Spécialité de Nouvelle-Angleterre, le « lobster roll » se fait remarquer à Bruxelles, où des concepts lui sont dédiés… Voilà qui réveille de bien beaux souvenirs de nos voyages en Nouvelle Angleterre…

La mer est un peu agitée aujourd’hui et on n’y voit pas à 10 mètres dans la purée de pois, mais Galen a l’habitude. Le visage buriné par les embruns, il remonte un piège à homard… Yes! Il contient le précieux crustacé!

C’était en octobre, il y a quelques années, à bord du Lulu Lobster Boat, un bateau qui organise des croisières pédagogiques au départ de Bar Harbor, un petit port du Maine, près du parc national d’Acadia, pour aller pêcher le homard. Ou plutôt pour « ramasser » le homard. Celui-ci est en effet piégé dans de grands casiers, qui font partie du paysage local, tout comme les bouées, dont la couleur indique le propriété d’un pêcheur, qui aura parfois attendu de très longues années pour obtenir sa licence de pêche…

Sur les côtes de Nouvelle-Angleterre, au nord-est des États-Unis, la pêche au homard est très rentable, car on voue ici un véritable culte au crustacé où on le consomme en ragoût (lobster stew), en salade, dans un clam bake (un mélange de fruits de mer traditionnellement cuits à la vapeur sur la plage sur des pierres chaudes et des algues)… et, bien sûr, le lobster roll!

Le hot dog au homard

On s’en souvient encore… Lors de notre première visite en Nouvelle-Angleterre, d’où le lobster roll est originaire, on n’avait même pas voulu goûter à ce qui semblait être une aberration. Oser mettre un produit noble comme du homard dans du pain à hot dog… Quelle horreur! Et pourtant, au final, c’est justement cela qui séduit. Il y a en effet un côté jouissif à déguster du homard de cette façon.

Le lobster roll serait né en 1929 au restaurant Perry’s, à Milford, dans le Connecticut. Si la version originale était chaude, deux versions communes existent désormais.

Perpétuant la tradition, le « Connecticut style » est un lobster roll servi chaud, dégoulinant de beurre fondu (19$), comme au Lobster Landing à Clinton, dans le Connecticut, un shack (petite maison ou baraque) en bois typique, peint en blanc et rouge, arborant fièrement un énorme homard sur la devanture et tenu par… un Piémontais, Enea Bacci…

En version « New England Style », le lobster roll est servi froid, farci d’une salade de homard avec une mayonnaise légère. Comme au Lobster Shack (22,50$) de la petite ville de Rockland, dans le Maine, où il est délicieux, servi avec son accompagnement typique, des chips, et de plus originaux légumes en pickles.

À l’origine: « Red’s Eat »

Un point commun à ces deux versions et, en général, au lobster rolls servis en Nouvelle Angleterre, la générosité! Avec un homard local — le fameux homarus americanus — vendu 4-5 dollars seulement la livre, certains n’hésitent d’ailleurs pas à glisser dans leur pain brioché un homard entier! C’est le cas chez Red’s Eats, à Wiscasset dans le Maine, une institution où on fait la file depuis 1970 pour goûter à un lobster roll (23,95$) qui déborde de partout et souvent élu « meilleur lobster roll du Maine » et qui a largement contribué à populariser ce sandwich marin.

Pas mal, mais on garde un souvenir ému d’un sandwich au homard (prix en fonction du marché) plus raffiné, proposé avec des frites et du ketchup dans le cadre du plus cossu Neptune Oyster, un comptoir à fruits de mer dans le quartier du North End à Boston.

Tandis que chez Eventide Oyster Co, dans la très gourmande ville de Portland, dans le Maine, on revisite avec brio ce classique américain en optant pour un petit pain cuit vapeur (15$). 

Une spécialité américaine à Bruxelles

Si, fin 2015, il avait timidement débarqué à Bruxelles au restaurant Classico, où il était plutôt savoureux mais manquait cruellement de générosité, le lobster roll a fait une première apparition remarquée en Belgique, début 2016, chez Savage à Anvers, un bar à homard aujourd’hui fermé inspiré du formidable Lobster Place du Chelsea Market à New York.

