Lorsqu’on rencontre pour la première fois Etsuko Kurihara, on se dit que ce petit bout de femme est la Japonaise typique. Taille de guêpe, cheveux noirs de jais, Etsuko est toujours tirée à quatre épingles. Après quelques échanges, on a tôt fait de comprendre qu’elle est pourtant loin de coller à tous les clichés de la Japonaise classique…
Reportage photo: Johanna de Tessières
Présentation
- Nom: Etsuko Kurihara.
- Age: 42 ans.
- Statut: célibataire.
- Profession: directrice du service culturel et d’information de l’ambassade du Japon à Bruxelles.
- Ses goûts: Etsuko aime le houmous libanais, la cuisson “al dente” et la bottarga italienne (karasumi au Japon) mais aussi la cuisine portugaise, où elle trouve des similarités avec la cuisine japonaise.
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En cuisine avec Etsuko
Une fois franchi le seuil de son appartement de fonction impersonnel situé au 5e étage d’un immeuble près de Madou, et qu’on a revêtu les pantoufles réservées aux invités, Etsuko Kurihara prend plaisir à raconter son histoire. Elle est née dans l’arrondissement de Suginami, tout à l’ouest de Tokyo, une zone calme et résidentielle loin du tumulte du centre-ville.
Etsuko habite en Belgique depuis janvier 2014. Si elle ne maîtrise pas la langue de Molière, elle s’exprime dans un très bon anglais, ce qui est assez rare au Japon. Etsuko l’a appris durant ses études de Sciences politiques à Tokyo puis à Londres et même à Brunei, où elle a été détachée par le ministère des Affaires étrangères pour lequel elle travaille. Elle sait d’ailleurs déjà qu’elle n’a été envoyée à Bruxelles que pour quelques années seulement…
Vive et enjouée, elle met tout de suite les points sur les “i” : “La cuisine japonaise n’est pas ma cuisine préférée. Je ne consomme pas beaucoup de riz et je n’ai même pas de rice cooker !” Etsuko ne mange d’ailleurs pas avec des baguettes lorsqu’elle est chez elle… Renversant !
Une mère ouverte sur le monde
Ce goût pour la nourriture occidentale, c’est sa mère qui lui a insufflé. Femme au foyer, celle-ci suivait régulièrement des cours de cuisine étrangère. Aussi, à la maison, alternaient plats japonais traditionnels et occidentaux, en particulier français, italiens et anglais. Etsuko épatait d’ailleurs ses copains de classe lorsqu’elle racontait qu’elle avait mangé une cottage pie anglaise – son plat préféré – ou avait été dans un restaurant suédois !
« Tous les matins, ma mère me demandait de râper la bonite pour préparer le katsuobushi pour confectionner le dashi de la soupe miso. Mais c’est trop de travail !”
Evidemment, sa mère, excellente cuisinière, était passée maître dans l’art d’adapter les recettes les plus variées avec des ingrédients japonais. Don qu’elle a transmis à Etsuko, qui s’adapte elle aussi aux ingrédients qu’elle trouve dans nos supermarchés. Car elle n’a pas toujours le temps de filer dans une épicerie spécialisée… De toute façon, après des journées bien chargées à l’ambassade, elle préfère aller au restaurant ou se cuisiner des pâtes, à l’italienne !
“Au Japon, on pense toujours avec les saisons et en fonction des occasions, des fêtes, tout commence avec le dashi et le kombu. Lorsqu’on cuisine le riz, on le met à tremper au moins une heure avant le repas. Mais cela dépend de la saison, de la température. C’est le riz qui rythme la cuisine. C’est pour ça que je ne cuisine pas de riz. Parce qu’il faut que j’y pense à l’avance et que ce n’est pas juste cuire du riz…” La cuisine japonaise c’est du sérieux ! Au Japon, on ne prépare jamais des sushis à la maison par exemple. Tandis que dans une ville comme Tokyo, il y a un nombre incalculable de restaurants français et italiens !
« Quand j’étais petite, ma mère a cuisiné un jour des lasagnes. C’était très rare au Japon, même dans les restaurants italiens !”
