. Je suis atterrée quand je vois ces candidats du ‘Dîner presque parfait’ qui, au lieu de préparer des plats simples et savoureux, essayent de faire un Pollock dans l’assiette. Toutes les modes ont des dérives mais au moins cela touche tout le monde. La gastronomie n’est plus seulement réservée à une élite…”

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Il y a quelques jours, les élèves du cours de food design des Beaux-Arts présentaient au centre Dexia leur travail de fin d’année : un défilé de robes et costumes revisitant les spécialités bruxelloises (stoemp, moules-frites, chocolat…) qui n’auraient pas déplu à Lady Gaga, qui avait fait sensation il y a quelques mois avec sa robe en steak ! L’occasion de donner, aussi, un avant-goût du programme du futur “Executive Master Food Design”. “Il y a quelques années, l’Académie m’avait contactée pour donner un cours à option sur le food design, ouvert à tous les élèves de l’Académie, explique Mme Laskar. Et il y a un an et demi-deux ans, j’ai proposé ce master en food design, le premier au monde avec celui de Reims. Mais ce dernier est uniquement ouvert aux bacheliers en design alors que moi, j’ai voulu qu’il soit ouvert à tous, avec un système de dérogations.”

Les cours seront ceci dit de niveau universitaire. Le gros du cursus sera occupé par un labo en art culinaire, donné dans les nouvelles cuisines et par les chefs du Ceria, et par un “labo en création culinaire et food design” (2×75 heures). Tandis que des invités de marque viendront donner des “master-classes” : des étoilés comme Pierre Wynants (ex-Comme chez soi), les frères Folmer (Couvert couvert) ou Sang-hoon Degeimbre (L’Air du temps), le chocolatier français Patrick Roger, le“food stylist”parisien Stéphane Bureaux ou encore les designers espagnols Xavier et Esther Vega, qui travaillent avec Ferran Adrià (El bulli). “Nos étudiants viennent de la communication, de la sociologie… Il est clair que si on veut étudier sérieusement l’alimentation, il faut savoir de quoi on parle. On aura par exemple un cours de cuisine moléculaire, tandis que David Martin de La Paix pourrait venir nous parler de la cuisine des abats…”

Mais les cours ne seront pas que pratiques, ils se feront pluridisciplinaires pour aborder tous les sujets : écriture culinaire, science et nourriture, anthropologie et sociologie de l’alimentation, histoire des boissons, esthétique culinaire, design… Tandis que les étudiants devront également suivre des cours généraux (histoire de l’art, histoire du design…) et participer à un atelier artistique au sein de l’Académie (dessin, sculpture, photo, peinture, tapisserie…). Enfin, la seconde partie de l’année sera consacrée aux stages et à l’écriture d’un mémoire.

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Cette solide formation a déjà séduit 12 étudiants (sur 15 maximum). Ou plutôt 12 étudiantes, dont 4 Belges, les autres venant de Suisse, du Japon, d’Estonie, d’Allemagne… Pour l’instant autofinancé sans aide de l’éducation nationale par le minerval des étudiants (1 500 € pour les Belges, 6 500 € pour les étrangers), ce master d’un an débouchera sur un certificat. Mais ce ne sont pas les débouchés directs qui intéressent les étudiants. “Ce sont tous des gens passionnés par la cuisine ou en tout cas par l’aliment, explique Mme Laskar. Qu’ils viennent du design, de la communication ou de l’histoire, ils ont envie de parfaire leur formation et s’orienter vers l’alimentation. Ils ont compris qu’il y a des nouveaux métiers qui se créent, comme les consultants auprès des chefs ou de l’industrie agroalimentaire…”

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