« Je suis l’étoile montante de la semaine ! », lance François Piscitello à son personnel en plaisantant. La cinquantaine, le chef vient en effet de décrocher son premier macaron au Michelin 2013. A Liège, c’est néanmoins loin d’être un inconnu. Niché au pied des remparts, précédé d’une belle terrasse, son resto attire en effet une clientèle de connaisseurs.
Si extérieurement, cette véranda n’est pas des plus élégantes, lorsqu’on franchit le seuil, l’impression est tout autre. Une grande structure en acajou habille l’espace, qui se la joue Sixties avec ses fauteuils coques pivotants en cuir et une ambiance feutrée, accentuée par une agréable playlist jazzy.
Tout en admirant la concentration du chef qui opère dans sa cuisine ouverte, on opte pour le menu dégustation (5 serv., 75€) avec une très intelligente formule de vins au verre proposée en 7,5 cl ou en 12,5 cl.
Dès les mises en bouche, on est au parfum. La mousse de fenouil et son espuma de palourdes sont très savoureuses. Le petit potage au potimarron est bien fait et le petit morceau de foie gras de la Ferme de la Tour cuit à basse temperature est bien assaisonné avec son abricot confit et sa bonne réduction de marsala. On n’a qu’une hâte: passer à la suite!
Ce sera des St-Jacques de Dieppe en carpaccio, sur un tartare glacé d’huîtres Perle blanche, concombre cru au sel et aneth (23€). Les saveurs iodées sont affirmées et l’assaisonnement parfait. Evident et efficace! Pour accompagner cette première entrée, on part sur un vin qu’on connaît bien pour l’avoir bu en Campanie, un toujours excellent Lacryma Christi del Vesuvio IGT 2011, d’une très bonne maison: Feudi di San Gregorio. L’accord est tout simplement parfait.
On poursuit la dégustation avec le bar de ligne grillé aux épices, purée de rattes, pesto de persil plat et encre de seiche (35€). La cuisson du poisson est impeccable, les épices bien dosées et la purée délicieuse, tandis que des zestes d’orange déshydratés puis confits apportent un vrai peps. Un plat parfait, qui bénéficie une fois encore d’un accord de choix avec ce Librandi Efeso 2009, un blanc 100% Mantonico, cépage calabrais autochtone, étonnement léger pour le sud de l’Italie (12°) mais avec une vraie complexité aromatique. Une découverte!
S’il est très bon, avec un speck et une truffe de qualité, le risotto pèche par une crème de topinambour trop discrète (23€) et un parmesan trop présent. Un plat du Nord de l’Italie qui est logiquement accompané d’un rouge du Piémont, un excellent Nebbiolo delle Langhe 2008 Pio Cesare, un vin puissant fait à Barolo mais qui n’en possède pas l’appellation. Moins marqué en bois (l’élevage en foudres est plus court), il rivalise pourtant cependant sans problème avec un barolo!
Avec le filet de chevreuil des Ardennes (35€) juste snacké à la plancha, on est de nouveau aux anges. Le gibier est exceptionnel et ses accompagnements délicats (poire confite aux épices, céleri-rave, mousse de betterave). Dommage que la tapenade d’olives noires et amandes soit hors sujet.
Côté vin, avec la viande, on part intelligemment en Toscane non pas pour retomber sur un chianti classico ou un Brunello di Montalcino mais pour découvrir une appellation toscane historique remontant aux Médicis, un Carmignano riserva DOCG 2009 de la maison Piaggia. Ce nectar est produit dans le village du même nom dans la province de Parto plus ou moins comme il y a 300 ans, avec 70% de sangiovese et 20% de cabernet sauvignon, auxquels on rajoute une note de merlot (10%). Le résultat est un vin très équilibré dont les notes épicées fonctionnent à merveille avec le gibier.
En dessert, on comprend que le tiramisu revisité soit à la carte du chef depuis 20 ans. Il tient en effet toutes ses promesses avec sa gelée au café, sa meringue à l’italienne et sa crème anglaise au mascarpone.
On s’était promis de ne pas craquer pour le vin de dessert mais vu le niveau de la sélection, on change d’avis. On fait bien! Le sommelier sort de son chapeau un étonnant vin liquoreux, pas trop sucré. Il s’agit d’un Merlino 0995 Vigneti delle Dolomiti, un vin rouge (cépage autochtone lagrein) fortifié à la grappa, sur le principe du vin muté (banyuls, rivesaltes, porto, maury, Pinault des Charentes, les muscats…). Une petite merveille imaginée (un peu par hasard) par « Pojer e Sandriun » à Faedo dans la province de Trente, qui regroupe un vignoble spécialisé dans les vins nature et une distillerie. Pour l’anecdote, le « 09 » correspond à l’année du vin et le « 95 » à celle de la grappa.
D’origine sicilienne, François Piscitello pratique une cuisine moderne sans fioritures, basée sur le produit, qui transcende ses origines. C’est finalement l’imparable sélection de vins opérée par son beau-fils Alexandre Bémelmans – passé par bonheur du tourisme à l’Horeca – qui rappelle surtout les racines du chef. Avec elle, on voyage à travers toute l’Italie, à la rencontre de vins étonnants. Des voyages comme ceux-là, on en redemande!
Cette critique a été publiée dans le « Trends-Tendances » du 13 décembre 2012.
Envie d’y goûter?
- Cote: 8,5/10.
- Cuisine: franco-
italienne
.
- Cave: italienne.
- Cadre: vintage.
- Terrasse: oui.
- Parking: non.
- Adresse: 70 bd de la Sauvenière 4000 Liège.
- Rens.: 04.222.92.34 ou www.lejardindesbegards.be.
- Ouverture: fermé samedi midi, dimanche et lundi.
La fille: « Un défaut quand même dans ce concert de louanges: le manque de flexibilité de la carte, qui oblige, le week-end, à choisir minimum 4 services – à l’italienne – et la facturation de 5 € pour tout changement. Ça c’est un peu dommage…«
Le garçon: « L’étoile du Michelin est amplement méritée! On apprécie tout particulièrement ce genre de cuisine tout en simplicité très bien mise en valeur par un sommelier qui honore sa profession par un vrai travail de recherches. »