Depuis quelques années, Paris est gagnée par le virus du cocktail. A côté d’institutions bien connues, une jeune génération de barmen a donné un coup de fouet à une scène en pleine explosion.

Désormais, plus besoin de traverser l’Atlantique ou de se ruiner à Londres pour siroter des cocktails dignes de ce nom, et non des ersatz préparés sans talent. A 1h25 de Thalys, Paris est en effet en passe de devenir la nouvelle Mecque du cocktail. Sous l’impulsion de jeunes barmen, la scène parisienne n’a en effet plus rien à envier à Londres, New York ou San Francisco.

Symbole de ce renouveau, le trio formé par Romée de Goriainoff, Olivier Bon et Pierre-Charles Cros. Après des études à Montréal et de nombreux week-ends new-yorkais, ils ont décidé, à même pas 25 ans, d’importer à Paris les nouvelles tendances: bars cosy, discrets voire cachés, déco vintage pleine de cachet, étudiée sans en avoir l’air. Mais surtout un vrai travail de mixologue: relecture des cocktails classiques, recherche de spiritueux de qualité (en ce moment, le mezcal mexicain, le gin allemand Monkey 47 et le whisky japonais Nikka ont la cote) et de bitters artisanaux, aux parfums de plus en plus variés. Sans oublier des préparations maison: jus et sirops frais, cocktails vieillis en fûts (jusqu’à 5 ans), mixeurs et infusions personnels…

En 2007, les trois jeunes Français ouvrent l’Experimental Cocktail Club, un petit coin de Manhattan dans le quartier Montorgueil. Le succès est fulgurant. Depuis, ils ont décliné leur concept au Curio Parlor puis au « Prescription Cocktail Club ». N’ayant pas froid aux yeux, ils ont poussé le vice jusqu’à ouvrir des bars à Londres et New York! Dans la foulée, d’autres jeunes Parisiens se sont lancés dans la popularisation du cocktail: La Conserverie, Grazie ou, tout récemment, L’Entrée des artistes et Candelaria. Tandis qu’ouvre en avril « L’Etage », un speakeasy Art déco situé dans le Ier arrondissement. Une génération nouvelle qui donne un sacré coup de vieux aux bars d’hôtel, même au Bar Hemmingway du Ritz, et aux institutions comme le Harry’s Bar, le plus vieux bar à cocktails d’Europe.

Harry’s New York Bar**

Parmi les institutions parisiennes du cocktail, impossible de faire l’impasse sur le « Harry’s Bar », qui fêtait l’année dernière son centenaire! Mythique, le plus ancien bar à cocktails d’Europe a ainsi vu naître, en 1921, le Bloody Mary, classique qui fait toujours partie des breuvages les plus préparés. Et l’on a l’impression qu’ici, rien n’a réellement changé avec une déco et un service à l’ancienne. Aux murs, des collections de billets de banques, des bannières d’équipes sportives, des écussons de police, des affiches confèrent un vrai cachet à l’endroit…

Veste blanche bien mise, le head bartender est seul au commande, déballant son impressionnant savoir-faire en mixant des dizaines de cocktails à la fois! Ici, pas de carte mais des cocktails créés selon les envies du client. Mais attention, tous sont à 13€, même une simple vodka orange avec un alcool médiocre et un jus de fruit en boîte. Par rapport à ses jeunes concurrent, le « Harry’s Bar » se repose clairement sur son passé… On viendra donc plus pour profiter de l’histoire des lieux et l’ambiance – bonne malgré un barman un peu sec car trop occupé –, pour siroter un whisky de leur très riche collection ou encore déguster, à toute heure, un bon hot dog…

• 5 rue Daunou 75002 Paris. M° Opéra.
  Tous les jours de 12h à 2h (3h le vendredi et samedi).
  Rens.: +33.1.42.61.71.14 ou www.harrysbar.fr.

Ritz: Bar Hemingway**

La place Vendôme est un décor enchanteur. Le Ritz y trône fièrement avec sa superbe façade classique. Il recèle le célèbre « Bar Hemingway », du nom de l’un de ses plus célèbres habitués. Revue il y a peu, la déco est entièrement consacrée à l’écrivain américain: photos, machine à écrire, objets, trophées de chasse… Comme on peut s’y attendre dans l’un des plus grands palaces parisiens, la clientèle est très typées, essentiellement composée de touristes fortunés russes, américains et japonais.

