La nuit en plein jour

Sur les photos des années 40, Pittsburgh semble toujours morne et sombre. Il faut dire que la pollution était alors telle que, bien souvent, il faisait nuit en plein jour   ! Les employés de Downtown se souviennent ainsi qu’il fallait toujours emporter une seconde chemise blanche en cas de déjeuner d’affaires au restaurant, la première étant inévitablement noircie lors du trajet vers le bureau !

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’acier et les chemins de fer ont fait la fortune de “Steel City” – c’est à Pittsburgh qu’à été forgé l’acier qui servira à construire le pont de Brooklyn – mais aussi sa mauvaise réputation. Durant un siècle en effet, à cause des fumées noires qui s’échappaient de ses nombreuses usines, la cité portera également le surnom de “Smokey City”. Et les conséquences sanitaires de cette activité industrielle lourde ont parfois été catastrophiques. En 1948, à Donora, petite ville au sud-est de Pittsburgh, le smog tua 22 personne et en rendit 7000 malades. De quoi provoquer une prise de conscience des autorités locales et nationales.

Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis

Si l’air commence enfin à se dégager, c’est à cause du « Clean Air Act » de 1970 mais surtout parce qu’à partir des années 50, les hauts fourneaux et les usines de verre ferment progressivement leurs portes, laissant la ville dans un état de délabrement économique avancé. Alors qu’elle comptait 676000 habitants en 1950, Pittsburgh n’en compte ainsi plus que 306 000 (selon les chiffres du dernier recensement de 2010)…

Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis

Une ville verte et escarpée

Ça, c’est pour l’image que l’on a en tête (pour autant que l’on en ait une) de Pittsburgh. Une image qui ne donne pas forcément envie d’en faire une destination de voyage. Mais la première chose qui surprend lorsque l’on survole la ville au moment d’atterrir, c’est combien la région est verte. L’impression se confirme lors du trajet de l’aéroport vers le centre-ville, où l’on découvre de nombreux parcs et espaces verts mais aussi une ville très escarpée. Comme à San Francisco, on trouve d’ailleurs ici des cable cars ou plus exactement deux funiculaires, dont le célèbre funiculaire Duquesne.

Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis

Vue depuis le Mt Washington sur le confluent de la Allegheny River (à gauche de Downtown sur la photo) et de la Monongahela (à droite), qui forment l’Ohio…

Construit en 1877 et classé au patrimoine américain, ce funiculaire long de 240 m permet de grimper, dans deux jolies cabines en bois, au sommet du mont Washington, qui surplombe Pittsburgh au sud. De là-haut, la vue sur Downtown est magnifique. Où l’on embrasse toute la géographie de la seconde ville de Pennsylvanie, nichée au confluent des rivières Allegheny et Monongahela, qui forment l’Ohio. Lequel s’écoule lentement jusqu’au Mississipi puis vers le Golfe du Mexique. Cette situation stratégique en termes de transport explique en grande partie le développement économique de la ville au XIXe siècle.

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Un exemple de reconversion

Située tout à l’ouest de la Pennsylvanie, à la frontière de l’Ohio, Pittsburgh est géographiquement plus proche de Cleveland ou même de Detroit que de sa rivale Philadelphie, à l’est de l’Etat. Si, par son importance historique – c’est là que fut signée la Déclaration d’indépendance, le 4 juillet 1776 –, Philly appartient pleinement à la Côte Est, Pittsburgh fait, elle, partie de la « Rust Belt » (Ceinture de la rouille). La preuve, il y a un an, la Pennsylvanie a offert 20 grands électeurs à Donald Trump.

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Dans le comté de Pittsburgh pourtant, on a voté à plus de 56 % pour Hillary Clinton. Un signe évident de la transformation de la ville qui, depuis la fin des années 80, a trouvé un second souffle en investissant dans des domaines de pointe, liés à ses nombreuses universités  : l’éducation, la recherche, la santé, la finance ou la technologie. Uber vient ainsi d’installer un centre de recherches à Pittsburgh et ce sont ses rues qui ont été choisies pour tester, dès septembre 2016, les premières voitures sans chauffeur de la firme californienne. Même si, depuis, l’expérience a fait grincer beaucoup de dents…

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Situé juste à côté de l’impressionnant William Penn Hotel près de Mellon Square, ce bâtiment néogothique, également conçu par l’architecte Benno Janssen, accueillait les bureaux d’Henry Clay Frick.

