Dès aujourd’hui, le Salon du goût Slow Food envahira la capitale piémontaise. Associé à Terra Madre, le rendez-vous a cinq jours pour réfléchir à une autre alimentation. Dans une ambiance gourmande, festive et conscientisée…

Rencontre entre le Nord et le Sud

Du 22 au 26 septembre, Turin va vivre à l’heure du Slow Food, à l’occasion du 11^e Salon du goût, grand rendez-vous bisannuel placé cette année sous le thème : “Aimer la Terre”. Et pour fêter dignement les 30 ans du mouvement éco-gastronomique, tout a été revu de fond en comble.

Fusionné depuis 2014 avec la réunion du réseau parallèle Terra Madre, le Salon del Juste est désormais totalement gratuit. Surtout, l’événement quitte le centre d’exposition du Lingotto Fiere, site des anciennes usines Fiat, pour se disséminer à travers toute la ville, investissant parcs, places, bâtiments historiques, théâtre, écoles, bars, restaurants… Des navettes étant prévues pour rallier les différents sites. Organisé en partie en plein air, le rendez-vous a donc été avancé d’un mois, histoire de profiter des derniers jours de beau temps…

Le but avoué de l’opération est de donner plus de visibilité aux différentes actions politiques et sociales menées par Slow Food sur les cinq continents. Mais aussi d’élargir considérablement le public. Entre 500 000 et un million de visiteurs sont ainsi attendus cette année, contre 240 000 en 2014.

Tour du monde des produits

Le cœur vibrant du Salone del gusto restera évidemment le grand marché italien et international, installé dans le parc Valentino, sur les rives du Pô. Avec plus de 800 exposants venus d’Italie et des quatre coins de la planète, c’est sans conteste le plus beau marché du monde, proposant pas moins de 300 produits Sentinelles (cf. ci-dessou), mais aussi les spécialités amenées par les 500 communautés du goût du réseau Terra Madre présentes à Turin.

Cette année, l’accent sera notamment mis sur le travail effectué dans 15 pays d’Afrique. Où l’on découvrira le sel de Baleni d’Afrique du Sud, les fromages de chèvres au lait cru de Planalto Norte au Cap-Vert, les dattes de l’oasis de Siwa en Egypte, le café sauvage de la forêt Harenna en Ethiopie, le sel de Farim de Guinée Bissau, le miel de méliponides d’Arusha en Tanzanie ou encore les riz anciens du lac Alaotra à Madagascar.

Les visiteurs pourront aussi partir à la rencontre du patrimoine gastronomique égyptien – de l’absinthe du désert au pain Farasheeh –, à l’occasion d’une grande conférence donnée au théâtre Carignano. Laquelle est couplée à une exposition, dans la cour du prestigieux Musée égyptologique de Turin, des produits égyptiens inscrits dans l’Arche du goût Slow Food… A moins que l’on ne préfère participer à l’un des 82 Ateliers du goût, organisés dans tout Turin et consacrés aux vins, aux bières, aux cocktails, aux cafés…

Un riche programme

Durant ces cinq jours, il ne sera pas question que de manger ou de boire. Terra Madre-Salone del Gusto sera aussi, pour les plus curieux, l’occasion de réfléchir à l’avenir de la planète et de l’humanité. Agriculteurs, universitaires, spécialistes, chefs, du Nord et du Sud, échangeront à propos de l’agroécologie (en présence notamment de Yacouba Savadogo, agriculteur burkinabé qui a redonné vie à une partie du Sahel grâce à l’utilisation de techniques traditionnelles de culture) ou des potagers ruraux et urbains (en présence d’Alice Waters, grande chef californienne “Chez Panisse” à Berkeley et vice-présidente de Slow Food International). Au cœur de l’actualité, le thème de la migration sera également omniprésent. Tout comme ceux de la biodiversité (alimentaire et culturelle) et des biens communs…

Rens. : www.salonedelgusto.com.

Le Salon à travers la ville

 

• Parc du Valentino. Situé le long du Pô, le parc du Valentino sera le coeur vibrant du Salon. Il accueillera non seulement le grand marché italien et international, mais aussi Slow Meat. Ce parcours interactif (tous les jours de 10h à 19h) met l’accent sur la différence d’impact écologique et social entre productions industrielle et durable. Parallèlement, divers restaurants turinois proposeront à leur carte des menus mettant en valeur les viandes locales.