C’est qu’il faut les moyens pour s’offrir un cocktail à 30€! Réputé le meilleur du monde, le Dry Martini y est sans reproche, servi à -18°C! Plus original, le Luther III allie cognac, ginger ale et une belle écorce d’orange. Si le service (anglophone) est impeccable et qu’un apprécie de pouvoir grignoter d’excellentes olives vertes et des fruits secs caramélisés au sésame, soyons honnête, les prix sont franchement exorbitants et non justifiés… Le prix du luxe!

• 15 Place Vendôme, 75001 Paris. M° Opéra ou Madeleine.
  Tous les jours de 18h30 à 2h.
  Rens.: +33.1.43.16.33.65 ou http://fr.ritzparis.com.

Experimental Cocktail Club***

Ouvert en 2007, le premier bar à cocktails du trio Goriainoff-Bon-Cros a lancé le renouveau du cocktail à Paris. Ici, on déguste des cocktails (12 €) préparés avec soin par de vrais barmen, dans une ambiance toute new-yorkaise. Niché derrière une façade anonyme du très vivant quartier Montorgueil, ce bar rend hommage aux néo-speakeasies de Big Apple. Lumières tamisées, murs en briques, déco rétro-chic, beau bar en bois où s’accumulent des dizaines de bouteilles choisies avec soin… L’endroit a de la gueule!

Photo Simona Belotti / Experimental Cocktail

Et il suffit de jeter un oeil à la dextérité des barmen pour être rassuré sur la qualité des cocktails. Ici, pas de classiques à la carte mais des créations originales changeant au fil des saisons. Ainsi, cette Tête de Mule (12€), qui allie tequila Don Fulano, miel d’agave infusé au piment, jus d’orange et de tomate, terminé par une rasade de ginger beer et un peu de sel fumé.

Mieux dosé encore, le Glycyrrhiza Glabra (12€), du nom scientifique de la réglisse, est une variation sur le « New York Sour »: rye Rittenhouse, liqueur de Guignolet, sucre de canne, citron pressé, blanc d’oeuf, le tout assaisonné de poudre de réglisse. Et si l’on demande conseil au barman, il pourra par exemple aiguiller vers un plus classique mais excellent « Bijou » (12€), qui joue sur l’amertume en mélangeant savamment vermouth Carpano Antica, chartreuse verte et gin Junipero.

Photos Simona Belotti / Experimental Cocktail

• 37 rue saint sauveur 75002 Paris. M° Sentier ou Etienne Marcel.
  Tous les soirs sauf dimanche.
  Rens. : +33.1.45.08.88.09.
• Notre critique détaillée…

Curio Parlor***

Second bar ouvert par Romée de Goriainoff et ses compères, le « Curio Parlor » se fait tout aussi discret que l’ »Experimental » mais est sans doute encore plus classy et plus grand, avec une seconde salle au sous-sol. Lieu sombre aux lumières tamisées, animaux empaillés aux murs, on est très proche de l’esprit du « PDT » new-yorkais, considéré comme le meilleur bar à cocktails du monde par le magazine « Drinks International ».

Photos Simona Belotti / Experimental Cocktail

Comme à l »XP », la carte est saisonnière, proposant des créations épatantes. On déguste ainsi un Chrisantemus II (12€), savant mélange de Bénédictine, de Dolin, de bitter à l’absinthe et de Scrappy’s orange bitter. Ou un très agréable Zorino Fizz (13€): limonade Fever Tree, pisco Waqar, cordial au sureau, jus de citron et blanc d’œuf. Si l’on vient à plusieurs, on pourra aussi opter pour un pichet de margarita ou de daikiri (40€/pour 4 pers.). Déjà un classique!

Photo Simona Belotti / Experimental Cocktail

• 16 rue des Bernardins 75005 Paris. M° Maubert-Mutualité.
  Ouvert tous les soirs.
  Rens. +33.1.44.07.12.47 ou www.curioparlor.com.

