A mesure que le vin se mondialise, qu’il s’industrialise, les enjeux économiques se font de plus en plus importants. La concurrence pousse donc les producteurs à diversifier leur offre, à la rendre plus peps, à coups d’étiquettes accrocheuses, faciles à décoder (la mode des vins de cépages)… Et les tendances évoluent rapidement, y compris dans la manière dont on déguste le vin.

Les accords mets-vins

Que serait le vin sans la gastronomie? L’un ne va évidemment pas sans l’autre. Les accords mets-vins constituent cependant une question délicate. On veillera tout d’abord à une certaine cohérence dans ses choix. Pour une cuisine française traditionnelle, on jouera la carte du classicisme, tandis que l’on se fera plus aventureux avec une cuisine plus originale. Que l’on choisisse d’abord son vin ou son plat, deux possibilités s’offrent aux amateurs. Soit on opte prudemment pour un vin qui collera parfaitement au plat (dont les notes épicées rappeleront les épices d’une sauce par exemple), soit on joue au contraire sur leurs différences… Le risque est plus grand mais si l’accord fonctionne, la découverte s’avère bien plus enrichissante.

Traditionnellement, on réserve le rouge aux viandes rouges et aux fromages et le blanc aux poissons et fruits de mer. En la matière, point de science exacte cependant; à chacun de trouver les associations qui provoqueront le plaisir… De plus, ici encore, les goûts évoluent. Si déguster un poisson avec un rouge léger servi un peu frais est entré dans les habitudes depuis une dizaine d’années, peu de gens semblent encore oser s’aventurer sur le terrain du plateau de fromages servi avec du blanc. Ce serait se priver d’accords magiques, comme un munster avec un gewurztraminer, un roblochon avec un vin du Jura, un roquefort avec un jurançon, un vieux chèvre avec un châteauneuf-du-pape… De la même façon, on boira aussi bien du blanc que du rouge avec une volaille, une raclette ou une blanquette de veau par exemple.

A lire: « L’école des alliances », publié en 2000 chez Hachette Pratique par de l’oenologue et fin cuisinier Pierre Casamayor (301 pp., env. 30 €).

 

Renverser la vapeur

Si le vin a ses modes, cela concerne aussi la façon de le boire. Ainsi, depuis des années maintenant, on ne prend plus son ballon de rouge au zinc d’un petit bistro mais bien dans un bar à vins. Ces adresses chics ont fleuri un peu partout de Paris à New York en passant par Bruxelles. On y vient pour déguster un verre de vin en grignotant quelques charcuteries et fromages ou de petites préparations simples. L’étape suivante, ce fut naturellement l’apparition des restos à vins, où la cuisine, de brasserie ou plus raffinée, est conçue autour du vin.

A bout de souffre.jpg

Enrico Bernardo.jpgCette mode œnophile a même été poussée à son paroxysme par Enrico Bernardo. Meilleur sommelier du monde 2004 (mais aussi meilleur jeune cuisinier d’Europe en 1992), longtemps à la tête des caves du prestigieux Georges V, l’Italien a décidé il y a quelque temps de se lancer en solo en créant, en septembre 2007, « Il vino » à Paris. Quelques mois plus tard, le restaurant décrochait sa première étoile Michelin et, depuis, ne désemplit pas. C’est que le principe, qui a depuis fait des petits, est séduisant. Chez « Il vino », on ne reçoit pas la carte des plats mais bien celle… des vins. En fonction du verre ou de la bouteille choisie, le chef, Davide Barilone, vous concoctera un plat sur mesures. Soit, selon les passionnés, la démarche logique pour profiter des parfums ennivrants d’un grand vin…

 

Les vins qui ont la cote

Ainsi, après la vogue des champagnes rosés ou blanc de blanc (monocépage chardonnay), ce sont aujourd’hui les champagnes non dosés qui ont la cote. Apparus dans la suite logique des ultra-brut (peu dosé et donc très sec), il s’agit de champagnes dont on aura provoqué la seconde fermentation, non par adjonction d’une liqueur d’expédition, mais par du vin de champagne. Dans la bouteille, ne subsistent donc que les sucres résiduels naturels…

Nature, le mot est lâché. Comme en cuisine, la vogue du bio a bien entendu fait son apparition dans le monde du vin. Dans vin bio, il faut entendre issu de l’agriculture biologique, dont le cahier des charges ne s’intéresse qu’à la culture de la vigne, pas à la vinification. La biodynamie est un peu différente. Il s’agit de vins produits en faisant appel aux astres, aux saisons… Cette méthode mise au point par l’Autrichien Rudolf Steiner en 1924, souvent contestée, s’apparente à la culture raisonnée. Dans tous les cas, le vigneron fait ensuite ce qu’il veut pour provoquer la fermentation de son jus de raisin, y compris en ajoutant traditionnellement du souffre…

Depuis 2005, la loi impose cependant sur l’étiquette la mention « contient des sulfites », sans pour autant en préciser la dose ­ cela peut aller de 25 mg/l pour un Rouge sec bio à 160 mg/l maximum pour un vin classique (selon les normes CE)… De quoi lancer une nouvelle mode, celles des vins naturels, non souffrés, dont la fermentation débute naturellement, parfois au bout de trois ans… Mais attention, le vin, souvent légèrement pétillant, reste vivant et évolue en permanence dans la bouteille. Ce qui peut provoquer de mauvaises surprises (goût de levure si on l’ouvre dans une phase de refermentation), même après un passage obligé en carafe.

Enfin, aujourd’hui, la plupart des vins sont non filtrés car, si elle rendait le vin plus limpide (sans dépôt possible), la filtration ôtait une partie de ses saveurs…

 

La perte de vitesse des AOC

Longtemps gages de qualité ultime, l’AOC (appellation d’origine contrôlée) et autres IGT (indicazione geografica tipica), DOC (denominazione di origine controllata), DOCG (e garantita) en Italie ou DO (denominacion de origen) en Espagne ne sont plus aujourd’hui la seule référence pour les passionnés de découverte. Bien des jeunes viticulteurs ne se retrouvent en effet plus dans les cahiers des charge de ces appellations, au point de préférer produire des vins de pays ou carrément des vins de table, moins contraignants et qui leur permettent d’exprimer leur personnalité comme ils l’entendent. Mais attention, ces « petits » vins peuvent aujourd’hui rivaliser, en qualité mais aussi en termes de prix, avec les AOC…