Lancé il y a peu, le site de l’asbl Cuisine sauvage propose des fiches pratiques et des recettes pour s’initier à la cueillette des plantes sauvages, une activité en plein boom depuis quelques années.
A la recherche de l’ail des ours
Il drache ce matin-là sur la E411 à hauteur de Champion. On se dit que c’est râpé pour la balade autour des plantes sauvages organisée par l’asbl namuroise Cuisine sauvage à la citadelle de Namur. Mais les cieux se révèlent finalement cléments envers son dynamique président Lionel Raway. Quelques gouttes de pluie seulement ne suffiront pas à perturber l’initiation à la cueillette organisée le 30 avril dernier à l’occasion du lancement du tout nouveau site de l’association (cf. ci-dessous). Rompu à l’exercice, Raway mène dans la bonne humeur sa petite troupe, composée de journalistes mais aussi d’amis, comme Frank Mestdagh, créateur du supermarché locavore “D’ici” à Naninne, qui soutient l’asbl.
La balade démarre au Château de Namur et on n’a pas fait 20 mètres que l’initiation débute. Les participants forment un cercle. “Peut-on manger des pissenlits ? Ceux qui répondent oui rentrent dans le cercle”, s’amuse l’animateur. Avant de donner une première recette toute simple : des câpres de pissenlit, réalisés avec les boutons (avant floraison) de la plante. Une fois lavés, ceuxci sont simplement mis dans un pot et recouverts de vinaigre de cidre chaud, éventuellement avec quelques aromates (poivre, origan, laurier, thym, baies de genévrier…). Chacun y va ensuite de sa petite recette : poulet farci aux feuilles de pissenlit, cramaillotte (gelée de fleurs de pissenlit)…
Sauvage ou cultivé?
En une heure et demie, Lionel Raway aura passé en revue une petite dizaine de plantes disponibles à tout un chacun prêt à se baisser pour les ramasser. On découvre que les épis noirs du plantain ont un petit goût de champignon (à toaster dans une poêle par exemple avant d’ajouter de la crème pour accompagner des pâtes). Ou que l’égopode, au petit goût de céleri, était cultivé comme un légume au Moyen Âge, avant de retourner à la nature. Un bel exemple de la frontière finalement très floue entre plantes sauvages et cultivées. La noisette, l’ortie, la fraise des bois… sont-elles sauvages ou cultivées ?
Mais la plante que tout le monde a envie de découvrir, c’est évidemment l’ail des ours. Avant même de l’apercevoir, pas moyen de se tromper, l’ail embaume l’air à une dizaine de mètres à la ronde. On tombe alors sur un magnifique tapis de petites fleurs blanches. “Attention, vous marchez dans mon potager”, plaisante Lionel Raway, avant de décrire en détails ce bel ail sauvage que l’on trouve en ce moment à la carte de tous les restaurants…
Aux pieds de la Citadelle, la promenade se termine chez Carl Gillain à “L’Agathopède”. L’ancien “Top Chef” s’est livré à quelques travaux pratiques, présentant quelques idées gastronomiques pour cuisiner la cueillette: asperges vertes, sorbet d’ail des ours et bœuf séché, cabillaud et feuilles d’égopode (photo) ou encore un joli dessert autour de la pomme, proposée en mousse et en sorbet avec des feuilles acidulées d’oxalys.
La cueillette, un outil de sensibilisation
À l’issue de cette initiation rapide, on ressort avec quelques connaissances mais surtout une envie de prolonger l’expérience, de découvrir ces plantes disponibles gratuitement autour de nous qui retissent un lien avec la nature. Pour Lionel Raway, la cuisine sauvage est en effet “un excellent outil de sensibilisation à la protection de l’environnement”. “Elle se positionne au coeur de questions d’actualité (biodiversité, santé, alimentation durable, pesticides…) en se tenant pourtant loin de tout discours moralisateur.”