La Conserverie**

Ouverte en 2009, « La Conserverie » s’inscrit parfaitement dans le renaissance du cocktail parisien. L’endroit est plus vaste qu’habituellement. Organisé sur deux étages, il offre quelques tables et plusieurs petits salons en velours et en cuir. Déco lounge et lumières tamisées achèvent de faire de l’endroit un rendez-vous mode de la capitale où il faut être vu. Au point que la clientèle n’est pas toujours des plus intéressées par la riche carte de cocktails.

Photo Neil Mersh / La conserverie

On y sirote pourtant des breuvages bien faits, à l’image d’un très beau Mosto Mule (12€) à base de Tequila Calle 23 bianco 100% agave, de purée de poivron rouge maison, de filaments de piment chipotle, de jus de citron vert, de sirop d’agave et de ginger beer Fever Tree. Et si l’on demande au barman un Old Fashioned, il utilise par exemple un excellent bourbon Elijah Craig 12 ans et parfume le verre d’un spray de Laphroiag qui apporte un nez fumé.

Son joli nom, le bar le doit à son concept. La carte des grignotages se compose en effet de bonnes conserves artisanales servies dans leurs boîtes. Un peu cher tout de même (10€) la boîte de maquereaux en escabèche et de la mauvaise baguette.

• 37 Bis rue du Sentier 75002 Paris. M° Grands boulevards ou Bonne Nouvelle.
  Ouvert tous les soirs sauf dimanche.
  Rens.: +33.1.40.26.14.94 ou www.laconserveriebar.com.

Grazie***

Dans une espèce de loft à l’ambiance conviviale et bruyante, les pizzas de « Grazie » font sacrément envie! C’est dans cette chouette pizzeria branchouille mais chaleureuse qu’on débusque l’un des bars à cocktails les plus renommés de Paris, où officie Oscar Quagliarini. Look destroy, tatoué de partout, ce grand Italien aime partager sa passion avec ses clients. C’est avec fierté qu’il présente son Speakeasy, classé parmi les 100 meilleurs cocktails du monde! Whisky Ardberg, Galiano Autentico et sucre aromatisé à l’Angostura servis dans un verre parfumé au bitter Xocolate et à l’absinthe. Un mélange détonnant où prédomine peut-être un peu le côté tourbé du single malt. Déformation professionnelle peut-être puisqu’Oscar à travaillé pour Ardbeg…

La carte est vaste et variée, avec de nombreuses créations originales ou des hommages. Comme cet excellent Martinez (12€), préparé comme au « Employee’s Only » de New York et qui me bien en valeur le gin Monkey 47. Avec du Dolin blanc, de la liqueur de marasquin et du bitter à l’absinthe maison. Autre création de Quagliarini, l’excellent Monforte Manhattan (12€) mixe rye Rittenhouse, vermouth Berto et un délicieux bitter maison à l’absinthe et aux fruits rouges, dont le petit poêlon déposé sur le coin du bar enivre les narines. Son « Bloody Mary », Oscar le fait infuser deux jours en mélangeant du jus de tomate et de concombre avec du romarin, du basilic et du gin Hendrick’s. Un vrai travail de barman!

• 91 bd Beaumarchais 74003 Paris. M° Filles du Calvaire ou Chemin Vert.
  Ouvert les jours.
  Rens.: +33.1.42.78.11.96 ou www.graziegrazie.fr.

L’Entrée des artistes***

L’ambiance est ici plus celle d’un café de quartier parisien que d’un bar à cocktails. La déco est en effet brut de décoffrage: vieux bar pourri en formica, murs décrépis, tables en bois et chaises bistrot. Rien n’attire vraiment l’oeil, si ce n’est cette très belle caisse enregistreuse sortie d’un saloon! Ouvert en septembre 2011, juste à côté de l’entrée des artistes du Cirque d’hiver (d’où son nom), l’endroit a déjà droit à un beau bouche à oreille.