On avait ensuite mordu dans un lobster roll plutôt bien assaisonné dans un chouette café-cantine apparu début 2019 dans la rue de Rollebeek au Sablon, Crème, où on le servait – Oh yeeeah! – dès le petit-déjeuner, mais qui semble aujourd’hui s’être évanoui de la carte… 

Enfin, 2020 signe le grand retour de ce sandwich au homard à Bruxelles! Il a en effet pointé le bout de son nez sur les cartes des restaurants Odette en ville au Châtelain ou Ma Jolie à Saint-Gilles. On l’a vu encore au menu du food truck Caravan Kitchen, souvent installé dans l’enceinte du See U à Ixelles.

Un lobster roll gastronomique

Mais ce n’est pas tout! Une nouvelle enseigne bruxelloise lui est carrément dédiée à Bruxelles: Lobster’N Rolls. Inauguré le 24 juillet, ce petit snack à la déco marine est situé dans la pittoresque rue de Rollebeek, où, aux beaux jours, on s’installera en terrasse pour déguster de sympathiques lobster rolls réalisés avec les bons pains briochés de chez Aux Merveilleux de Fred. Si le homard du « New England style » (90g de homard, 18,90€) semble un peu perdu dans son immense brioche, on apprécie sa mayonnaise légère. On aime moins le half and half écrevisses-homard « Connecticut style » (11,90€), à l’assaisonnement moins précis et servi pas assez chaud.

On gardera le meilleur pour la fin! Durant le confinement, Paul Delrez (cf. ci-dessous) a lentement mûri un concept appelé Rolls Rolls. Tous les dimanches, sur réservation, il propose dans son restaurant La guinguette en ville, une carte de quatre « rolls » différents. Pas à base de homard uniquement donc, même si celui-ci reste le produit phare… Et il est canon ce lobster roll (16€) twisté par le Top Chef! Un pain au lait brioché aérien fait maison et une centaine de grammes de homard canadien poché dans du beurre noisette, garni de pousses de petits pois et à arroser de beurre blanc aux agrumes,… Et, des frites au coleslaw aux légumes fermentés, en passant par les mayos délurées, c’est le bonheur. Un vrai lobster roll gastronomique!

Paul Delrez, de Top Chef aux lobster rolls

On avait découvert La Guinguette en ville, un petit bistrot situé sur la charmante place du Béguinage en plein centre de Bruxelles, en juillet 2014, quelques mois après son ouverture. On avait notamment été séduits par les classiques belges parfaitement réalisés: croquettes aux crevettes, steak de cheval & frites…  On a ensuite revu le visage du chef de ce restaurant familial sur le grand écran. Paul Delrez était en effet l’un des candidats belges de la saison 10 de Top Chef en 2019. Eliminé lors de la première émission, il ne manquait pas de suite dans les idées…

Un peu avant Top Chef, il avait ainsi ouvert un autre restaurant, La Maison blanche (aujourd’hui fermé) et, malgré son passage télévisuel éclair, il avait décroché deux émissions sur RTL-TVI, À la sauce belge, puis dans La Grande Balade bruxelloise, aux côtés de Sandrine Corman. « Après avoir passé des années en cuisines, ça m’a fait du bien de souffler, de faire autre chose », explique Paul Delrez, qui souhaite désormais travailler sur plusieurs projets à la fois. 

Démocratiser un produit de luxe

« J’avais goûté à Paris un très bon lobster roll et puis j’adore le homard. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de Rolls Rolls, pour démocratiser un produit de luxe » raconte ce vrai ket bruxellois, qui avait, au départ, créé le concept pour La Terrasse de l’Hippodrome à Uccle et qui a, un temps, pensé l’installer chez Madame Moustache, un bar dansant du centre-ville.

« En mars, pendant le confinement, je m’ennuyais et j’ai commencé à bosser sur les recettes, faire des essais sur la brioche. Je tiens à ce que les recettes soient parfaites, mais je ne veux pas me lancer dans une chaîne de fast food monoproduit! C’est une période délicate pour la restauration, alors j’attends de trouver l’endroit idéal pour lancer mon concept; c’est une question d’opportunité. Mais je veux aussi que ça reste fun pour moi et pour les clients. En attendant, je vais bosser sur des pop up et des événements », confie Paul Delrez, qui continuera au moins pendant tous le mois d’octobre à servir ses rolls le dimanche sur réservation à La Guinguette en ville. 

Réserv.: [email protected].