  

  Sur la terrasse de la Società canottieri Armida, se tiendra Slow Fish, où l’on discutera de l’avenir des rivières et des océans et de la pêche durable (notamment autour de la question des biens communs, dont les océans et la faune halieutique sont des ressources emblématiques).

• C’est dans le parc du Valentino également que sera installé l’espace Indigenous Terra Madre, dédié aux communautés autochtones du monde entier du réseau Terra Madre. Au menu, rencontres autour de la défense de la biodiversité culturelle de ces peuples et des solutions à trouver face au changement climatique… Mais aussi des animations musicales, des films ou encore une dégustation de la cuisine traditionnelle des communautés du Nagaland, dans le nord-ouest de l’Inde.
• Château du Valentino. Au sein du château du parc du Valentino, se tiendront les Forums Terra Madre.

• Piazza Castello: Sauvons la biodiversité (tous les jours de midi à minuit). Parcours thématique autour des actions concrètes de Slow Food en faveur de la biodiversité (Arche du goût, Sentinelles, Jardins potagers…). Une installation présentera par exemple des centaines de variétés anciennes de pommes réunies dans l’Arche du Goût, venues de Norvège, de France, du Kazakhstan… La place accueillera également la cuisine de l’Alliance des chefs.
• Palazzo Reale: Vin. L’oenothèque Slow Food proposera, au sein du palais royal, plus de 900 références. Y seront également organisés les Ateliers du goût consacrés au vin. 
Face au palais, sur la Piazzetta Reale, réunion de food trucks.

• Cour du rectorat de l’Université de Turin: Let it Bee. Espace dédié à la biodiversité du miel: présence d’apiculteurs du monde entier, exposition sur les techniques de récolte du miel, dégustations, discussions sur les pesticides, les races d’abeilles, les productions traditionnelles, l’apiculture urbaine… Présentation notamment de la nouvelle Sentinelle de l’abeille noire de Wallonie.
• Via Roma et Piazza San Carlo, seront présentées pas moins de 150 Sentinelles italiennes.

• San Salvario: Migrants. Ce quartier du sud-est de Turin sera habité par les questions de migration : débats, conférences, rendez-vous sur la gastronomie multi-ethnique, musique, performances, littérature… Mais aussi un Migrantour (tous les jours de 10h à midi), soit une visite du marché de Porta Palazzo, le plus grand marché en plein air d’Europe, à travers des histoires de migrants, qui ont toujours contribué au développement de Turin. Tandis qu’avec Soup for Syria, l’accent sera mais sur les communautés du Rojava, région à majorité kurde du nord de la Syrie.
• Le Théâtre Carignano accueillera les grandes conférences du Salon.

• Le Circolo dei Lettori sera le théâtre d’une partie des ateliers du goût, mais proposera également un vaste espace consacré aux traditions alimentaires italiennes.

• Piazzale Valdo Fusi: « marché des maîtres du goût » consacré aux meilleurs produits de la région de Turin.
• I Murazzi del Po et Piazza Vittorio Veneto: espace consacré aux cuisines de rue et parcours dédié aux brasseurs artisanaux italiens.
• Eataly au Lingotto: le supermarché gourmet associé depuis toujours au Slow Food accueillera de nombreux Ateliers du goût mais aussi les quatre rencontres à table avec de grands chefs et de l’Ecole de cuisine.

 




Les Belges à Turin

Une vingtaine de Belges feront le voyage à Bruxelles, dont 9 en tant que délégués Slow Food. Ceux-ci se réuniront le samedi pour réfléchir au futur du mouvement avec, en point de mire, le prochain Congrès international de Slow Food, qui se tiendra au Kenya en 2017.

Animateur du convivium bruxellois Slow Food Metropolitan et cofondateur du salon Vini, Birre e Ribelli (dont la prochaine édition se tiendra les 26 et 27 novembre au garage Citroën Yser), Patrick Bottcher participera à des Ateliers du goût consacrés aux fromages au lait cru et à l’Alliance des chefs. Jean Van Roy, de la brasserie Castillon animera un atelier sur le lambic. Tandis que le traiteur namurois Claude Pohlig (« Cuisine Potager » à Chaumont-Gistoux) présentera, lui, dans le cadre de « Cucine di Terra Madre », une recette de coucou de Malines à la kriek et au chocolat Laurent Gerbaut.

