On savait depuis quelques semaines qu’il y aurait pas mal de changements du côté du groupe de restauration « Villa Lorraine » en 2020. Son patron Serge Litvine lève le voile sur ses nouveaux projets et sur l’arrivée d’Yves Mattagne à La Villa Lorraine. Et dont le premier service est prévu pour le 7 mai prochain…

Ces dernières semaines, on a appris, coup sur coup, la perte de la seconde étoile de La Villa in the Sky d’Alexandre Dionisio, la fermeture du Sea Grill** d’Yves Mattagne à l’hôtel Radisson et l’arrivée, dès le 7 mai, du chef doublement étoilé à La Villa Lorraine. Restait une question: quel serait le nom de ce nouveau restaurant? Villa Lorraine ou Sea Grill? « Je vais vous décevoir: c’est La Villa Lorraine. Avec, en-dessous, Yves Mattagne. Je pense qu’il faut garder ce côté mythique, qui me plaît à moi aussi », nous confie Serge Litvine, patron, avec ses enfants Tatiana et Vladimir, d’un petit empire de la restauration à Bruxelles. Depuis le rachat de La Villa fin 2010, Litvine a en effet accumulé les restaurants (et les étoiles), en lançant La Villa in the Sky** au sommet de l’IT Tower avenue Louise, en reprenant La Villa Emily*, Odette en ville, Gaudron (devenu Voltaire), le Sea Grill**, Da Mimmo* ou Lola, sa dernière acquisition au Sablon. Sans même parler du service traiteur La Villa Lorraine, qui compte quatre adresses à Bruxelles et dont la dernière vient de voir le jour à Stockel.

Photo Marie Russillo

Un nouveau terrain de jeu pour Yves Mattagne

Pour le déménagement de Mattagne à La Villa, tout s’est précipité avec le rachat de l’hôtel Radisson par des investisseurs chinois. Dès le 7 mai prochain, après deux mois et demi de travaux (La Villa Lorraine actuelle proposera son dernier service le 23 février prochain), c’est donc Yves Mattagne qui s’installera dans les cuisines du restaurant mythique d’Uccle qui, en 1972, grâce au talent de Marcel Kreusch, fut le premier trois-étoiles hors de France. L’année dernière, ce Graal semblait promis à Mattagne. Serge Litvine refuse de dire si son ambition est bien de rendre ses trois macarons à cette Villa Lorraine qu’il fréquentait enfant, avec son père et sa grand-mère, du temps de Marcel Kreusch. « Yves a bien sûr cette ambition, pour lui, pour son équipe, explique-t-il néanmoins. Pas pour on ego. Il est généreux, gentil, même s’il a ses défauts aussi. L’idée est de faire de ce lieu un restaurant qui ne renie pas son passé. Je ne vais pas faire une discothèque, une brasserie ou, comme on me l’avait conseillé, une rôtisserie… Ce ne serait plus La Villa. »

Et si on lui a longtemps prêté des relations privilégiées avec le Michelin (qui offrit une première étoile à La Villa in the Sky avant même son ouverture…), il nie catégoriquement. « Je suis comme les autres. J’accepte tout à fait leur décision, qu’on gagne ou qu’on perde, parce que le Michelin, c’est le Michelin. C’est tout. Ce sont les règles du jeu. Les arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel et pourtant ils poussent tous les jours. Les étoiles, c’est la même chose. Parfois on en a une, parfois on en perd une. Sinon, ce serait trop facile. »

En attendant la fin des travaux, Yves Mattagne lancera, du 23 février au 30 avril, un pop-up dans un lieu toujours tenu secret. Tandis que La Villa actuelle fera, elle aussi, son dernier tour de piste dans un pop up.

