Située au bord d’une grand-route, c’est une maison sans charme réel qui abrite le nouveau trois étoiles belge. Très lumineuse, la salle entièrement vitrée du “Hertog Jan” est pourtant très agréable, donnant sur la cuisine installée dans une véranda. Les tables simples recouvertes de nappes et de céramiques blanches siglées “HJ” confirment l’impression de minimalisme zen. Tout comme le verre d’eau filtrée par des pierres orientales offert à l’arrivée.
En salle, Joachim Boudens officie en parfait gentleman. Tandis qu’on peut observer, en cuisine, un ballet réglé avec précision par Gert De Mangeleer. Lequel peaufine savamment chaque détail de ses assiettes, conçues comme des toiles culinaires, se reculant pour s’assurer que l’effet visuel recherché est atteint. Le samedi, pas de carte, mais uniquement le menu du chef : 5 serv. à 115 € (175 € avec les vins) ou 6 serv. 130 € (202 €). Et la dégustation débute par un impressionnant florilège de mises en bouche hypertravaillées.
A l’apéritif, les meringues au foie d’oie et réglisse et les chips soufflées, à tremper dans une crème de curry, augurent le meilleur.
Mais quand arrivent cette chapelure d’olives noires, citron, câpres et ces radis rouges sur un lit de riz soufflé à la crème de soja – deux propositions à l’acidité parfaitement balancée –, on comprend sans peine l’enthousiasme des enquêteurs du Michelin !
Jouant à nouveau sur l’acidité – une saveur qui a décidément marqué l’année 2011 –, la tête pressée aux herbes fraîches et ses petits légumes en pickles est une proposition bistrotière réjouissante dans un resto d’un tel niveau.
Seule petite réserve avant de passer aux choses sérieuses, la purée de pomme de terre, café, vanille et mimolette râpée, se fait trop doucereuse… Il s’agit pourtant de l’une des spécialités de la maison.
La déception est toujours au rendez-vous de la première entrée, servie avec un excellent Coteaux du Vendômois vieilles vignes 2010 de Patrice Colin. Soit des raisins Leopold III (produits à Overijse) servis crus, surmontés d’une chiffonnade de truffe d’automne et de Vieux Bruges râpé. L’accord raisin-truffe se révèle sans réel intérêt, tout comme la “poussière” de tomate séchée en déco.
La seconde proposition se veut tout aussi originale, mais nettement plus maîtrisée : trois tubes de courge renfermant de la langoustine et surmontés d’une poudre de graines d’acacia toastées, déposés sur un jus de langoustines réveillé par un gel au fruit de la passion. Une proposition pleine de surprises qui s’offre un excellent arneïs du Piémont 2009 de chez Vittorio Bera & Figli.
On voyage jusqu’en Hongrie pour suivre, avec un Kerkaborum 2009, blanc à base d’hárslevelü, cépage local de la région du Tokaj. Sec, il accompagne à merveille ces magnifiques Saint-Jacques crues au caviar, radis noir, pommes de terre fondantes et topinambour. Le tout égayé d’huile au curry et d’un gel aux agrumes.
Au moment de la première viande, Joachim Boudens surprend en sortant de son chapeau une trappiste Achel du Limbourg. Le mariage de la bière est parfait avec un formidable toast aux cèpes et pied de porc fondant, voilé d’une tranche de céleri-rave cru en aigre-doux et de grains de poivre vert frais. Un accord rustique parfait !
Pour accompagner le jeune chevreuil juteux, noisettes croquantes et navet laqué, le pinotage Sumaridge 2008 sud-africain est impec. Epicé mais fruité, ce rouge soutient sans problème le jus corsé au café.
A l’image de la cuisine de De Mangeleer, les desserts se font résolument modernes, un peu trop, peut-être, au risque de perdre un peu en gourmandise. Comme dans ce très graphique trio cannelloni à la crème de riz-sorbet au yaourt-riz soufflé.
La seconde douceur cache, elle, carrément ses ingrédients (ananas, épices et chocolat blanc) derrière sa technique. Un peu agaçant, mais très bon néanmoins.
Deux desserts qui confirment en tout cas la perfection technique déjà atteinte par le jeune chef brugeois ! Dommage que cette technique soit, dans certains plats, un peu trop visible. Car lorsque De Mangeleer joue la carte de la simplicité vraie, il se révèle un vrai magicien du goût.
Envie d’y goûter?
- Note: 8,5/10.
- Adresse: Torhoutsesteenweg, 479, 8200 Sint-Michiels.
- Ouverture : du mardi au samedi. Fermé jusqu’au 11 janvier.
- Rens. : 050.67.34.46 ou www.hertog-jan.com.
- Prix : 150-200 €.
La fille: « En me relisant, je me rends compte qu’on a été assez dur avec la cuisine de Gert De Mangeleer… Attention, une visite au « Hetog Jan » est évidemment un moment unique de plaisir intense. Mais à un tel niveau, on se doit d’être exigeant. Qui aime bien châtie bien… »
Le garçon: « C’est en partie dû aussi au fait que la cuisine de De Mangeleer, à l’image de la jeune gastronomie flamande, est vraiment très technique, manquant parfois de gourmandise…. Une vision de la cuisine qui n’est pas celle qui nous intéresse le plus en ce moment. »
C’est très beau! Un régal pour les yeux….
A vous lire, je trouve que la critique gastronomique est véritablement un art qui demande de très grandes connaissances. A la limite un véritable exercice scientifique!