Au « Hof Van Cleve », Peter Goossens conduit la renaissance de la cuisine belge avec une véritable insolence. Portrait du plus grand chef belge et certainement d’un des meilleurs chefs du monde…

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A 40 ans, Peter Goossens devenait en 2005 le plus jeune trois étoiles belge. Une récompense qui n’a surpris personne tant son « Hof Van Cleve » était déjà considéré par beaucoup comme l’une des meilleures tables du pays, distinguée l’année précédente par un 19,5/20 historique au guide « GaultMillau ». En quelques années, le jeunot réussissait donc à dépasser ses aînés, qu’il s’agisse de Pierre Wynants du « Comme chez Soi », qui s’est depuis retiré, ou de Geert Van Hecke du « Karmeliet ». Avec ce dernier, il partage l’honneur des trois macarons Michelin.

Elevé dans l’amour de la bonne chère, le petit Goossens surprend néanmoins ses parents quand il leur annonce qu’il se destine à une carrière de cuisinier. Si son père accepte de l’inscrire à la renommée école hôtelière Ter Duinen de Coxyde (où est passé Van Hecke quelques années avant lui), il doit en contrepartie accepter de travailler le week-end dans les restos de la région.

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La montée en puissance

Cette double expérience, académique et sur le tas, lui aura été bénéfique puisque, son diplôme en poche, il part pour Paris. Ses trois mois de stage scolaire au « Pré Catelan » ont en effet débouché sur un engagement dans la brigade du fer de lance étoilé du groupe Lenôtre. Lequel l’emploie également comme pâtissier dans sa vitrine, « Le pavillon de l’Elysée », la référence de l’époque en terme de pâtisserie. Cette passion pour le sucré ne le quitte plus, comme en témoignent aujourd’hui ses desserts très inventifs et plus encore les mignardises qu’il sert avec son impressionnante carte de thés (plus de 70 variétés) et de cafés, où macarons parisiens côtoient guimauves, beignets ou de bluffantes sucettes aux bonbons Napoléon…

Après quatre années passées à Paris, le Limbourgeois décide de rentrer dans ses Ardennes flamandes et s’installe dans les cuisines de l' »Yzerberghoeve », un étoilé de Kruishoutem dont le propriétaire possède également, à quelques kilomètres de là, une ancienne ferme transformée en brasserie. Lorsque celle-ci est mise en vente, Peter saute sur l’occasion et devient, en 1987, propriétaire de son propre restaurant, le « Hof Van Cleve », perdu dans la campagne entre Courtrai et Gand. Avant de pouvoir laisser libre cours à son talent et à ses envies, il devra cependant prendre son mal en patience, ayant signé avec son ex-patron un contrat de non-concurrence lui interdisant de faire de l’ombre au « Yzerberghoeve »!

En 1992, libéré de toute contrainte, Goossens met enfin en route une machine qui le mènera, en moins de quinze ans, au sommet de la gastronomie belge et européenne. Abandonnant la cuisine bourgeoise, il se lance enfin dans le gastro, avec comme seule ambition d’être le meilleur! Le succès est immédiat: en 1994, il reçoit sa première étoile, suivie de la seconde quatre ans plus tard. La troisième arrivait il y a cinq ans…

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La perfection comme leitmotiv

Cette ascension fulgurante n’a rien d’improvisé. Jeune, moderne, méticuleux, Peter Goossens met son talent au service d’une révolution culinaire tranquille où tradition et innovation sont intimement liées. Fort d’une excellente formation classique, ouvert aux tendances actuelles de la cuisine, Goossens réussit une synthèse parfaite qui séduit tous les publics.

Ainsi, chez lui, l’oeuf fermier à 62 °C (l’un de ses rares emprunt à la gastronomie moléculaire) peut-il accompagner des crevettes grises de Zeebruges et des asperges blanches de chez nous, la côte de veau cuite à basse température s’offre-t-elle des morilles, des artichauts, une crème d’aubergine et un jus à l’estragon… Comme le laissent supposer ses intitulés laconiques, tout, dans la cuisine de Goossens, n’est qu’affaire de saveurs pures et donc de produits exceptionnels, déclinés au fil des saisons.

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Dès lors, le chef ne recherche pas à tout prix les associations les plus déroutantes, préférant miser sur la cohérence et l’harmonie de l’assiette. Une assiette toujours superbement mise en scène dans une vaisselle choisie avec soin. Car chez les Goossens – lui est aux fourneaux, sa femme accueille les clients avec charme -, rien n’est laissé au hasard; l’esthétique et l’ambiance ayant autant d’importance que les plaisirs de la bouche.

Ainsi ont-ils conçu leur « Hof Van Cleve » comme un endroit hors du temps, aux couleurs claires, à la décoration épurée, rehaussée de quelques toiles de Permeke ou de Van Mechelen; un refuge pour gourmands avertis qui viennent ici, plus que manger, vivre un moment extraordinaire: « Le concept intégral de notre restaurant repose sur l’idée que chaque excursion gastronomique doit être une fête dont les convives garderont un souvenir et une expérience culinaire impérissables. »

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Un pur moment de bonheur

Un pur moment de plaisir qui a un prix, le « Hof Van Cleve » étant certainement l’un des restaurants les plus chers de Belgique. Mais, quand on sert foie gras, homard et caviar à une petite vingtaine de couverts seulement et que l’on emploie une bonne vingtaine de jeunes gens accueillants et qualifiés, difficile de tirer les prix vers le bas. D’autant que la perfection est le but avoué d’un chef qui a de toute façon trouvé son public. Lequel n’hésite pas à faire plusieurs centaines de kilomètres, venant de France ou des Pays-Bas parfois en hélicoptère, pour goûter à ses délices.

Pour goûter à cette perfection, il fut aussi un temps possible de se rendre à la « MuseumBrasserie » des Musées des Beaux-Arts de Bruxelles; c’est désormais trop tard. Déçu par le management de l’établissement, Goossens a en effet choisi de jeter le gant, préférant se concentrer sur ses émissions de télévision sur VTM « Mijn restaurant » et « De best hobbykok van Vlanderen » qui ont fait de lui un « bekende Vlaming », une véritable star, dont le nom se décline aujourd’hui en plats préparés pour Delhaize…

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Les dates clés:

  • 1964: naissance de Peter Goossens.
  • 1983-1987: formation à Paris chez Lenôtre.
  • 1987: reprise du « Hof van Cleve » à Kruishoutem.
  • 1992: début de la cuisine gastronomique.
  • 1994: première étoile Michelin.
  • 1998: deuxième étoile.
  • 2004: 19,5/20 au GaultMillau.
  • 2005: troisième étoile.
  • 2006-2008: conseille la « MuseumBrasserie » à Bruxelles.
  • 2007: entre à la 23e place au Top 50 des meilleurs restaurants du monde. Il est 14e en 2007, 28e en 2008 et 26e en 2009.

 

Envie d’y goûter?

  • Hof van Cleve. Riemegemstraat 1, 9770 Kruishoutem. Fermé le dimanche et le lundi.
    Lunch: 95€ (150€ avec les vins). Menu « innovation et tradition » (5 serv.): 175 € (250 € avec les vins). Menu Dégustation
    (7 serv.): 205€ (290€ avec les vins).
    Rens.: 09.383.58.48 ou www.hofvancleve.com.