Une clientèle d’amateurs vient ici choisir un cocktail bien exécuté parmi une carte bien ficelée. On a goûté à Mon Vieux tabac (10€), composé de cognac Grosperrin, de rye Rittenhouse, de Carpano Antica Formula, de liqueur de tabac de Louisiane et de deux bitters, Peychaud et Bob’s à la réglisse. Une magnifique réalisation où l’amertume est parfaitement dosée. L’autre dégustation se faisait un brin plus asiatique. Le Yakuza (11€) revisite le Old Fashioned avec du whiskey japonais Nikka 10 ans, de l’umeshu Choya extra years (une liqueur de prune verte japonaise), de la Chartreuse verte, du sucre et du Scrappy’s lime bitter, une marque récente de bitters originaire de Seattle qu’on croise de plus en plus.

Tenue de mains de maître par Fabien Lombardi, un ancien du « Prescription Cocktail Club », et Edouard Vermynck, « L’Entrée des artistes » permet également de goûter à des cocktails vieillis maison. Tandis qu’avant, pendant ou après s’être rempli le gosier, on peut aussi grignoter un bout: charcuteries, fromages, soupe, boudin-purée… Enfin un vrai bistrot à cocktails!

• 8 rue de Crussol 75011 Paris. M° Filles du calvaire ou Oberkampf.
  Tous les soir sauf dimanche.
  Tél.: +33.9.50.99.67.11.

Candelaria****

Il faut connaître pour dénicher cette adresse ouverte il y a 8 mois. Car on tient ici un véritable speakeasy, un bar caché, comme les PDT ou Angel’s Share new-yorkais, où l’on passe respectivement à travers un snack à hot-dog ou un resto japonais. Chez « Candelaria », on joue plutôt la carte mexicaine. Il faut en effet traverser une minuscule taqueria qui débouche, derrière une porte anonyme, sur un bar à la fois sobre et chaleureux.

Derrière le comptoir, des barmen experts préparent de délicieux breuvages parfaitement dosés. Qu’il s’agisse d’un Hoop-la ! (12 €) légèrement amer, issu du fameux “Savoy Cocktail Book” de 1930 (cognac, Cocchi Americano, curaçao orange et jus de citron). Ou d’une Guêpe verte (11 €), cocktail mis au point par le barman new-yorkais Toby Cecchini à la fois rafraîchissant et pimenté (tequila infusée au piment, concombre, coriandre, sirop d’agave et citron vert). Ravis de partager leur passion, les barmen ne sont   pas avares de conseils et n’hésitent pas à faire goûter leurs dernières découvertes, comme le mezcal Del Maguey, ou leur excellent cordial maison à base de betterave.

Le « Candelaria », c’est un peu le rêve accompli des foodies parisiens, réunissant à lui seul deux nouvelles tendances, celles de la taqueria et du cocktail. Les tacos y sont d’ailleurs aussi excellents, comme ce tacos longaniza, une sorte de chorizo (5,50€).

• 52 rue de Saintonge 75003 Paris. M° Filles du Calvaire.
  Ouvert tous les soirs et cocktail brunch le week-end de 12h à 16h.
  Rens.: +33.1.42.74.41.28 ou www.candelariaparis.com.

LMDW Odéon****

Les Parisiens connaissaient depuis des années « La Maison du Whisky », rue d’Anjou dans le VIIIe, qui propose sans doute la plus large gamme de Scotchs, bourbons et autres ryes. L’enseigne a pris conscience de l’explosion de la mode du cocktail. Depuis moins d’un an, elle a ainsi ouvert à Odéon une boutique entièrement dédiée aux spiritueux.

Au sous-sol, on découvrira une sélection à la fois large et pointue de tous les alcools imaginables: whiskies, vodkas, gins, absinthes, mezcals…Tandis que le premier étage est entièrement dédié à l’univers du bar. On y déniche des cocktails maison vieillis quelques semaines en fûts de cognac. Une pratique centenaire qui remonte aux origines du cocktail et qui transforme un « Manhattan », un « Negroni » ou un « Martinez » (l’ancêtre de Martini) en un nouvel alcool plus complexe.

On y trouvera aussi une belle collection de bitters, d’amari ou encore toute la très recherchée gamme Fever Tree (limonade, ginger ale, tonic). Une adresse incontournable pour tout amateur de cocktails consciencieux!

• 6 carrefour de l’Odéon, 75006 Paris. M° Odéon.
  Fermé le dimanche.
  Rens.: +33.1.46.34.70.20 ou www.finespirits.fr.