Cette reconversion réussie est un véritable exemple pour les autres villes de la « Rust Belt ». En 2010, Pittsburgh était classée par le magazine “Forbes” comme la première ville des Etats-Unis en termes de qualité de vie, grâce à son enseignement, son offre culturelle, sa taille modeste… Une belle revanche!

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L’impressionnante East Liberty Presbyterian Church, qui a donné son nom au quartier qui l’entoure, en plein boom.

Deux noms incontournables

Que serait Manhattan sans la prestigieuse salle de concert Carnegie Hall, au sud de Central Park, ou la magnifique Frick’s Collection sur la 5e Avenue ? Ces deux endroits témoignent en fait… de la réussite industrielle de Pittsburgh.

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Avant de conquérir New York, Andrew Carnegie et Henry Clay Frick ont en effet fait fortune dans les chemins de fer et l’acier dans la Steel City, où leur empreinte est toujours omniprésente. De la Carnegie-Mellon University au Carnegie Museum of Natural History, en passant par le superbe Omni William Penn Hotel (l’un des plus anciens buildings de la ville, construit par Frick en 1909, et qui possède de magnifiques salles d’apparat et de bal, en photo) ou l’agréable Frick Art & Historical Center.

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Si la collection n’y est pas aussi impressionnante qu’à New York, la visite de la Clayton House, la maison familiale d’Henry Clay Frick (photo ci-dessus) permet de découvrir la vie provinciale d’un nouveau riche, avant son déménagement en fanfare pour sa sublime maison de la 5e Avenue, où il amassera de véritables trésors (Vermeer, Van Eyck, Holbein, Constable, Degas, Renoir…).

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La serre de Clayton House et, derrière, la « maison de jeux » construite pour les enfants d’ Henry Clay Frick!

Que faire?

Si Pittsburgh est une petite ville, elle possède de nombreux musées. Outre le Carnegie Museum of Art et la Frick Collection, plus classiques, on ne manquera pas le musée Andy Warhol, qui est né à Pittsburgh (même s’il a toujours été très discret sur ses origines).

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Sur trois étages, le musée le plus visité de la ville retrace chronologiquement la carrière et les styles du roi du Pop Art. Parmi les œuvres incontournables, une sérigraphie d’Elvis en cow-boy ou une célèbre déclinaison de Marilyn. Mais aussi des pièces inattendues comme les Polaroïd des stars qu’il souhaitait peindre (Liza Minelli, Clint Eastwood, Sylvester Stallone, Bill Murray…). Ou sa dernière toile, inachevée, représentant une dernière Cène où le Christ côtoie le dieu Dollar.

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Situé dans le quartier en pleine rénovation du North Shore, à côté du très touristique Randyland (un jardin psychédélique décoré par un personnage haut en couleurs, photo ci-dessous), la Mattress Factory est un haut lieu de la culture underground à Pittsburgh, installé dans une ancienne usine de matelas et quelques petites maisons alentours. On y trouve notamment des œuvres intrigantes sur la lumière du génial James Turrell.

Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis

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Dans la Victorian House, l’une des annexes de la Mattress Factory, on découvre l’oeuvre engagée de l’artiste nord-irlandaise Rita Duffy, qui a imaginé ici un petit magasin de souvenirs de l’Amérique, avec des poupées vaudou de Trump ou encore des confiture « Strange Fruit » (en référence à la chanson de Billie Holiday). Ce « Souvenir Shop » consacré à la lutte pour les droits civils américains répond à une installation analogue réalisée à Dublin en 2016 à l’occasion du centenaire du soulèvement des Irlandais contre les Britanniques.

A Downtown, impossible de passer à côté de la PPG Place, un complexe de six buildings tout en verre, initié par le géant de l’industrie verrière de Pittsburgh. Haute de 193 mètres, la tour principale (photo ci-dessous) s’inspire notamment de l’impressionnante Cathedral of Learning de l’Université de Pittsburgh. Construite à partir de 1926 par l’architecte Charles Klauder, cette tour néogothique de 163 mètres de hauteur est notamment célèbre pour ses trente Nationality Rooms, salles de classe financées par les différents groupes ethniques d’étudiants.

