Précurseur de génie, Michel Guérard a inventé dans les années 70 une nouvelle façon de se régaler en alliant légèreté, plaisir et santé. Celui-ci prophétise en tout cas: «En paraphrasant André Malraux: je pense que demain la cuisine sera de santé ou ne sera pas. Y compris la grande!»
C’est la fin des régimes ! Décriés depuis quelque temps, les régimes restrictifs ne font plus recette. Leur efficacité est en effet de plus en plus contestée et leurs répercussions sur la santé non négligeables, ceux-ci entraînant, la plupart du temps, des carences et des dérèglements organiques et hormonaux. Sans parler du fait qu’un être humain ne peut vivre en état de privation permanente !
Triplement étoilé à Eugénie-les-Bains à l’origine de la Nouvelle cuisine, Michel Guérard a ce précept bien en tête lorsqu’il lance courageusement sa cuisine gastronomique minceur – à l’époque, il était très mal vu pour un chef étoilé de sa trempe de se lancer dans ce type de cuisine. L’idée lui vient de sa femme, Christine, dont le père venait d’acheter une station thermale dans les Landes, les futurs “Prés d’Eugénie”… Lorsque Guérard y débarque pour la première fois, il se désole de voir les pauvres curistes attablés devant des assiettes de carottes râpées sommairement assaisonnées… La “Grande cuisine minceur”, dont les fondements sont posés avec la parution du livre éponyme en 1976, était née. Une cuisine hypocalorique, où l’on a bien entendu enlevé du gras, du sucre… mais qui est agréable à regarder et à déguster. Avec sa femme, Guérard est aujourd’hui à la tête de la Chaîne thermale du Soleil, 20 stations thermales réparties à travers toute la France.
Vichyssoise glacée au « caviar » de hareng et tartare de saumon, une recette testée et approuvée
Grâce à Nestlé, pour qui il a travaillé (en créant notamment dans les années 80 une gamme de plats préparés pour Findus), et aux diététiciennes qu’il côtoie quotidiennement à Eugénie-les-Bains, le chef a parfait ses connaissances en matière de diététique. “L’homme est fait pour s’alimenter; il ne vit pas s’il ne s’alimente pas. Mais l’alimentation peut devenir perverse. Aujourd’hui, on meurt plus de maladies liées à notre alimentation que de maladies dégénérescentes. C’est-à-dire que le fait de mal s’alimenter a provoqué une quantité de maladies qui s’inscrivent dans le syndrome métabolique. On a appris aux enfants à marcher, à parler, compter… On ne leur a jamais appris à manger !”
Une autre très bonne recette testée, la salade de volaille thaï « landaise »
C’est pourquoi Michel Guérard s’est encore plusinvesti dans le secteur de la santé ces dernières années. Il a ainsi proposé fin 2008 à Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, de créer une Ecole nationale de cuisine de santé et a participé, à sa demande, à un comité de pilotage réunissant des savants et des professeurs de médecine pour rédiger un Livre blanc. Lequel rassemble toutes les données des problèmes de santé prioritaires (obésité, diabètes, maladies cardio-vasculaires, troubles de l’alimentation liés au cancer et au vieillissement) ainsi que les recommandations alimentaires propres à celles-ci.
Un Livre qui servira de Bible à l’école de Guérard, dont l’ouverture est prévue fin 2013 à Eugénie-les-Bains. Elle formera les cuisiniers qui opèrent en milieu hospitalier ou en collectivité à l’alimentation santé en les initiant à la diététique. Mais aussi, plus largement, tous les restaurateurs intéressés. “On est en train, par exemple, de passer un accord avec l’Institut Paul Bocuse, pour les élèves. Il y a aussi une école japonaise qui est venue nous voir”, se réjouit le chef landais.
« Je voudrais trouver un autre mot que régime car il est trop connoté. Les régimes sont souvent le fait de gourous qui trouvent l’astuce pour gagner leur vie, qui lancent des modes sans se soucier de l’équilibre nutritionnel. »
Mais quel est le secret de la cuisine minceur de Michel Guérard ? “En matière d’alimentation, nous sommes génétiquement codés. C’est-à-dire qu’on a un ADN mais aussi des habitudes de goûts. Il n’y a pas d’histoire de la cuisine qui ne soit pas une histoire d’habitudes de goûts. Nous, Français, ne mangeons pas comme les Chinois et réciproquement. Dès lors que le consommateur n’a plus cela, il est perdu, il est en déséquilibre. Le Français et son alimentation, c’est l’histoire d’un vieux couple. Il ne veut pas avoir à choisir entre plaisir et santé, il veut les deux à la fois. Donc, s’il est habitué à manger du cassoulet ou du pot-au-feu et qu’on l’en prive, ça ne peut pas marcher. C’est donc à nous de faire du cassoulet en coupant les calories en trois.”
