Depuis deux mois, Facebook et Instagram sont saturés de photos de pains croustillants et de levains poussant dans leurs bocaux en verre. Faire son pain est en effet devenu l’un des musts du confinement. Même Jake Gyllenhaal s’y est mis! De quoi inspirer les humoristes, comme la chanteuse Giedré qui, dans l’irrésistible chanson confinée Arrêtez (de faire du pain), estime que « là, ça va trop loin!».

Mais que faire de tout ce pain, surtout quand il a séché (sans même parler des restes de levain)? On a passé tellement de temps à le confectionner qu’on ne va quand même pas le jeter, fût-il rassis! Pas de problème. Partout dans le monde, on trouve des recettes, souvent dites « pauvres », utilisant le vieux pain.

Voici plein d’idées pour changer du classique pain perdu — qu’on déclinera, comme le chef Jérémy Girvan, en version salée, en trempant le pain dans un bouillon de volaille lacté et que l’on servira avec une poêlée de champignons — ou du bodding belge.

Première solution, la chapelure

La solution la plus simple pour récupérer les vieux morceaux de pain sec qui traînent au fond de la boîte à pain est évidemment la chapelure, qu’on prépare en un instant avec un bon mixeur. On pensera à réaliser des chapelures d’épaisseurs différentes en fonction de la texture souhaitée pour la panure d’une escalope de veau, de pleurotes, de croquettes de pommes de terre ou de fromage de Herve… Ou pour farcir un artichaut ou des chipirons.

Avec une noix de beurre, la chapelure remplacera le fromage au-dessus d’un gratin au four ou servira de topping à un mac & cheese décadent. De son côté, le chef Damien Brunet réalise une chapelure au beurre noisette. « Je la mets partout! Sur un poisson, ou même un tartare », s’enthousiasme-t-il.

Mixé plus finement encore, en farine, le vieux pain peut être utilisé dans des gâteaux, des pâtes et même… du pain. Chez Racines à Bruxelles, Ugo Federico refait ainsi avec nostalgie la torta di pane al cioccolato de sa Nonna…

Tour d’Italie

Riche d’une vraie culture du pain — très différent d’un bout à l’autre de la Botte —, l’Italie est une mine d’inspiration pour utiliser les restes de pain. Dans le livre collectif publié chez Phaidon Bread is Gold, Massimo Bottura partage son souvenir d’une zuppa di latte (soupe de lait) qu’il mangeait enfant au petit-déjeuner. Soit des restes de pain trempés dans du lait avec un peu de café et beaucoup de sucre.

Une recette toute simple à l’origine d’un des desserts iconiques du célèbre chef de l’Osteria Francescana à Modène, le « Bread is Gold », symbole de la philosophie zéro déchet développée par le chef trois étoiles dans ses Refettorio (Milan, Paris, Londres…), restaurants où l’on sert aux plus précaires des plats préparés à base d’aliments destinés au rebut.

À Florence, confortablement installé à la terrasse de l’Osteria Cibreo, on se régale d’une pappa al pomodoro, une soupe de pain, tomates fraîches, huile d’olive, ail et basilic. Toujours en Toscane, à Sienne, ou du côté de Brescia en Lombardie, la mie de pain entre également dans la préparation de gros gnocchis aux herbes fraîches, appelés gnudi ou malfatti. Basée à L’Argine a Vencò dans le Frioul, l’étoilée Antonia Klugmann prépare elle aussi des gnocchis de vieux pain, gratinés avec de la ricotta fumée et réveillés par un beurre acide à la courge.

Classique toscan, la ribollita (photo) est une soupe paysanne préparée avec un fond de minestrone et des restes de vieux pain. Dans les Pouilles, le pancotto del Gargano est une gros potage de légumes (souvent des cime di rapa) et de pain sec réhydraté. Tandis qu’en Basilicate, la cialledda est une soupe de tomates servie sur des tranches ou des morceaux de pain sec.

En version pasta

Dans les régions du Sud de l’Italie, le pangrattato (chapelure), moins cher que le parmesan, assaisonne souvent les pâtes. Dans un classique sicilien comme les spaghetti alla siracusana, la chapelure est ainsi revenue avec de l’huile d’olive et de l’ail avant d’être ajoutée aux pâtes avec des anchois. Tandis que sur l’île de Pantelleria, on mêle chapelure, amandes effilées et fromage pour préparer la conza pantesca, condiment qui agrémente les plats de pâtes les plus variés.

Toujours côté pasta, citons encore les délicieux passatelli, petites pâtes romagnoles préparées à base de mie de pain et cuites dans un bouillon de volaille.

En Méditerranée et ailleurs

En Andalousie, quand il fait chaud, on sert le rafraichissant ajo blanco (soupe froide aux amandes, mie de pain et ail) ou le salmorejo, plat typique de Cordoue très proche de la pappa al pomodoro. En Castille, on préfère la sopa de ajo (soupe d’ail à la mie de pain, en photo) et, en Alentejo au Portugal, l’açorda, à nouveau une soupe d’ail servie sur des tranches de pain rassis avec de la coriandre fraîche.

En Grèce, l’été ne s’envisage pas sans la classique salade crétoise, dont l’un des ingrédients de base sont des dakos, de gros croûtons. Que l’on retrouve également dans la salade César, grand classique américain inventé par un chef italo-américain à Tijuana au Mexique en 1924…

Originaire du Pays de Galle, le welsh rarebit a conquis le monde — il est courant sur la Côte d’Opale, où on l’appelle parfois croque gallois. Il s’agit d’un plat à base de cheddar fondu et de bière servi sur une tranche de pain grillée.

Pain à boire…

Plus étonnant, on peut aussi utiliser du pain pour… se désaltérer! Autrefois répandu dans toute l’Europe, le kvas est une boisson fermentée à base de pain populaire en Russie et dans tous les pays de l’Est. En russe, on l’appelle également « bière de pain ». Pour éviter le gaspillage, on trouve d’ailleurs de plus en plus de bières au pain, préparées avec les invendus de pain. Comme la Babylone du Brussels Beer Project, qui se targue d’être « la première bière brassée à partir de pain frais recyclé ».

Bref, il n’y a plus d’excuse pour jeter du vieux pain!