- Poudre de baobab, thé honeybush, noix de marula… Ce sont trois des huit ingrédients sud-africains que 25 chefs belges et internationaux cuisineront, le samedi 16 février, à l’occasion d’un dîner de charité qui aura lieu, en simultané, dans trois restaurants de la capitale: le Bon Bon** de Christophe Hardiquest, Le Chalet de la forêt** de Pascal Devalkeneer et le Bozar restaurant* de Karen Torosyan. Les trois chefs bruxellois ont ouvert leur coeur et leur porte à Margot Janse, cheffe hollandaise qui se consacre aujourd’hui à « Isabelo » (sharing is caring en langue Xhosa), l’oeuvre caritative qu’elle a créée en faveur des écoliers défavorisés d’un township d’Afrique du Sud.
©Pollenmag/Sebastien Vande Walle (idem photo en une)
Margot Janse, une cheffe engagée
Après avoir été pendant 22 ans à la tête du plus célèbre restaurant d’Afrique du Sud (cf. encadré), la Tasting Room du Le Quartier Francais à Franschhoek, à une heure du Cap, la cheffe de 49 ans Margot Janse a décidé en avril 2017 de se dédier entièrement à « Isabelo ».
En tant que cheffe, Margot Janse a eu l’habitude de se battre. « J’ai dû lutter pour être prise au sérieux en tant que professionnelle dans une cuisine, raconte-t-elle. Les femmes sont toujours moins prises au sérieux. Mes fournisseurs m’ont vite traitée d’emmerdeuse. Je leur balançais que si j’avais voulu un brocoli fané, je leur en aurais commandé un! »
Une forte personnalité et une détermination qu’elle a très vite mis au service des écoliers pauvres de Franschhoek. « Il y avait cette réalité inconfortable entre des personnes qui s’offraient des voyages luxueux et cet immense bidonville tout proche… On ne pouvait plus détourner la tête. L’association Isabelo est ainsi née en 2009 au sein même du restaurant. Nous donnions des cours de cuisine aux invités au profit des enfants. »
Avec l’aide d’un diététicien, elle a ensuite développé une recette de muffin très nourrissant pour 70 élèves d’une petite école du quartier. « Au bout de six mois, nous étions capables de récolter suffisamment d’argent pour leur offrir un petit-déjeuner complet chaque jour. Aujourd’hui, plus de 10 ans après, nous fournissons des repas sains à plus de 1500 enfants cinq jours par semaine », se félicite Margot Janse.
En Afrique du Sud, le gouvernement n’aide en effet pas suffisamment les écoles d’état dans les zones défavorisées. « Le gouvernement donne des ingrédients aux écoles primaires pour la préparation d’un déjeuner. Mais en cours d’année, si le nombre d’enfants augmente, il n’y a rien en plus pour eux. De plus, les enfants n’ont rien au petit-déjeuner. Mais personne ne peut apprendre le ventre vide! Si on veut changer ce pays, nous devons éduquer les gens pauvres », clame la cheffe.
« Je veux inspirer d’autres personnes pour qu’elles aussi agissent! »
Margot Janse
Une grande fête pour soutenir Isabelo
Pour mener à bien son projet, Margot Janse a besoin de l’aide de tous. « Isabelo ne reçoit pas d’aide gouvernementale. L’association ne vit que grâce aux dons. Et il est toujours de plus en plus difficile de récolter de l’argent. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai créé le projet Villa Isabelo (cf. ci-dessous), car nous avons besoin de nourrir ces enfants mais aussi de leur offrir un cadeau à Noël. C’est le plus souvent le seul cadeau qu’ils reçoivent de toute l’année… »
Pour attirer l’attention sur son projet et ainsi récolter des fonds, avec l’aide la consultante culinaire belge Alexandra Swenden, Margot Janse a eu l’idée de faire appel à ses amis chefs. « La plupart des chefs qui participent à ce dîner de charité sont des amis qui connaissent Isabelo et qui souhaitaient faire quelques chose. Nous ne le faisons pas pour être reconnus mais parce qu’il faut le faire! », explique-t-elle.
Ce projet souligne la solidarité qui existe dans le monde de la cuisine. « J’admire Margot Janse. J’ai la chance de contribuer à ajouter une goutte d’eau à son projet. Ce n’est pas grand chose, mais si tout le monde ajoutait cette goutte d’eau, cela ferait la différence », plaide Karen Torosyan, l’un des hôtes de l’événements. Si l’heure est à l’engagement, elle est aussi à la célébration. « Ce dîner de charité sera une grande fête. Ce sera un formidable moment de collaboration entre chefs », exulte Margot Janse.
