Ville superficielle, capitale californienne du paraître? Pas seulement! Los Angeles possède en tout cas une scène culinaire surprenante, où se mêlent toutes les influences.

 

Derrière la mythologie

 

Ville tentaculaire pensée pour la voiture, Los Angeles est une ville étrange, qui ne séduit pas au premier abord. Si l’on se contente d’une balade sous les palmiers de Sunset Boulevard, de jeter un œil au mythique panneau Hollywood, de conduire entre les villas de stars de Beverly Hills, de visiter Disneyland ou Universal Studios – on leur préfère des studios toujours en activité comme ceux de la Warner et de la Paramount –, LA peut sembler quelque peu superficielle. Au bout de quelques jours, on finit pourtant par apprivoiser la mégapole californienne et se laisser séduire par les charmes de la rivale de New York.

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Le mythique portail de la Paramount, celui qu’empreinte notamment Gloria Swanson installée à l’intérieur d’une limousine dans « Sunset Boulevard » de Billy Wilder.

Pour les journaux californiens, on y mange d’ailleurs souvent mieux que dans la Grosse Pomme. Disons que cela ne saute pas directement aux yeux : pas de guide Michelin, pas de restaurant dans le World Fifty Best et autres classements influents… Contrairement à San Francisco, on ne peut pas dire en effet que L.A. soit une ville gastronomique. Même si l’on y trouve quelques restos de haut vol, comme le Providence de Michael Cimarusti à Hollywood, qui pratique une cuisine raffinée de style international.

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Crevettes de Santa Barbara, maïs doux de Brentwood, haricots verts et citronnelle. On dévore la Californie au « Providence » de Michael Cimarusti!

Ou le Vespertine de Jordan Kahn, qui s’inscrit dans l’héritage de Ferran Adrià pour proposer, plus qu’un dîner, une expérience déroutante, si l’on en croit le “New York Times”… Mais on sent que la scène commence doucement à se développer, avec par exemple l’ouverture récente à Santa Monica de Dialogue, comptoir de chef signé Dave Beran, un ancien d’“Alinea”*** à Chicago.

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Sunset Boulevard, des palmiers. C’est sûr, on est à Beverly Hills…

Des adresses rock’n’roll

A Los Angeles, on préfère les restaurants plus branchés, pratiquant une cuisine plutôt décomplexée, mettant en valeurs les richesses qu’a à offrir la Californie, véritable potager des Etats-Unis. Comme on peut s’en rendre compte, le dimanche matin, en flânant au très agréable marché fermier de Santa Monica, en admirant les étals de fruits et légumes, de poissons.

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Cette cuisine californienne moderne, on la trouve par exemple au très locavore Rustic Canyon à Santa Monica ou chez Bestia, cantine qui fait salle comble pour son ambiance survoltée et ses assiettes italiennes bien senties.

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L’excellent pozole verde aux clams du « Rustic Canyon », avec des lamelles de tortilla croustillante. Top!

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Spaghetti rustichella à la chair de crabe, piment calabrais et basilic thaï chez « Bestia ». Pas vraiment italien mais 100% californien!

Sans oublier, à Downtown, l’incontournable Bäco Mercat de Josef Centeno, qui séduit par sa belle cuisine du marché aux saveurs méditerranéennes.

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Une belle salade tiède de kale, shisito pepper, avocats et jeunes navets de chez « Baco Mercät ». Qui a dit qu’on mangeait mal à L.A.?

Formé notamment au “Manresa”*** de David Kinch au sud de San Francisco, le jeune chef a également ouvert, non loin de là, l’élégant Orsa & Winston, qui propose une fusion italo-japonaise plutôt bien faite.

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Porridge de riz japonisant aux ormeaux et oursins de Santa Barbara (parmi les meilleurs au monde!), pecorino. Le risotto revisité par « ​Orsa & Winston ».

A Hollywood, on se presse aussi chez Animal, pour s’encanailler autour d’assiettes 100 % carnivores, et notamment de jolis plats d’abats. Ce qui contraste totalement avec les cantines végétariennes, véganes ou healthy qui sont légion dans une ville où le culte du corps est omniprésent et où un(e) serveur(se) sur deux se rêve acteur(rice)…

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Oreilles de cochon, oeuf, piment et citron vert chez « Animal ». Ca arrache mais c’est bon!