Les baguettes sont de sortie
Au menu de ce soir, des plats japonais du quotidien. Etsuko avoue : “C’est la première fois que je cuisine vraiment japonais depuis que je suis en Belgique !” Et elle se débrouille plutôt pas mal. La table est dressée avec soin, les baguettes sont exceptionnellement de sortie et on boit l’excellent vin nippon de son amie Ayana Misawa, de chez Grace Wines aux pieds du mont Fuji. Kampai ! Sous nos yeux : une salade de concombre, algues wakame, vinaigre, sauce soja, shichimi de Kyoto (mélange d’épices); des haricots verts, sésame, sauce soja et katsuobushi (flocons de bonite séchée); des radis roses au wasabi et jus de citron; des cuisses de poulet sauce soja-miel, et un niku-jaga (cf. recette ci-dessous).
Des plats simples où Etsuko a choisi du vinaigre de pomme au lieu du vinaigre de riz, des haricots verts à la place des edamame ou du vin pour remplacer le saké. Le résultat ? Des spécialités japonaises ouvertes sur le monde et ancrées dans leur temps, qui correspondent bien à la modernité d’Etsuko. Un sacré petit bout de femme très curieuse qui nage comme un poisson dans l’eau dans l’ambiance internationale de Bruxelles !
Japon/Belgique
“Ce qui me manque du Japon, c’est le tofu. Impossible d’en dénicher un avec une texture correcte dans les supermarchés belges, explique Etsuko. J’aime la cuisine belge. J’ai goûté à mes premières frites chez “Antoine” à Flagey il y a quelques semaines. Mais je connais aussi les spéculoos, les croquettes aux crevettes, les carbonnades, le lapin à la bière. Je mange même du gibier, ce qui n’est pas fréquent au Japon, sauf à Hokkaïdo ! Mais je préfère cuisiner à l’huile d’olive ou de sésame qu’avec du beurre.”
Dans les placards d’Etsuko
Malgré un frigo et des placards pas bien remplis, Etsuko a les ingrédients essentiels de la cuisine japonaise : shoyu (sauce soja) ramené du Japon, miso, wasabi, graines et huile de sésame… Mais aussi du champagne et des spéculoos !
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La recette d’Etsuko
Niku-jaga (viande et pommes de terre)
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Au Japon, nous confie Etsuko, on a coutume de dire que c’est avec son niku-jaga qu’une femme tient son homme par le ventre. Il s’agit d’un plat familial dont il existe de multiples variantes, même occidentalisées. Etsuko le prépare avec des nouilles à base de konjac, très peu caloriques, qui lui permettent de garder la ligne.
Ingrédients (pour 2 pers.) :
200 g de bœuf ou de porc en morceaux, 3 pommes de terre en morceaux, 2 carottes en morceaux, 1 oignon émincé, 1 sachet de shirataki (nouilles de konjac) rincées à l’eau bouillante et coupées, 1,5 c.à.s. d’huile de sésame, 1 c.à.s. de miel (ou plus généralement du sucre), 3 c.à.s. de sauce soja, 1 c.à.s. de mirin, 3 c.à.s. de saké (ou de vin blanc), 2 c.à.c. de gingembre frais râpé.
Préparation :
Mélanger tous les assaisonnements, sauf l’huile de sésame, dans un bol.
Dans une casserole, verser l’huile de sésame et faire revenir les oignons et les carottes puis ajouter les pommes de terre et la viande. Lorsque le tout est légèrement coloré, ajouter les shirataki et les assaisonnements et cuire pendant 20 à 30 min à feu doux.
Servir bien chaud.
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Les bonnes adresses d’Etsuko
Vraie foodie. “Peu de restaurants japonais ont de vrais chefs japonais et ne sont donc pas authentiques !”, estime Etsuko. Pour les sushis, elle conseille le Nonbe Daigaku. Mais pour les plats plus élaborés, elle choisit le Kamo. Pour avoir l’impression d’être dans un izakaya (sorte de bistro nippon), elle choisira plutôt le Yamayu Santatsu. Pour les produits, direction le Tagawa à Ixelle ou le Ken Chan à Woluwé Saint-Pierre.
Mais Etsuko recommande aussi la brasserie Scheltema, où elle emmène ses amis qui viennent du Japon et elle a adoré son expérience étoilée chez Bon Bon car “Christophe Hardiquest est un chef souvent inspiré par la cuisine japonaise, même si sa cuisine est très personnelle”.
Dans son quartier, près du Cirque Royal, elle recommande le Wine Walk et le Bier Circus.