Le 16 février prochain, quelque 200 chanceux auront l’occasion de goûter à trois menus dix services uniques, élaborés par des chefs de haut vol (cf. ci-contre) autour de quelques ingrédients sud-africains. C’est Margot Janse elle-même qui a choisi et envoyé à chaque chef un produit indigène de son pays d’adoption. Comme le buchu par exemple. Avec son goût citronné intense, Janse aime le marier avec des pommes de terre ou du chocolat… On a hâte de découvrir si Alain Passard sera tombé sous le charme de cette herbe utilisée depuis des siècles par les indigènes comme élixir de jeunesse…
Qui est Margot Janse?
Cheffe autodidacte de talent, la Hollandaise Margot Janse a été, de 1995 à 2017, à la tête du restaurant Le Quartier Français à Franschhoek. Elle raconte: « Je me suis battue pour travailler avec des ingrédients locaux de qualité. J’achetais toute la production de jardiniers, même amateurs, pour les encourager. Et puis le moment qui a marqué ma carrière, ce sont ces 16 jours passés en 2000 dans les cuisines des chefs Thomas Keller, Jean-Georges Vongerichten et Charlie Trotter. Quand je suis rentrée en Afrique du Sud, j’ai décidé de créer la Tasting Room et d’y proposer un menu dégustation. Personne ne faisait ça chez nous à l’époque. »
Mais la Hollandaise a surtout développé un service particulier et sur mesure. « J’ai demandé à mes serveurs de raconter à nos clients les histoires des ingrédients indigènes et des producteurs avec lesquels on travaillait, comme celle de cette ferme bio où l’on passait de l’opéra durant l’abattage. »
Margot Janse a enfin réussi a capter l’attention des gourmets du monde entier en 2002, lorsqu’elle décroche la 41e place du premier classement World’s Fifty Best Restaurants. Dès 2005, son restaurant est aussi plusieurs fois désigné meilleur restaurant d’Afrique et du Moyen-Orient.
Si, aujourd’hui, Margot Janse a décidé de consacrer la majorité de son temps à Isabelo, la fondation qu’elle a créée, elle ouvrira en mai 2019 Villa Isabelo, où l’on pourra passer des vacances ou organiser des dîners privés. Une partie des bénéfices sera reversée à Isabelo.
Un casting de rêve à Bruxelles autour de Margot Janse
Chez Bon Bon**, Christophe Hardiquest
- Maksut Askar (Neolokal, Istanbul)
- Manu Buffara (Manu, Curitiba, Brésil/ One to watch Latin America World’s 50 Best)
- Willem Hiele (Willem Hiele, Coxyde)
- Chiho Kanzaki (Virtus, Paris)
- Alain Passard (L’Arpège***, Paris/8e au World’s 50 Best)
- Ana Ros (Hisa Franko, Kobarid, Slovénie/48e Meilleure femme chef Monde 2017 au World’s 50 Best)
Au Bozar Restaurant*, Karen Torosyan
- Isabelle Arpin (Isabelle Arpin, Bruxelles)
- Pascal Barbot (L’Astrance***, Paris)
- Emma Bengtsson (Aquavit**, New-York)
- Sang-Hoon Degeimbre (L’Air du temps**, Liernu)
- David Martin (La Paix**, Bruxelles)
- Christophe Pelé (Le Clarence**, Paris)
- Heinz Reitbauer (Steirereck**, Vienne/14e au W50B)
Au Chalet de la forêt**, Pascal Devalkeneer
- Joris Bijdendijk (Rijks*, Amsterdam)
- May Chow (Little Bao, Hong Kong/meilleure cheffe d’Asie 2017)
- Mauro Colagreco (Mirazur**, Menton/3e au W50B)
- Rodolfo Guzman (Borago, Santiago du Chili/27e au W50B)
- JP McMahon (Aniar*, Galway, Irlande)
- Virgilio Martinez (Central, Lima,/6e au W50B)
- Pia Léon (Kjolle, Lima/meilleure cheffe d’Amérique latine 2018)
- Vilhjalmur Sigurdarson (Souvenir, Gand)
En pratique
Quand: samedi 16 février à 20h chez Bon Bon, au Chalet de la forêt et au Bozar Restaurant.
Prix: 320 euros (menu 10 plats avec apéritif, vins, eau et café)
Réservation: Events.ticketbooth.eu/events/28036 ou sur les sites des trois restaurants participants. L’intégralité des bénéfices sera versé à l’association Isabelo.
Pour faire un don: www.isabelocharity.wixsite.com/website.
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