Des cantines enthousiasmantes

Souvent, ce qui surprend à Los Angeles, c’est la légèreté et la précision des assaisonnements, beaucoup plus sobres qu’ailleurs aux Etats-Unis. Emmenée dans les années 70 par Alice Waters (du mythique “Chez Panisse” à Berkeley), la cuisine californienne s’est en effet largement inspirée de la Méditerranée pour développer une identité propre, où se sont greffées des influences multiples.

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Pour le petit-déjeuner, un tour chez Eggslut s’impose, dans le marché couvert très gourmet de Grand Central Market à Downtown, pour un egg sandwich qui tue !

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Autre gros coup de cœur pour Sqirl, près d’Echo Park. En sucré ou en salé, tout ce que propose Jessica Koslow est juste bluffant. On n’est pas prêt d’oublier son riz croustillant à l’avocat  !

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Riz croustillant à l’avocat et soupe de poulet au riz, gingembre, coriandre et citron vert. Deux assiettes juste parfaites signées Jessica Koslow au “Sqirl”.

Même constat chez République à La Brea ou chez Gjusta du côté de Venice Beach, qui offrent tous deux des viennoiseries aussi bonnes qu’à Paris, mais pas seulement.

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Toast à la ricotta maison, agrumes et pistaches de Californie chez « République ». On adore!

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Ambiance à la cool pour la géniale boulangerie-restaurant « Gjusta » à Venice. Des viennoiseries à la pizza en passant par les charcuteries et les poissons fumés maison, tout est bon. On veut la même à Bruxelles!

Au lunch, on pourra se tourner vers le formidable Gjelina, toujours à Venice, pour se régaler de petites assiettes californiennes bien pensées. Comme de succulents bucatini de petit épeautre, poutargue et tomates confites au four (photo). Réservation obligatoire, cela va sans dire.

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A moins de préférer les étonnantes créations autour de la fermentation – très tendance à L.A. – de chez Baroo, petit snack ambitieux à côté du champêtre Hollywood Cemetery Forever.

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Le Noorook façon « Baroo »: kamut et faro rôtis, dashi, graînes toastées, noix de macadamia, oignons roses vinaigrés et surtout une crème de baies de koji. Très étrange mais séduisant!

Ou les propositions saines et pleines de peps de chez Destroyer… Situé jute à côté

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Tartare de boeuf, œuf fumé et graines germées. Un lunch comme on les aime chez « Destroyer ».

Une ville multiculturelle

Comme partout en Californie, la communauté hispanique est très présente à Los Angeles, où, dans bien des brigades de restaurants, on parle d’ailleurs plus espagnol qu’anglais. Du côté d’Orange County, au sud de la ville, Taco Maria est ainsi l’un des restaurants mexicains les plus cotés des Etats-Unis, proposant notamment des tacos inventifs et raffinés.

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Quesadilla noire, champignons et crème à l’épazote façon « Taco Maria ». Oula, c’est bon ça!​

Tandis que l’on fait de longues files pour goûter aux spécialités de foodtrucks comme Guerilla Tacos, Mariscos Jalisco ou encore Kogi BBQ. Ce dernier ose une fusion mexicano-coréenne aussi inattendue que réussie  !

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L.A. possède d’ailleurs un Koreatown digne de ce nom, où se multiplient les publicités et les devantures en coréen mais aussi les restaurants traditionnels. Pour une expérience de barbecue coréen haut de gamme (à base de belles viandes américaines), direction par exemple le très prisé Park’s BBQ.

Si l’on est plus en mode thaï, on réservera au Night + Market de Kris Yenbamroong. La petite trentaine, le chef d’origine thaïe possède déjà deux bistrots à Los Angeles offrant une cuisine authentique et pas chère. A se lécher les doigts (même si ça pique  !).

Le larb lanna de « Night+Market » à West Hollywood (spécialité du Chiang Mai, d’où est originaire le chef, à l’agneau et au porc hachés, foie et sang de porc) est super piquant. Mais à 11$ seulement, on en redemande!