 

Le Slow Food en bref

Lancé par l’ancien journaliste gastronomique italien Carlo Petrini à Bra dans le Piémont en 1986, il y a trente ans cette année, le mouvement Slow Food est devenu international à Paris en 1989. Basé à Turin, il compte aujourd’hui quelque 100 000 membres affiliés répartis dans 160 pays, avec une forte concentration en Italie. Il revendique par ailleurs un million de personnes intégrées à son réseau Terra Madre. De quoi en faire l’une des plus grandes ONG du monde.

Créé en réaction à la fast-foodisation du monde pour défendre une idée du mieux manger, le Slow Food est devenu de plus en plus politique, défendant à l’international une agriculture paysanne durable. Terra Madre coordonne ainsi des actions concrètes sur le terrain, notamment dans les pays du Sud. Avec, par exemple, la création de 2 090 potagers dans 35 pays africains.

Au-delà du “manger bon, propre et juste”, Slow Food s’est désormais imposé comme un puissant lobby citoyen, reconnu par la FAO et qui a l’oreille du gouvernement italien — le ministre de l’Agriculture sera ainsi présent à la soirée d’inauguration officielle du Salon du goût — mais aussi d’une partie des autorités européennes. Slow Food milite ainsi activement contre les traités transatlantiques TTIP et CETA.

Rens. : www.slowfood.com.

 

Petit lexique du Slow Food

• Alliance Slow Food : initiative visant à mettre en relation des chefs et des producteurs locaux. En Italie, le réseau est très développé, avec des centaines de restaurants mettant à leur carte des produits Sentinelles. En Belgique, 23 chefs se sont lancés dans l’aventure. Egalement présente au Maroc et aux Pays-Bas, l’Alliance vient d’être scellée dans 8 nouveaux pays (France, Argentine, Brésil, Allemagne…).
• Arche du goût: lancée par le pape du Slow Food Carlo Petrini, l’Arche du goût reprend la métaphore du Déluge pour mettre en lumière la menace qui plane sur la biodiversité alimentaire – trois quarts des variétés végétales ont par exemple disparu en 70 ans. A terme, Petrini souhaite que soient identifiés 10 000 produits menacés de disparition à sauver. Slow Food en recensait 1 500 en 2014, quelque 3 800 aujourd’hui (dont 33 en Belgique). Le projet a reçu le soutien de Google, qui héberge une Arche virtuelle.

• Communauté du goût: réunion d’acteurs locaux défendant une agriculture paysanne ou une pêche durables. On compte 2 400 communautés à travers 160 pays, réunies dans le réseau Terra Madre.
• Convivium: les membres actifs de Slow Food doivent payer une cotisation annuelle et s’affilier à un convivium local, qui organise ses propres activités et relaie les campagnes internationales. On compte 1 500 convivia à l’échelle mondiale, dont 9 en Belgique : Slow Food Metropolitan Brussels, Slow Food Namur, Les Saveurs de Silly, Slow Food Liège, Vertes vallées à Saint-Sauveur, Lens, Goût et Traditions…
• Salon du goût : organisé tous les deux ans à Turin depuis 1996, le Salon international du goût est le plus grand rendez-vous du mouvement Slow Food, attirant des centaines de milliers de personnes.
• Sentinelle Slow Food : appellation maison, souvent plus dure que les AOP ou IGP, lancée en 1999 pour relancer la production de produits artisanaux menacés (races animales, fromages, spécialités locales…). On compte plus de 490 Sentinelles à travers le monde, dont un bon tiers en Italie. En Belgique, on en dénombre trois : le Herve au lait cru, le sirop artisanal du Pays de Herve et, depuis ce mois d’août, l’abeille noire de Wallonie.

• Slow Cheese: salon organisé à Bra tous les deux ans depuis 2005, mettant en valeur les savoirs-faire artisanaux et défendant les fromages au lait cru.
• Slow Fish: salon organisé à Gênes tous les deux ans pour tenter de développer une pêche durable. Cette année, il s’est exceptionnellement tenu en mars à La Nouvelle Orléans.
• Terra Madre: créé en 2004, ce réseau réunit 2 400 “communautés du goût” à travers 160 pays, qui pratiquent une agriculture et une pêche artisanales et une production alimentaire de qualité. Le réseau se compose d’agriculteurs, de pêcheurs, de chefs mais aussi de plus de 450 universitaires.

• Université des sciences gastronomiques: fondée sous l’impulsion de Carlo Petrini à Pollenzo dans la commune de Bra, au cœur du Piémont, cette université a reçu sa reconnaissance académique en 2005. Elle dispense des cours interdisciplinaires (alimentation, nutrition, histoire, botanique, œnologie, sciences moléculaires, droit de l’environnement…).