La mixologie est l’art de préparer de succulents cocktails. Mais pour Matthieu Chaumont, qui vient de déménager son bar « Hortense » près de la place Flagey, la préparation d’un cocktail débute bien avant de mélanger deux alcools dans un shaker …
Un nouveau terrain de jeu
Quelle lumière ! Voilà qui va changer les habitués d’“Hortense”, le premier bar à cocktail à avoir lancé la vague de la mixologie à Bruxelles. Installé fin 2012 dans de superbes caves voûtées du Sablon, le lieu se la jouait “speakeasy”, misant à fond sur la carte du revival de l’esprit Prohibition : entrée réservée aux initiés, lumières tamisées, cocktails à l’ancienne inspirés des classiques de la fin du XIXe et du début XXe siècle… Quatre ans plus tard, son créateur, le Bordelais Matthieu Chaumont, a décidé de changer d’atmosphère. Le 28 septembre dernier, il inaugurait ainsi près de la place Flagey son nouveau “Hortense Chapter 2”, en lieu et place de l’ancien salon de thé “La mercerie”…
“Je suis quelqu’un qui se lasse assez vite. Au bout de trois ans, on avait fait le tour. J’avais besoin de nouveaux enjeux. Un paquebot, c’est chouette mais difficile à manœuvrer. Je voulais quelque chose de plus maniable pour expérimenter de nouvelles choses…”, explique le jeune papa d’un petit garçon de quelques mois. Lequel est reparti d’une page blanche, en se débarrassant notamment de la plupart des bouteilles qui trônaient sur le bar de l’ancien “Hortense”.
Pour Matthieu Chaumont, ce changement correspond à une évolution dans le paysage du cocktail à Bruxelles, où d’autres bars, plus ou moins bons, ont ouvert entre-temps : le “LIB” tout récemment, “La pharmacie anglaise”, le “Green Lab” ou encore le “Jalousy Private Cocktail Club” de Jérémie Renier… “Bruxelles est une ville cosmopolite. Au début, on a beaucoup travaillé avec la clientèle anglo-saxonne, qui a une culture du cocktail. Se cacher avait donc du sens. Pour les Bruxellois, on offrait une expérience, il fallait faire l’effort de passer cette porte pour découvrir le cocktail. Aujourd’hui, l’intérêt pour le cocktail et son côté artisanal est grandissant. Tout ça a cheminé dans ma tête…”
De l’espace pour créer
Ce déménagement était ausi, et peut-être surtout, motivé par un besoin d’espace pour Chaumont et son chef barman Cédric Lansival, qui bossent main dans la main pour créer les nouveaux cocktails d’“Hortense”. “Travailler dans une cave n’aide pas à la créativité et à la motivation, se souvient Matthieu. Notre espace pour la production et la mise en place se réduisait à un placard ! Et avec de plus en plus de clients, cela devenait vraiment compliqué… On avait envie de retrouver la lumière et un espace dans lequel travailler correctement, pour faire nos infusions, nos bitters, nos sirops, pour mettre un déshydrateur…”
Un déshydrateur utilisé pour préparer les chips de légumes et de fruits qui s’associeront à tel ou tel verre mais pas seulement. Chaumont l’utilise aussi pour déshydrater du kaki et en faire ensuite une infusion dont le résultat est plus limpide, qui fera merveille dans son nouveau cocktail du même nom, avec du rhum blanc, du sherry et le bitter de Biercée.
Et c’est ça bien là que réside le vrai changement dans la philosophie de Matthieu Chaumont. Celui-ci continuera évidemment à mettre en avant quelques beaux alcools artisanaux, mais dans ses nouvelles créations, ceux-ci disparaissent depuis quelque temps déjà derrière les fruits, les légumes… Derrière le travail en amont du barman. Courte (six suggestions), la nouvelle carte propose par exemple une “Poire” (12 €, en photo ci-dessous). Imaginé sur l’idée de la poire au vin, ce cocktail allie gin, vin rouge et un sirop à base de berce des prés et de poire Conférences poêlées au beurre et déglacées au vin rouge. Avec un petit spray d’absinthe pour le nez, c’est juste fantastique.
