Avec « La sauce était presque parfaite », “Les Cahiers du Cinéma” proposent une relecture gourmande de la filmographie d’Alfred Hitchcock… A dévorer sans modération.
Le monde de l’édition culinaire se porte bien. Et pour cause, il parvient sans cesse à étonner à coup de concepts plus ou moins innovants, plus ou moins intéressants… Ainsi, depuis quelques années, on a vu apparaître un nouveau type de livres de recettes s’inspirant d’univers fictionnels. On a eu droit aux recettes pour la “Famille” d’Artie Bucco, chef des “Sopranos”, celles de Bree et des autres “Desperate Housewives” de Wysteria Lane ou encore, pour les plus petits, à deux tomes des préparations de Rémy, le sympathique rat du “Ratatouille” de Pixar. L’idée est à chaque fois séduisante, même si l’on doute que quiconque s’attelle jamais aux recettes proposées.
Quelquefois heureusement, les ouvrages parviennent à dépasser le simple truc marketing pour offrir un vrai approfondissement de l’univers en question. Ainsi, il y a quelques années, on se régalait du “Livre de cuisine” et du “Livre des alcools de la Série Noire”, publiés chez Gallimard par Alain Raybaud, Arlette Lauterbach et Patrick Raynal. Ces deux derniers étant eux-mêmes auteurs de roman noir, il s’agissait d’une exploration passionnante de la célèbre collection de Gallimard.
En 2005, on découvrait également, sur le même principe, “Crème et châtiments, recettes délicieuses et criminelles d’Agatha Christie”, dû à Anne Martinetti, François Rivière et au photographe Philippe Asset. Le trio se reformait deux ans plus tard pour “Les Petites Recettes modèles, inspirées des oeuvres de la Comtesse de Ségur”, avant de s’attaquer ces jours-ci au cinéma d’Alfred Hitchcock.
Une étude sérieuse
Publié par “Les Cahiers du cinéma”, s’il vous plaît, “La Sauce était presque parfaite” propose une relecture ludique de la filmographie du cinéaste à travers les plats apparaissant dans ses films, de sa période anglaise à ses grands classiques hollywoodiens.
Auteur de biographies d’Agatha Christie, de Patricia Highsmith ou de J.M. Barrie, François Rivière s’attache à proposer une analyse sérieuse et passionnante du rapport d’Hitchcock à la nourriture, source inépuisable de plaisirs qu’il s’agissait de ne pas prendre à la légère pour ce fils d’épicier londonien. Ainsi, dans sa préface à “L’Inconnu du Nord-Express”, d’Highsmith justement, le cinéaste confiait-il : “Au moment de choisir le sujet d’un film, je me sens à peu près dans la même situation que le gourmet qui doit composer unmenu. On lui présente une carte où tous les plats le tentent. […] Vous avouerai-je que je ressens encore davantage le drame de la sélection quand il s’agit de l’ordonnance d’un repas?”
A la vue de sa silhouette ronde reconnaissable entre toutes, qu’il s’est amusé à dissimuler dans chacun de ses films, difficile en effet de ne pas imaginer Hitchcock en amateur de bonne chère. Et quand les studios hollywoodiens et les assurances lui imposaient un régime, il trouvait rapidement une parade malicieuse: “Quand je suis au régime, je me trouve assis à l’heure des repas devant une Madame (sa femme Alma, qui l’accompagnait dans ses tentatives de perte de poids, NdlR) qui dépérit à vue d’oeil, au point qu’il me faut interrompre rapidement ma diète au risque de la voir fondre complètement…” Et si la cuisine occupait une place si particulière dans la vie d’Hitchcock, c’est sans doute parce que sa mère était un fin cordon-bleu, tout comme Alma.
Si les éléments biographiques apportés par Rivière suffisent amplement à satisfaire le lecteur, Anne Martinetti s’inspire, elle, de la filmographie dumaître pour proposer 80 recettes plutôt simples, classées géographiquement : Angleterre,
Côte Est américaine, Californie et quelques détours à travers le monde. De la perdrix sauce ivoire de “Rebecca” au homard à l’américaine de “Fenêtre sur cour”, on saute à la pecan pie de “Pas de printemps pour Marnie” et aux muffins
aux myrtilles de “Mais qui a tué Harry ?”, sans oublier le Suprême Golden Gate de “Vertigo” ou le tajine de la Mamounia de Marrakech de “L’homme qui en savait trop”. Chaque recette, illustrée d’une alléchante photo, est évidemment replacée dans le contexte du film en question et s’accompagne d’un extrait de dialogue.
Bref, “La Sauce était presque parfaite” se feuillette en salivant, tout en donnant sacrément envie de se replonger d’un oeil gourmand dans les chefs-d’oeuvre de Mr Hitch.
Envie de lecture?
“La sauce était presque parfaite. 80 recettes d’après Alfred Hitchcock”, publié par “Les Cahiers du Cinéma” (172 pp., env. 30€).