Tables gastronomiques, bistrots, pizzerias, producteurs… La crise du coronavirus a impacté toute la chaîne de l’Horeca. Après deux ou trois semaines très difficiles suite à l’annonce de la fermeture des bars, cafés et restaurants le 14 mars dernier, beaucoup se sont mis en mode traiteur et autres plats à emporter. Mais tous appréhendent la réouverture, qui devrait se faire progressivement en ce début du mois de juin. Petit tour d’horizon en cinq épisodes.

Troisième étape du côté de La Grappe d’or à Torgny, où Monia Aouini et Clément Petitjean ont tiré bien des leçons de cette crise et s’apprêtent à changer de vie… 

Une directrice de salle ravie du temps retrouvé

Nichée dans le magnifique village de Torgny, au fin fond de la Gaume, La Grappe d’or est une belle table étoilée, bénéficiant de la cuisine raffinée de Clément Petitjean, qui magnifique les produits de sa région, et du professionnalisme en salle et dans la gestion de l’hôtel de sa compagne Monia Aouini, récompensée au GaultMillau 2014 pour son accueil.

« Tout a été très vite, car l’annonce a été faite vers 23h. J’étais en plein service au Victor (le bistrot ouvert par le couple à Arlon, NdlR) et je n’y ai pas réellement prêté attention. Le lendemain, on n’a pas eu le temps de digérer ou comprendre. Il a fallu agir très vite, s’organiser vis-à-vis des équipes, mais aussi des clients, qui avaient déjà réservé. On avait un gros week-end complet », se souvient la jeune femme originaire des Antilles et d’Afrique du Nord, qui a rencontré son chef de mari à Paris, avant de le suivre à Torgny. Certains clients ont d’ailleurs honoré leur réservation à l’hôtel en ce premier week-end de confinement, mais ont dû aller manger de l’autre côté de la frontière française, où les restaurants étaient toujours ouverts…

Du positif dans la crise

Comme beaucoup, Monia Aouini n’a pas immédiatement pris compte de la gravité de la situation, pensant que la fermeture ne durerait que trois semaines. Mais ce break impromptu s’est révélé très positif. « Pour être honnête, après de longes années la tête dans le guidon, on a presque réappris à vivre, à prendre le temps de manger sans regarder sa montre, à faire une nuit de six-sept heures… C’est agréable de pouvoir enfin profiter de la famille, des proches… », avoue-t-elle.

Travaillant beaucoup avec les écoles hôtelières, elle comprend d’ailleurs de mieux en mieux les aspirations de la nouvelle génération, qui refuse de se tuer à la tâche. « Parmi nos confrères, nos amis, beaucoup ont réalisé que c’était juste complètement dingue la vie que nous menions. Je n’ai jamais compté mes heures mais, depuis quelques années, je me dis qu’on a à apprendre de ces jeunes, qui veulent moins travailler. Il devrait être possible de vivre des métiers qu’on aime sans devoir mettre sa vie privée de côté. Je discute beaucoup avec les profs, qui me disent que 80% des jeunes sortant des écoles hôtelières qui bifurquent vers autre chose… Ce n’est pas normal. »

Repenser La Grappe d’or

Ce temps libre contraint, le couple la mis à profit pour réfléchir à son avenir professionnel. Après avoir songé, la première semaine, à lancer des plats à emporter ou un food truck, il a finalement choisi de renoncer, pour ne pas prendre le risque de propager le virus, mais aussi pour ne pas faire concurrence aux traiteurs de la région de Virton. La crise est finalement venue précipiter un projet que que Monia et Clément nourrissaient pour leurs vieux jours: fermer leur restaurant gastronomique de Torgny pour se tourner vers une formule de table et chambres d’hôtes…

Avant de déménager dans la région arlonaise, le couple testera cette nouvelle formule au moment de la réouverture de La Grappe d’or. Le chef sera seul en cuisines et son épouse seule en salle. « On a de la place. On a pris la décision de faire moins de tables pour que les gens n’aient pas peur. On veut proposer quelque chose de plus intimiste. Avec une équipe très restreinte, l’idée est d’être plus présent pour les clients. J’aime parler, discuter, échanger; c’est la base du métier. (…) Beaucoup de collègues parlent de vitres de plexi, de distance entre les tables… Moi non. J’aime être proche du client, présente, que que les gens se parlent d’une table à l’autre. Avec 10-12 couverts, on essayera de garder ce côté chaleureux, ce plaisir de prendre le temps… », rêve déjà la jeune femme...