La cuisine du barman
C’est qu’aujourd’hui, un bon barman ne peut pas se contenter de mixer des ingrédients dans son shaker ou son verre à mélange… Le travail débute désormais bien en amont, avec la fabrication d’alcools maison, de sirops… “J’ai toujours dit que le travail du barman et celui du cuisinier étaient comparables, commente Chaumont. Le fond est le même : c’est une recherche d’équilibre, d’ingrédients, de saveurs. C’est un moyen d’expression, de raconter une histoire, de mettre en avant des produits… Ce sont deux métiers inséparables, qui appartiennent à un seul même univers. Cela a donc du sens de se retrouver dans un endroit qui ressemble plus à un restaurant qu’à un bar… Car, comme un chef, on a besoin de cuire, bruler, de hottes, de frigos, d’un barbecue…”
Un intérêt pour la cuisine qui a même poussé Matthieu Chaumont à mettre au cœur de son nouveau projet l’idée de proposer à manger à ses clients. Courant novembre, “Hortense” ouvrira donc ses portes le midi et le soir pour manger un bout avec la complicité de Nicolas Decloedt, dont la rencontre a été déterminante (cf. ci-dessous)… Pour un dialogue à deux voix qui s’annonce passionnant!
Le soir, on proposera des petites assiettes à partager entre copains. »
Matthieu Chaumont
Parmi les références revendiquées par le patron du “Hortense”, le “Clown Bar” de Swen Chartier et le “Clemato” de Bertrand Grébaut à Paris. On peut aussi penser, toujours à Paris, à une adresse comme “Le Mary-Celeste”, bar à manger lancé par l’équipe de l’excellent bar à cocktails “Candelaria”.
Aux fourneaux: un amoureux des légumes
C’est le chef Nicolas Decloedt qui s’occupera de la carte du nouvel “Hortense x La Mercerie”, après un coup d’essai réussi au Sablon en juin dernier, où lui et Matthieu Chaumont avaient associé cocktails et tapas végétaux sophistiqués. Un chef dont la cuisine végétale, gastronomique et gourmande s’est révélée lors de ses tables d’hôtes “Humus Botanical”, qu’il organisait chez lui à Jette, et aujourd’hui devenues nomades.
Formé dans de belles maisons (“In de wulf”, “Mugaritz”, “Bon Bon”), le chef flamand de 39 ans créera pour “Hortense” un lunch 3 services très abordable (25€ environ), toujours axé sur le végétal mais en mode simplifié, tout en promettant de rester créatif et excitant. Matthieu Chaumont, lui, composera une carte de mocktails pour accompagner ce menu. Plus qu’un cocktail pairing, le travail se fera en symbiose autour de l’idée, par exemple, du non-gaspillage alimentaire. Lorsque le chef travaillera les petits pois, le barman pourra ainsi en récupérer les cosses pour confectionner un vermouth… Tout simplement génial!
Une autre ambiance le soir
Le soir, c’est Chaumont et son chef barman qui “parleront un peu plus fort”… Avec une carte de cocktails qui changera plus fréquemment qu’avant (plus d’une fois par mois) et des assiettes de copains à partager conçues par Decloedt : légumes oubliés, moules de bouchot… Les deux compères s’associeront aussi pour des soirées Hortense-Humus où Nicolas Decloedt installera sa table d’hôte gastronomique. Enfin, ils proposeront également un brunch le week-end.
Et pour ceux qui auraient plutôt envie d’un verre de vin avec leur repas, la toute jeune sommelière Laetitia Bogais, qui a notamment fait ses armes au “Comptoir des Galeries” et chez “Bouchéry”, qui composera une carte courte, essentiellement nature. Vivement la mi-novembre qu’on découvre tout cela !
Envie d’y goûter?
=> 2 rue de Vergnies 1050 Bruxelles.
Cocktail bar: du mercredi au dimanche de 18h à minuit.
Humus x Hortense : à partir de fin novembre, du mercredi au dimanche de 12h à 15h.
Rens. : 0479.54.44.87 ou Facebook.com/HHortense.