Du côté de Little Tokyo, Sushi Gen est le bon plan que tout le monde se refile. Soit un vrai bar à sushis à la qualité irréprochable et très abordable au lunch.

En version plus raffinée, on trouve par exemple, dans le quartier des Palms, l’excellent Sushi Zo, qui déroule un magnifique menu de sushis et autres petites assiettes nippones ultra-travaillées.

Un dernier cocktail

Los Angeles ne possède pas une scène du cocktail aussi riche que New York ou San Francisco, mais elle se développe… La preuve, vient d’ouvrir à Hollywood une succursale du célèbre Employees Only new-yorkais, où Brad Pitt et George Clooney sont déjà venus se rincer le gosier en voisins.

Tandis que la ville compte quelques valeurs sûres, comme le Tiki-Ti (pour de bons cocktails exotiques pas chers) ou The Varnish, speakeasy classieux aux cocktails tip top caché derrière Cole’s, une vénérable institution ouverte depuis 1908.

Tout comme Langer’s, l’un des plus vieux delis juifs de L.A., qui, resté dans son jus Fifties, sert le meilleur pastrami de la région.

Et si après ça, on a encore une petite faim (ou que l’on n’a plus que quelques dollars en poche), avant de sauter dans l’avion, on fera un stop dans l’un des nombreux In-n-Out Burger. Fondée en 1948, la petite chaîne de fast-food (uniquement présente dans l’Ouest) propose juste des hamburgers et des frites, mais tout simplement parfaits.

De quoi donner une seule envie, celle de revenir au plus vite dans cette ville monde dangereusement séduisante…

A ne pas manquer

Entre deux restos, on ne manquera pas de visiter quelques lieux emblématiques de Los Angeles.

– Les vieux cinémas de South Broadway à Downtown (United Artists, Orpheum, Tower…). Pour se souvenir d’une époque révolue où le cinéma était encore le divertissement roi.

– Ouvert fin 2015 à Downtown, en face du MoCa (le musée d’art contemporain), The Broad propose, dans un superbe bâtiment conçu par le cabinet Diller Scofidio + Renfro de passionnantes expos temporaires, ainsi qu’une riche collection d’artistes contemporains (dont des Jeff Koons iconiques).

– Inauguré en 2013, le Walt Disney Concert Hall, qui accueille l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, est un superbe bâtiment conçu par Frank Gehry. Le petit parc à l’arrière du bâtiment offre une halte agréable.

– Le Westwood Village Memorial Park Cemetery, pour embrasser (au rouge à lèvres) la tombe de Marylin Monroe…

– Le Griffith Observatory sur les hauteurs de L.A., pour profiter du coucher de soleil et se prendre pour Emma Stone et Ryan Gosling dans “La La Land”.

– Une balade en voiture sur Mullholand Drive dans les collines au coucher du soleil, pour découvrir les plus belles vues sur la ville.

– Ouvert en 1997 sur une colline de Westwood, le Getty Center, œuvre moderniste en marbre de l’architecte Richard Meier, est une splendeur. Côté collection, on ne manquera pas “L’Entrée du Christ à Bruxelles” de James Ensor.

Tandis qu’à l’entrée de Malibu, l’envoûtante Villa Getty (reconstitution d’une villa romaine de la région de Pompéï) propose, elle, une formidable collection d’antiquités.

– A Culver City, The Museum of Jurassic Technology est un ovni. Un cabinet de curiosités absolument dingue, où l’on oscille sans cesse entre vrai et faux, science et fiction.

La playlist

Dans la décapotable, cheveux au vent, on écoute évidemment l’intégrale des Beach Boys, California Dreamin’des Mamas & the Papas, Hotel California des Eagles ou Californication des Red Hot Chili Peppers. Sans oublier Redondo Beach de Patti Smith ou L.A. Woman des Doors.

Mais on se souvient aussi que c’est à Compton qu’est né le gangsta rap de la Côte Ouest. Alors on monte le son pour California Love de Tupac et Let Me Ride de Dr Dre. Avant de s’écouter Damn, fabuleux album de Kendrick Lamar, nouvel enfant terrible de cette banlieue noire déshéritée du sud de L.A.