New York, Londres, Berlin, Lyon, Copenhague, Madrid, Lisbonne… Toutes les grandes capitales du monde ont succombé depuis longtemps déjà au charme des food markets. Cela fait des années qu’on se lamentait du retard pris par Bruxelles en la matière. Mais depuis ce mercredi, la capitale compte enfin son premier marché gourmet digne ce nom, le Wolf, qui ouvrira officiellement ses portes au public ce samedi dans l’ancien immeuble de la CGER de la rue Fossé aux Loups.

Plusieurs millions d’investissement

Très ambitieux, ce projet a été imaginé il y a trois ans par le Bruxellois Thierry Goor, qui travaille depuis 35 ans dans la communication à Bruxelles, Paris et Lyon. “J’ai eu l’idée générale du concept, que j’ai présentée au départ à Paul et Michel Haelterman. Ils ont tout de suite accroché sur l’idée de revaloriser le bâtiment et le quartier. Ensuite, Pascal van Hamme (patron du groupe Chou de Bruxelles, qui possède le traiteur du même nom, mais aussi Le Mess, Le Vaudeville ou Le Chalet Robinson à Bruxelles, NdlR) est arrivé dans le projet…”, nous explique le créateur, en mordant à belles dents dans un petit hamburger des Super Filles du Tram, l’un des 17 restaurants présents au Wolf.

Pour lancer un tel lieu, il faut en effet avoir des billes. À la tête de la brasserie Haelterman (qui importe notamment la bière danoise Carlsberg en Belgique), les frères Haelterman ont les reins solides. Ce sont eux qui sont d’ailleurs propriétaires du bâtiment, la société exploitant le Wolf ayant signé un bail renouvelable de 27 ans. Sur le budget, Thierry Goor reste cependant très discret. En guise de chiffre, il se contente de dire qu’un tel investissement – essentiellement des capitaux privés, mais avec un soutien de la Région bruxelloise – représente “beaucoup de millions”

Et si de tels projets à Anvers et à Gand se sont soldés par un échec, le bonhomme reste confiant. “Le problème, c’est que, comme c’est un peu à la mode, les gens se disent : ‘Tiens, on va lancer un truc comme ça.’ Mais c’est excessivement compliqué. On a été au fond des détails. On a créé notre propre application de commande, notre propre système de livraison, que l’on va lancer au fur et à mesure. Ce sont vraiment des paris ambitieux”, estime M. Goor, en soulignant que tous les paiements seront électroniques chez Wolf, qui sera ouvert 7 jours 7, de 8 h à 23 heures.

Une réhabilitation réussie

Confiée à l’architecte bruxellois Lionel Jadot, la réhabilitation de l’ancienne banque est une vraie réussite. Au milieu de l’immense salle des guichets de 500 m2, trône un grand bar, où seront notamment servies les deux bières brassées sur place, par Belgoo (La Binchoise) et par Vincent Dujardin, l’ancien brasseur de La Manufacture urbaine à Charleroi. Autour de cet espace central, s’organisent les tables en bois de récupération et les différents stands.

Éclectique, la décoration fait des clins d’œil à l’architecture extérieure du bâtiment originel, imaginé à la fin du XIXe siècle par Henri Beyaert et Paul Hankar, puis par Alfred Chambon pour l’extension dans la première moitié du XXe siècle. Ont notamment été repris ici des codes du constructivisme et de l’expressionnisme. Tandis que certains des matériaux ont été récupérés sur place, comme des vitraux du Val Saint Lambert (qui avait réalisé l’immense verrière en 1943) utilisés pour le bar.

“On a évidemment visité quasi tous les food markets européens, en Asie et aux États-Unis. Mais on a voulu faire un truc différent, à la belge. Une espèce de joyeux bordel. Cela se ressent également dans le choix de l’architecte avec qui on a travaillé. Mais aussi dans le fait d’avoir en plus un marché bio et une microbrasserie. Je pense qu’on est les seuls à avoir les trois en même temps”, explique Thierry Goor. En précisant s’être notamment inspiré du food market d’Eindhoven aux Pays-Bas et, évidemment, de l’iconique Chelsea Market à New York.

Du côté des restaurateurs, Wolf joue également la carte d’éclectisme. Avec une sélection très cosmopolite, composée d’un chocolatier (Belvas) et de 17 restaurants pour la plupart bien connus des foodies bruxellois. Lesquels font voyager d’Asie (Knees to Chin, Hanoi Station) à l’Éthiopie (Toukoul) ou la Syrie (My Tannour), en passant par Hawaï (Poke Club), l’Italie (La Piola) ou Bruxelles (Les Filles). Sans oublier deux valeurs sûres “étoilées”, le boucher Dierendonck et les Gaufres & Waffles d’Yves Mattagne.

“Le modèle est très spécifique. On prend 15 % sur l’ensemble de la nourriture (en guise de location pour les restaurateurs, NdlR) et on se réserve le bar et la microbrasserie. Donc, si ça ne fonctionne pas pour eux, ça ne fonctionne pas pour nous. Ils signent donc jusqu’à ce qu’il y ait un problème et qu’ils arrêtent. Mais on a déjà 40 candidats sur la liste d’attente, également de l’étranger. On a des Français, des Italiens qui veulent venir”, confie le créateur du Wolf.

Et ce ne sont pas les autres projets en cours à Bruxelles, notamment à Tour&Taxis, qui lui font peur. “Je ne pense pas qu’il y ait de concurrence. C’est une nouvelle façon de consommer. Mais tous ceux qui veulent mettre cela en place se rendent compte que cela ne se fait pas en deux coups de cuillère à pot. C’est vraiment compliqué”, conclut Thierry Goor.