Venise demande à être apprivoisée au gré de la flânerie entre campi (places) et calle (ruelles) pour qu’elle dévoile enfin ses richesses culinaires cachées.
- Carnet d’adresses vénitiennes: bars, restaurants, snacks…
- Petit tour dans la lagune: Burano, Murano, Mazzorbo, Torcello, Lido, Sant’Erasmo…
- Recettes vénitiennes
- Carpaccio de boeuf façon Harry’s Bar: sans huile d’olive et sans parmesan…
- Foie de veau à la vénitienne: une spécialité où le foie est préparé avec des oignons fondants.
- Spritz con Aperol: l’apéritif de Venise, sur toutes les tables de tous les campi!
- Spaghetti al nero: pâtes aux seiches et à l’encre, classique de Venise.
Venise, fantasme des amoureux, ville où l’art abonde à tous les coins de calle et dans chaque église, est rarement considérée comme une destination gourmande. Étrange, a priori, pour une ville italienne… C’est que pour profiter des plaisirs gourmands offerts par la Sérénissime, il faut sortir des sentiers battus que sont les Mercerie, reliant la place Saint-Marc au pont du Rialto, ou la strada Nuova, qui mène jusqu’au somptueux palazzo-musée de la Ca’d’Oro. Ces artères surpeuplées ont, en effet, de faux airs de rue des Bouchers, regorgeant de trattorie, pizzerie et autres osterie qui sont autant d’attrape-touristes, offrant une cuisine peu savoureuse à prix d’or.
Pourtant, pour peu que l’on s’écarte de ces itinéraires obligés et fléchés, que l’on se laisse aller à la flânerie, on se perdra dans une autre Venise, celle des Vénitiens, qui, dans chaque calle, sur chaque campo, recèle des trésors pour les gastronomes.
Faire son marché
Quand on a la chance de séjourner à Venise assez longtemps et que l’on aura la possibilité de cuisiner, faire ses courses devient un réel plaisir car légumes et fruits frais abondent, venus notamment de Sant’Erasmo, l’île au nord-est de Venise qui accueille les principales cultures lagunaires.
Que ce soit dans les petits supermarchés, sur les étals installés sur les campi ou dans des barques à quai ou encore au marché du Rialto (le seul vrai grand marché de Venise, consacré aux légumes et aux poissons), on trouve des produits locaux aux saveurs incomparables: tomates, borlotti (haricots blancs idéaux pour le minestrone), castraure (artichauts violets)… Pêchés dans la mer toute proche, seiches, calamar, poulpe, canestrelli (pétoncles), canocchie (cigales de mer, introuvables chez nous, en photo), espadon, granceola (araignée de mer) achèvent d’ouvrir l’appétit et de donner envie de mijoter de bons petits plats.
Parmi les grands classiques de la cuisine vénitienne, les cicchetti sont des tapas traditionnellement accompagnés d’une ombra, un verre de vin blanc. Les préparations font la part belle aux poissons, on y retrouve ainsi les fameuses sarde in saor (photo), des sardines marinées avec du vinaigre, des oignons, des pignons de pin et des raisins secs, mais aussi des bigorneaux, des salades de poulpes, de la polenta aux schie (crevettes)…
Sans oublier le baccala mantecato, sorte de brandade de morue séchée. La recette originale ne contient normalement pas de lait même si il est de plus en plus préparé de cette façon car on le conserve ainsi plus longtemps.
Tradition culinaire du Nord
Le Veneto est une région du nord de l’Italie, rien d’étonnant dès lors que la polenta, jaune ou blanche, et les risotti y soient monnaie courante. La première, à base de farine de maïs, est servie liquide ou sous forme de galettes grillées en accompagnement de nombreuses préparations. Les risottos s’ornent quant à eux des ingrédients de saison: potiron, artichauts, champignons, coques, crevettes… On les sert all’onda, c’est-à-dire plus mouillé (en laissant moins évaporer le bouillon) qu’à l’habitude.
Légèrement différent, puisque le riz est ici ajouté au bouillon et non l’inverse, le risi e bisi (ris et petits pois) est, sans doute, l’un des plats vénètes les plus connus.
Autre incontournable, à la carte de quasiment tous les restaurants vénitiens, la pasta ou le risotto al nero surprennent par leur couleur noire profonde, obtenue grâce aux poches d’encre fraîches des petites seiches locales.
L’automne et le printemps sont aussi l’occasion de déguster les très recherchées moeche, ces petits crabes mous récoltés durant quelques jours seulement pendant leur mue et frits, entiers et vivants. Une autre façon de les préparer consiste, avant de les frire, à les laisser tremper 24h dans les oeufs battus afin qu’ils se gorgent comme des éponges.
Magnifiques, les poissons sont simplement grillés ou cuits à la vapeur. Si la viande est plus rare, les Vénitiens raffolent du canard, du lapin, des tripes et bien entendu du foie de veau et du carpaccio de boeuf. Ce plat qui a aujourd’hui fait le tour du monde a été créé au début des années 50 par Giuseppe Cipriani qui l’accompagnait non pas d’huile d’olive et de copeaux de parmesan mais bien d’une sauce « universelle » (car se mariant aussi bien à la viande qu’au poisson), à base de mayonnaise, de moutarde et de sauce Worcestershire.
Venise ne raffole par contre pas des desserts, si l’on excepte le tiramisu, devenu mondialement connu! Elle préfère les fruits frais, les gelati (glaces) et les biscuits secs. Le gianduiotto est une glace pralinée que l’on déguste notamment à la fameuse gelateria « Nico » sur les Zattere. Tandis que les biscuits, consommés tels quels, accompagnés de sabayon ou d’un vin de dessert, sont nombreux. Les meilleurs sont les bussolai ou les esse (en forme de « s »), biscuits durs aux oeufs, spécialités de l’île de Burano. Mais il y a aussi les baicoli, le pan dei dogi ou dei pescatori, les zaletti…
Au vu de la diversité offerte par la lagune, il serait dommage, lors d’un prochain séjour à Venise, de ne pas profiter de son art de vivre, qui pousse, la soirée venue, à s’asseoir à la terrasse d’un campo animé pour siroter un Spritz à l’aperitivo ou dans un bacaro pour déguster une assiette de cicchetti. On fait alors partie de cette magie vénitienne qui fait que l’on peut répéter ces mêmes gestes tous les soirs, sans jamais se lasser…
Merci pour cette jolie ballade gourmande