Tables gastronomiques, bistrots, pizzerias, producteurs… La crise du coronavirus a impacté toute la chaîne de l’Horeca. Après deux ou trois semaines très difficiles suite à l’annonce de la fermeture des bars, cafés et restaurants le 14 mars dernier, beaucoup se sont mis en mode traiteur et autres plats à emporter. Mais tous appréhendent la réouverture, qui devrait se faire progressivement en ce début du mois de juin. Petit tour d’horizon en cinq épisodes.

Deuxième étape du côté du Au gré du vent à Seneffe, le restaurant de Stéphanie Thunus, l’une des rares femmes étoilées de Belgique.

Une étoilée en quête de convivialité

Stéphanie Thunus est l’une des rares cheffes étoilées de Belgique. Depuis 2012, elle est à la tête avec son mari d’Au gré du vent à Seneffe. En huit ans, elle n’avait jamais vécu un choc comme celui qui s’est abattu sur le monde de l’Horeca. « Ce fameux jeudi soir (le 12 mars, quand fut annoncée par Sophie Wilmès la fermeture des restaurants, NdlR), on était complet. On a fait notre service sans vraiment se rendre compte qu’on avait 24h pour fermer. On ne savait pas quoi dire au personnel. C’était un sentiment assez bizarre. Les clients nous disaient au revoir en nous souhaitant bon courage… Le lendemain, on a fait notre dernier service. Tous les clients qui avaient réservé sont tous venus. Et on a dû refuser autant de gens qu’un soir de Saint-Valentin! », se souvient la cheffe. Pour qui cette fermeture subite a été très difficile à envisager. « À la veille du week-end, la chambre froide était pleine! Ce n’est pas possible de s’arrêter un restaurant comme ça du jour au lendemain. Quand on part en vacances, on prévoit tout à l’avance: le stock, la blanchisserie… »

En mode traiteur

Après avoir réglé les démarches administratives, notamment vis-à-vis du personnel, Stéphanie Thunus a envisagé cet arrêt provisoire comme des congés, pour profiter de ses trois enfants, dont un petit de deux ans. « Mais on ne pensait pas que cela durerait si longtemps , nuance-t-elle. Après deux ou trois semaines, on a mis en place un service traiteur, qui a tout de suite bien marché auprès de nos habitués. » Soit un menu à 35€, annoncé sur les réseaux sociaux le lundi et à venir retirer sur place le vendredi ou le samedi.

De quoi permettre au couple de restaurateurs de rentrer un peu d’argent pour payer les charges fixes. « En temps normal, cela ne m’aurait pas vraiment plu d’avoir une petite boutique à côté du restaurant. Mais grâce à la crise, je vois les choses différemment. Si on nous impose d’ouvrir avec seulement 50% des places occupées, on continuera cela pour que la société reste viable. »

L’étoilée voit quand même un aspect positif à cette crise inédite: le recours aux circuits courts, qui s’est beaucoup développé ces dernières semaines. « Si virus s’est étendu si vite, c’est parce que tout est mondialisé, que les gens veulent tout tout de suite. Le client aussi doit en prendre conscience et ne pas vouloir des fraises au mois de janvier, mais bien profiter pleinement de chaque produit au bon moment… »

Penser le restaurant de demain

Comme beaucoup de ses collègues, Mme Thunus craint qu’au moment de la réouverture, les clients refusent de revenir dans les restaurants. De peur d’être contaminés ou parce que l’ambiance — entre masques, distances de sécurité et autres plaques de Plexiglas entre les tables — ne soit plus vraiment à la convivialité… « Concrètement, on n’a encore rien d’officiel. On se pose beaucoup de questions sur la salle, le vestiaire, les toilettes… Certains clients n’oseront sans doute plus s’asseoir trois ou quatre heures au restaurant. Il faut déjà penser au futur du restaurant… »

Mais la cheffe reste optimiste. « Je crois en notre métier. Il faudra un an ou deux pour que cela passe. Après, j’espère que la joie d’être à table sera toujours là. C’est ça qui rend heureux nos clients. Le plus important, ce n’est pas pas seulement de bien manger, mais de garder le souvenir d’un moment agréable. J’espère que cela restera comme ça… »