Deux ans après la mort de Bocuse, le guide Michelin sanctionne une maison mythique. Sans surprise mais triste…
Le palmarès du guide Michelin France 2020 sera dévoilé le 27 janvier, mais le journal Le Point a balancé dès jeudi soir une info qui a remué plus d’un gastronome… Le restaurant Paul Bocuse à Collonges-au-Mont d’or, près de Lyon, va perdre sa troisième étoile, détenue depuis 1965… Ce que confirme le guide rouge. Après Marc Haeberlin (L’Auberge de l’Ill à Illhaeusern), Marc Veyrat (La Maison des bois à Manigod en Haute-Savoie) et Pascal Barbot (L’Astrance à Paris), c’est donc le restaurant Paul Bocuse qui, deux ans après la mort du chef mythique, semble faire les frais du grand nettoyage opéré par le nouveau directeur du guide Michelin, Gwendal Poullennec. Et cette décision provoque forcément le débat. Devait-on maintenir les trois étoiles de Bocuse, en forme d’hommage éternel à l’un des plus grands cuisiniers français ? Le boss lui-même savait sa cuisine vieillie, dès les années 70 et l’avènement de la Nouvelle Cuisine. Ne disait-il pas, en plaisantant, qu’il s’était battu pour obtenir ses « deux étoiles » ?
Les étoiles sont le reflet, l’aboutissement d’une année de travail. Elles peuvent – c’est logique – être retirées à la fin de celle-ci, si le guide rouge estime que le restaurant a démérité. Selon les critères d’aujourd’hui, sans doute la cuisine de chez Bocuse ne méritait-elle plus trois étoiles. Mais les lui enlever, c’est se tirer une balle dans le pied pour le Michelin. C’est renier son histoire et casser encore un peu de la magie de la gastronomie française…
Une cuisine vieillie qui continue d’inspirer
Quand on connaît l’excellence des MOF qui officient à L’Auberge du Pont-de-Collonges, on a en effet du mal à comprendre cette décision… Car on garde un plaisir infini à « casser la croûte » d’une soupe VGE (servie en 1975 à l’Élysée en l’honneur de Valéry Giscard d’Estaing), à plonger dans l’histoire de la gastronomie française à travers cette soupe mythique. Ou à voir ouvrir en salle la vessie contenant la fameuse poularde de Bresse.
Un classique qui inspire toujours les chefs les plus contemporains, comme Riccardo Camanini du Lido 84 sur le Lac de Garde, qui prépare ainsi un cacio e pepe cuit en vessie…
Tandis que dans sa cabane à sucre du Pied de cochon, près de Montréal, le célèbre chef Martin Picard propose une crème de bulots, cheddar et champignon et sirop d’érable en croûte, en clin d’oeil à la soupe VGE…
Un repas chez Paul Bocuse, c’était, c’est un peu comme aller au musée. Est-ce qu’un Monet a moins de valeur parce qu’il n’est plus à la mode, que le style en vogue a changé, que les goûts ont évolué ? Bien sûr que non ! La cuisine devrait-elle, elle, toujours être contemporaine ? Oui, pour ce qui est des préoccupations environnementales, du travail des produits de saison, locaux si possible, et de faire une croix sur les espèces de poissons en voie de disparition. On ne peut plus se fermer les yeux. Mais on peut prendre autant de plaisir dans un restaurant classique qu’à une table plus innovante. Il y a finalement quelque chose de rafraîchissant, de réjouissant même, à nager à contre-courant. À se délecter d’un loup en croûte sauce choron, à s’enthousiasmer comme un enfant devant une île flottante aux pralines roses ou à être ému aux larmes devant ces inoubliables chariots de desserts…
Espérons simplement que le Michelin sanctionne ici des manquements en cuisine et non un style qui, soi-disant, aurait fait son temps.
Rétroliens/Pings