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Si l’on préfère le sport, Pittsburgh est connue pour ses Pinguins, l’une des meilleures équipes de hockey sur glace du pays, et ses Pirates en baseball. Si le match en lui-même est soporifique, l’ambiance au PNC Park vaut le détour, notamment pour la vue qu’il offre sur la Skyline de Downtown, de l’autre côté de l’Allegheny River…

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Que manger?

Pittsburgh n’est pas la ville la plus gourmande des Etats-Unis… Sa cuisine est le reflet de son histoire industrielle et des nombreux migrants venus bosser dans la sidérurgie, d’abord les Ecossais et les Irlandais, puis les Grecs, les Bulgares, les Ukrainiens… La seule spécialité de la ville est ainsi… le pierogi, ces raviolis polonais qu’on mange frits (chez Franktuary à Lawrenceville par exemple) ou cuits à l’eau et servis avec de la crème aigre, chez S&D Polish Deli, dans le Strip District.

Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis

Ancien quartier industriel, celui-ci est surtout connu pour l’immanquable Primanti Brothers, réputé pour ses énormes sandwiches (avec frites incorporées) que les camionneurs pouvaient manger à une main tout en conduisant. Ce n’est pas très bon mais historique et resté dans son jus depuis 1933.

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De l’autre côté de l’Allegheny, de superbes lofts ont été aménagés dans les anciennes usines Heinz. Pittsburgh a en effet vu naître le Tomato Ketchup. Lequel a été lancé en 1876 par Henry John Heinz, fils d’émigrés allemands qui s’était lancé dans le commerce de pickles. Au Heinz History Center, grand musée sur l’histoire de Pittsburgh, un étage entier est consacré à l’histoire d’une des entreprises les plus célèbres au monde!

Mais, preuve que Pittsburgh vit sa révolution, la scène gastronomique est en plein boom depuis quelques années. On a ainsi vu apparaître de petites adresses modernes bien senties. Comme Täko, qui propose d’excellents tacos à Dowtown.

Dans l’agréable quartier de Lawrenceville, le génial Morcilla est une taberna spécialisée dans les charcuteries maison et les tapas créatifs. On adore la cuisine franche du chef Justin Severino, également à la tête du « Cure », resto qui met en avant les produits locaux et de saison.

Tandis qu’à East Liberty, le Whitfield, restaurant du très cool Ace Hotel, est, lui aussi, connu pour ses excellentes charcuteries mais aussi pour mettre en valeur les produits de la région dans des assiettes plutôt rock’n’roll.

Où boire un verre?

Comme un peu partout aux Etats-Unis, Pittsburgh a succombé à la tendance des microbrasseries. Brew, musée entièrement consacré à la bière, ouvrira incessamment ses portes. Tandis qu’à la Church Brew Works, on voue un véritable culte à l’orge. Cette église désacralisée du très chouette quartier de Lawrenceville a été reconvertie en brasserie. Au-dessus des cuves, installées sur l’autel, on peut lire : “Et le huitième jour, l’homme créa la bière…” Laquelle n’est d’ailleurs pas mauvaise du tout.

Pour un choix nettement plus large, on ira faire un tour, à East Liberty, chez Urban Tap, un grand sport bar à l’américaine proposant 100 bières au fût, dont de nombreuses bières belges mais aussi locales.

A deux pas de la très belle église du Sacré-Cœur, dans l’ancien quartier polonais, on pourra également aller s’encanailler chez Gooski’s, un dive comme on les aime. Ambiance roots assurée !

A l’opposé du plus soigné Acacia, bar à cocktails réputé situé dans le South Side Flats, qui propose des breuvages équilibrés.

Y aller

La compagnie à bas coûts islandaise Wow Air est la première, depuis plus de dix ans, à proposer un vol transatlantique régulier vers Pittsburgh. Départ de Bruxelles, avec escale à Reykjavik, à partir de 160€ l’aller. Attention, on est bien dans du low cost. Ce prix plancher ne comprend ni les bagages en soute et en cabine, ni le placement dans l’avion, ni le repas et les boissons. Tandis que les avions, des Airbus ultra-récents (Wow Air étant l’une des compagnies les plus jeunes) ne sont pas équipés de système de divertissement.

=> Rens.: www.wowair.fr.