Notre version du velouté Pondichéry aux petits encornets de Michel Guérard
C’est ce que Guérard s’évertue à faire dans le chapitre “Grande Tradition Revisitée” de son dernier livre “Minceur essentielle” (cf. ci-dessous), en proposant notamment un Paris-Brest au café à env. 200 kcal ! Dans cet ouvrage, le chef livre aussi des recettes plus créatives, introduites par une longue première partie très intéressante où il livre les principes de base et les techniques qui permettront au cuisinier amateur ou pro d’acquérir des automatismes pour qu’à son tour, il puisse inventer des plats créatifs et légers.
Le menu idéal de Guérard se compose d’une entrée, d’un plat et d’un dessert pour environ 500 à 600 kcal par repas. On y privilégie l’usage des bouillons parfumés (en pochage, dans les papillotes, les vinaigrettes, comme liaison…), qui permettent de donner du goût en jouant un rôle d’exhausteur et de remplacer avantageusement les matières grasses. Ce qui fait d’ailleurs toute la différence dans les recettes minceur de Guérard, c’est toujours la présence d’un assaisonnement, une vinaigrette ou une sauce par exemple, qui, bien que diététique, conserve complexité et profondeur, bref une dimension gastronomique. Comme dans les desserts par exemple où, lorsqu’il s’agira de réaliser une chantilly, on utilisera un peu crème entière (sinon la crème ne monte pas) en y associant des blancs montés en neige, pour la légèreté. Mais comme c’est le goût qui compte avant tout, Guérard n’est pas prêt à toutes les concessions ! Pour sa pâte à choux, il utilise quand même le beurre car, sans lui, les pâtisseries ne seraient pas aussi savoureuses, dorées et croustillantes !
Certes, les recettes sont parfois un peu longues à réaliser mais il suffira, le temps d’un week-end, de confectionner tous les bouillons, huiles parfumées (huile de noix de coco, de verveine…), purées de légumes… nécessaires à l’élaboration des plats santé. Il s’agira surtout, grâce aux précieux conseils du chef, d’acquérir des réflexes minceur. Gastronomie et minceur, deux termes que Michel Guérard a définitivement réconciliés !
Semoule à la verveine du jardin, un dessert aérien pas mal du tout
Deux recettes minceur signée Guérard
- Vichyssoise glacée au “caviar” de hareng et tartare de saumon
- Salade tiède de volaille thaï-« landaise »
Trucs et astuces
- Pour réaliser une chantilly allégée qui conserve une dimension plaisir, on monte 15 cl de crème liquide entière (à cette étape, on peut ajouter un parfum: café soluble, chicorée, armagnac…) et on ajoute ensuite deux blancs en neige légèrement sucrés.
- Les huiles de colza et de noix sont riches en acides gras essentiels, les fameux oméga 3 et 6. On privilégiera donc l’usage de celles-ci. Le saumon, le maquereau, le hareng et la sardine en contiennent également.
- Pour donner une dimension gastronomique à ses plats minceur, Guérard réalise des bouillons parfumés d’herbes aromatiques ou d’épices (combava, vanille, cumin, curry…), qu’il utilisera tels quels ou comme base pour confectionner des vinaigrettes dont il accentuera encore le parfum avec des huiles parfumées (huile de thym, romarin, noix de coco, de verveine…).
- Pour réaliser des sauces émulsionnées allégées, Guérard utilise du lait concentré non sucré pour la béarnaise ou la hollandaise, du fromage blanc 0% pour la mayonnaise en association avec un peu d’huile. Il a aussi créé ce qu’il appelle des « liaisons potagères », des légumes, parfois associés à des fruits réduits en mousseline et utilisés pour lier des bouillons. Ceux-ci remplacent les liaisons classiques à base de roux, de beurre et de crème qui sont trop riches. Ces « liaisons potagères » accompagnent viandes et poissons ou peuvent servir de base à un gratin.
- Michel Guérard n’a pas tout fait oublié les gens pressés en consacrant un chapitre de son livre « Minceur essentielle » à la cuisine santé de tous les jours. Il y livre quelques conseils pour des repas équilibrés vite fait composés d’une salade simple, d’un poisson ou d’une viande assaisonnée par exemple d’une de ses « liaisons potagères » et d’un fromage blanc et/ou d’une compote de fruits.
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Minceur Essentielle, la grande cuisine santé de Michel Guérard
Toutes les astuces et les recettes minceur de Michel Guérard dans un livre pratique truffé d’anecdotes et illustré par de jolies photos et des dessins techniques signés de la main du chef.
- Publié chez Albin Michel (336 pp., env. 29€).