Un resto fusion à La Villa

Si Litvine et Mattagne promettent de faire de la nouvelle Villa Lorraine un lieu « plus cool, plus dans l’air du temps », ce ne sont pas les seuls changements à attendre du côté de l’avenue du Vivier d’Oie. Exit la brasserie actuelle. Litvine ouvrira en effet, dès le mois de septembre, un restaurant fusion, tendance asiatique, à côté de la table gastronomique. Mais cette fois, les cuisines seront distinctes (pour éviter toute confusion possible entre les deux lieux). Et les entrées seront séparées. « On nous a souvent fait le reproche d’avoir une entrée commune et de devoir traverser la brasserie pour aller au restaurant. Même si moi, ça ne me dérange pas. Mais il y a aussi le fait qu’il y a des salons privés, des gens qui ne veulent pas passer devant tout le monde. Ça peut parfois se comprendre, quand c’est la famille royale, des ministres ou lors de négociations africaines, avec autant de gardes du corps que de clients dans la salle… », plaisante l’homme d’affaires.

Les cuisines de ce nouveau restaurant ne seront pas confiées à Gary Kirchens, chef actuel de La Villa. « Il n’a pas démérité. Ce n’est donc pas de punition. Mais avec la fermeture du Sea Grill, on avait un compte à rebours. On est en train de voir si on finance son prochain projet ou s’il vole de ses propres ailes… », confie Litvine.

Dionisio remet les pieds sur terre

Sur la rétrogradation de La Villa in the Sky d’Alexandre Dionisio à une étoile, Serge Litvine se fait philosophe. « Il y a eu des creux, avec des repas qui n’étaient pas au niveau de ce qu’on peut attendre. Mais je pense que si Alexandre se remet vraiment cause et qu’il travaille, il récupérera très rapidement sa deuxième étoile », explique son associé. Lequel ne note pas, pour l’instant, d’impact économique suite à cette sanction. « C’est l’inverse. Il y a des gens qui trouvent cette décision injustifiée et qui viennent par solidarité. Il n’y a que 26 places. Si vous avez 500 personnes solidaires, ça remplit pendant un mois! On s’est demandé si on devait réajuster les prix. Mais on paye 45€ par personne à la tour. Sur un lunch à 85€, ça fait beaucoup… Les clients payent aussi la visite guidée d’un endroit d’exception. Et c’est complet tout le temps. »

Si l’ancien candidat de l’émission Top Chef retrouve son macaron, ce ne sera pas au sommet de sa tour. Dionisio souhaite en effet redescendre sur terre. « Cela fait cinq ans qu’il est là, dans une cuisine minuscule, avec un accès difficile. On va redescendre au plancher des vaches. On est en train de chercher pour trouver avec lui la bonne opportunité. On nous a proposé deux ou trois choses mais c’est banal. Moi, j’aimerais bien qu’il soit dans la forêt, dans quelque chose qui ne soit pas spécialement luxueux mais qui sorte de l’ordinaire. Moi, je verrai bien un cube de verre placé à Linkebeek ou dans le Bois de la Cambre », rêve Litvine…

Photo Marie Russillo

Pas de changement à La Villa Emily

Par contre, malgré les rumeurs, pas question de fermer l’endroit pour autant. Quand le chef aura déménagé, la structure de verre, qui offre une vue impayable sur Bruxelles, accueillera des événements. « Le Sky, c’est un truc qui est génial et ça survivra jusqu’à la fin de notre contrat », assure Litvine. Qui dément un autre bruit qui courait: Mathieu Jacri ne quitte pas, au moins avant un an ou deux, La Villa Emily*, malgré son envie de, lui aussi, avoir une vraie cuisine et pas seulement deux becs de gaz comme aujourd’hui.

Quant à l’avenir, rien ne semble refroidir les ambitions de l’homme d’affaires bruxellois. « Tout n’est pas écrit non plus; il y a des impondérables. Est-ce que nos travaux seront finis à temps? Mais on a toujours des projets… J’ai le projet de voir si on fait quelque chose avec Gary, de voir par rapport à Alexandre. Et puis il y aura peut-être un restaurant de plus, mais ce n’est pas défini. Sinon, je vous le dirais. Ou peut-être pas… », conclut Litvine en souriant.

Photo Marie Russillo