Juste avant de quitter « Les Crayères » de Reims pour rejoindre « La chèvre d’or » à Eze, Didier Elena dédoublait le restaurant gastronomique du domaine champenois avec une brasserie gourmande, « Le jardin des Crayères ». Une escale tout à fait recommandable lors d’une escapade en Champagne, même si l’on ne sait toujours pas qui prendra la succession d’Elena à Reims…

Cela faisait quatre ans que Didier Elena avait été engagé par la famille Gardinier pour rendre son prestige à cette belle maison. Sans doute l’absence de la 3e étoile a précipité les choses… Toujours est-il que le jeune chef monégasque de 37 ans retourne dans le Sud, à Eze, entre Nice et Monaco, pour reprendre en mains « Le Château de la Chèvre d’Or », Relais & Châteaux qui détient également deux étoiles au guide Michelin.

Il y succède à Philippe Labbé, monté, lui, à Paris pour ouvrir début 2010 le premier « Shangri-La » européen, alors que la chaîne basée à Hong Kong possède déjà des palaces en Asie et en Amérique. Cet hôtel sera installé avenue d’Iena dans le XVIe arrondissement, dans l’ancienne demeure du Prince Roland Bonaparte, petit-neveu de Napoléon Bonaparte, construite en 1896.

 

Les Crayères, un domaine d’exception

Construit en 1904 sur les hauteurs de Reims par les marquis de Polignac – Madame est de la famille Pommery, dont le domaine est juste
en face… –, le château des Crayères est un hôtel depuis 1979, en la possession de l’investisseur Xavier Gardinier. Si celui-ci s’est séparé des
champagnes Pommery, il a conservé cette belle demeure et en a fait un luxueux relais-château, dirigé par son fils Stéphane, qui accueille ainsi
une clientèle internationale de haut vol. Les chambres, à la décoration baroque, sont sans doute surchargées, voire un brin kitsch, elles n’en restent pas moins d’un charme cossu authentique et d’une réelle élégance.

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En débauchant, début 2005, l’un des fidèles lieutenants d’Alain Ducasse (avec son grand ami Jean-François Piège, lui aussi parti voler de ses propres ailes au Crillon à Paris, qu’il vient de quitter…), l’ambition de la famille Gardinier était clairement affichée : Didier Elena arrivait pour rendre sa troisième étoile aux lieux, perdue en 2004 lors du départ à la retraite du grand Gérard Boyer. Formé dès 1988 au “Louis XV” à Monaco (à la suite d’une rencontre avec Ducasse chez le coiffeur, alors que le jeune homme se destinait à la médecine…), Elena a ensuite été chargé par Ducasse du “Spoon” à Paris, de l’ouverture de “Beige” à Tokyo, avant de passer 5 ans aux cuisines de l’éphémère trois étoiles “Alain Ducasse at the Essex House” à New York. C’est dire s’il arrivait aux Crayères avec une sacrée carte de visite; il en repart avec la certitude de n’avoir pas démérité.

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Si Elena n’a pas ramené le troisième macaron aux “Crayères”, il a résolument marqué les lieux de son empreinte. S’il est fidèle à la grande tradition française. sa cuisine se veut moderne, festive et ludique. Ainsi, en mise en bouch en juin dernier, de belles crevettes du marais landais aux épices tandoori cuisaient le temps d’arriver en salle, juste posées sur un galet brûlant. Tandis que le chef s’amusait à détourner l’oeuf à la coque. Les différentes mouillettes étaient disposées dans des coquilles évidées, tandis que l’oeuf se présentait en sabayon dans un verre. Un plat d’une grande technicité, un peu trop peut-être, qui démontre un grand savoir-faire et une envie de se triturer les méninges pour concocter des plats surprenants.

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Le homard bleu selon Elena…

Mais c’est peut-être quand il reste plus classique qu’Elena se fait le plus convaincant, maîtrisant à la perfection assaisonnements, sauces, cuissons des viandes et des poissons. Bref, au “Parc” comme désormais à « La chèvre d’or », il propose sa vision d’une grande cuisine française totalement indémodable. A l’image de ce filet de saint Pierre de Bretagne juste poché au beurre blanc, servi à Reims avec une crème d’olives noires et un anchois frais. Ou de cette caille spéciale (c’est-à-dire élevée dans l’obscurité, comme les ortolans) entièrement désossée et farcie au foie gras, qui s’accompagnait d’un coulis de mûres au beurre et d’une quenelle à la ricotta.

La montée en puissance continuait jusqu’aux desserts, aussi sophistiqués et convaincants que les plats – ce pouvait être, par exemple, un excellent sorbet de pamplemousse à la grenadine comme un granité. Enfin, le chariot de mignardises du « Parc des Crayères » est un véritable crime pour l’estomac !

Bien évidemment, un tel niveau de qualité, de raffinement, d’exigence a un prix, cette cuisine étant réservée à une clientèle qui ne regarde pas à son porte-feuille (menus 9 serv. Tradition d’aujourd’hui à 185 € et Tradition de Champagne à 225 €/305 € avec une riche sélection de champagnes d’une même maison). Pour les autres, bien plus nombreux, Stéphane Gardinier et Didier Elena ont imaginé “Le jardin”, brasserie moderne nichée dans une dépendance du château.

 

Un tour au jardin

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Avant qu’il ne tire sa révérence, le chef monégasque a en effet lancé ce beau « Jardin des Crayères », y développant une carte beaucoup plus canaille, qui revisite des classiques d’ici ou d’ailleurs – hareng pomme à l’huile (9 €), clam chowder de la Nouvelle Angleterre (14 €) ou omelette laquée japonaise (12 €) à des prix nettement plus abordables (menu 2 serv. à 28 €) qu’au gastronomique.

Formée quelques centaines de mètre plus loin, dans les cuisines du “Parc”, la brigade exécute parfaitement une cuisine de brasserie sobre faisant appel aux produits locaux. De la planche de cochonnailles (18€) en entrée à l’île flottante, aux cacahuètes (6 €) en dessert, en passant par le tourteau gratiné (22 €) en plat, “Le jardin” séduit, se faisant plus abordable, mais sans renoncer à un niveau d’exigence élevé. Aussi bien dans l’assiette que dans le décor, très raffiné, qu’il s’agisse de la magnifique terrasse et de son potager aromatique ou de la grande véranda ouverte sur le jardin d’un côté et les cuisines de l’autre.

Bref, une halte idéale lors d’un séjour en Champagne pour découvrir.

 

Envie d’y goûter?

  • Le Parc des Crayères.
    64 bld Henry Vasnier, 51100 Reims. Fermé lundi et mardi.
    Rens. : 00.33.3.26.82.80.80 ou
    www.lescrayeres.com.
  • Le Jardin des Crayères.
    7 av. du Général Giraud, 51100 Reims. Ouvert tous les jours, midi et soir.
    Rens. : 00.33.3.26.24.90.90 ou
    www.lescrayeres.com.

Un week-end à Reims?

  • La Champagne est une destination idéale pour un week-end, alors que les vendanges se terminent. A 2h30 de Bruxelles, 1h30 de Charleroi, Reims est, qui plus est, une très jolie ville, où l’on ne manquera pas l’impressionnante cathédrale gothique du XIIIe siècle, qui accueille de superbes vitraux réalisés par Chagall en 1974.

Définition

  • Crayères, kézako ? Une crayère est tout simplement une carrière de craie. Après leur exploitation, les crayères souterraines servent souvent à la culture des champignons de Paris ou comme cave à champagne. Comme c’est le cas à Reims…