Cette activité ancestrale, qui promeut la consommation d’ingrédients sains, locaux et de saison, connaît aujourd’hui un véritable regain d’intérêt, emmenée par l’incroyable vogue autour de la gastronomie. Une preuve parmi d’autres ? L’asbl Cuisine sauvage a été invitée à présenter un panneau d’exposition au sein du Pavillon belge de l’exposition universelle de Milan, dont le thème est justement “Nourrir la Planète, Énergie pour la Vie”.
Cuisine sauvage, un site de référence
Mise sur pied fin 2010, l’asbl Cuisine sauvage passe à la vitesse supérieure avec le lancement de son nouveau site, réalisé avec le soutien de la Région wallonne et avec la collaboration de l’université de Gembloux et du Jardin botanique de Meise pour la caution scientifique. Au menu, une septantaine (l’objectif est d’arriver à une centaine) de fiches botaniques très détaillées présentant les plantes communes de nos régions, facilement consultables sur un smartphone pendant la cueillette. Chaque plante est décrite grâce à une photo, une fiche d’identification rapide, un calendrier de récolte, des infos nutritionnelles et son usage en cuisine…
Le site propose par ailleurs des recettes, imaginées notamment par ses “ambassadeurs”, soit les 18 chefs du réseau Génération W. Où l’on retrouve déjà, par exemple, des créations de Christophe Pauly, Clément Petitjean, Eric Martin, Arabelle Meirlaen, Jean-Baptiste Thomaes, Martin Volkaerts, Thomas Troupin, Carl Gillain… Egalement adapté à la consultation sur tablettes pour une utilisation en cuisine, Cuisinesauvage.org propose pour l’instant 170 recettes. Une base de données amenée à s’étoffer puisque chacun est invité à y déposer ses bons petits plats (un concours de la meilleure recette est d’ailleurs organisé jusqu’au 30 juin prochain).
Mais Cuisine sauvage, ce n’est pas que virtuel. L’asbl de Lionel Raway propose aussi des initiations in situ, lors de balades découvertes (prochaines dates le 5/7 au Fond humide de Dave, 29/9 à Namur et le 5/12 à Dave). Mais aussi des balades à la carte de 2-3h pour 1 à 25 personnes (109€+ feuillet de recettes) ou des ateliers cuisine à domicile (6-8h), réalisés pour des groupes de 6 à 15 personnes (349€+ feuillet de recettes). Enfin, l’asbl est également en charge de la formation à la cuisine sauvage du Cefor, centre de formation Horeca namurois (10 cours de 5h au printemps et 10 cours à l’automne).
- Rens. : www.cuisinesauvage.org. Balades : 8€ ou 28€ pour le pass 4 saisons.
Bibliothèque sauvage
Nouvelle Flore de Belgique, 6e édition
Première étape : reconnaître les plantes sauvages dans la nature. Illustré de 1500 croquis, ce guide permet d’identifier la majorité des végétaux de Belgique, du Luxembourg et du nord de la France : plantes à fleurs, conifères, lycopodes, prêles et fougères. Une “bible du botaniste” destinée à un public averti, déjà initié à la cueillette et à l’identification des plantes.
- Publié par Jacques Lambinon et Filip Verloove aux éd. du Jardin botanique national de Belgique (1195 pp., 45 €). Disponible en ligne sur Shopbotanicgarden.weezbe.com.
Les plantes sauvages comestibles et toxiques
On ne présente plus le Français François Couplan, le pape de la cuisine sauvage, qui s’est initié aux plantes sauvages dans les années 70 en Californie. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié cette “bible du cueilleur”, qui décrit de façon très pratique 200 plantes comestibles et 80 végétaux toxiques à travers 64 planches couleurs, et propose, pour chacune, des infos sur leurs propriétés nutritives et médicinales, leur utilisation en cuisine…
- Publié par François Couplan chez Delachaux et Niestlé (415 pp., env. 38,50€).
La cuisine des plantes sauvages
Une fois rentré de la cueillette, reste à cuisiner sa récolte. Outre une description de 60 plantes sauvages communes dans nos régions, ce livre de la Suissesse alémanique Meret Bissegger, basée dans le Tessin, propose 130 recettes simples dans une approche Slow Food de la cuisine et de la vie.
- Publié par Meret Bissegger aux éd. Ulmer (320 pp., env. 32€).