Superbement niché au milieu des vignes, à la frontière slovène, à 35 minutes en voiture d’Udine, L’Argine a Vencò est l’antre de la Triestine de 39 ans Antonia Klugmann. Après avoir étudié pendant trois ans la jurisprudence, la jeune femme s’est lancée à corps perdu dans sa passion, la cuisine. Grand bien lui en a pris! Après des expériences ci et là, elle reprend les rênes du Venissa à Mazzorbo (Venise) pendant deux ans, et réussi à maintenir l’étoile de Paola Budel. Fin 2014, elle décide de rentrer dans sa région natale et de racheter avec son compagnon Romano De Feo un moulin du XVIe siècle près de Gorizia. Dès l’année suivante, elle décroche une étoile Michelin.

Photo Francesco Orini

Antonia magnifie les produits locaux avec une grande sensibilité, une grande maturité aussi. Car on n’est pas ici dans une cuisine de démonstration, au contraire, on est dans l’émotion pure, qui s’exprime en trois menus 5, 6 ou 10 serv. (70-80-110€). Auxquels on ne manquera pas d’adjoindre l’irréprochable sélection de vins (mais aussi de bière et de cidre) concoctée par Romano, qui voyage avec un réel bonheur des deux côtés de la frontière. Produit à 10 km de là, côté slovène, le Biana Brut rosé, assemblage de pinot noir et de ribolla gialla, est ainsi une excellente méthode traditionnelle. Et une parfaite façon de débuter la soirée au jardin!

Photo Francesco Orini

Invitation au voyage

Le grand menu « Territorio: Vita in Movimento » propose, lui aussi, un formidable voyage à travers le terroir frioulien. Et dès la première mise en bouche — en septembre dernier, c’était par exemple une choucroute au beurre à la truffe d’été —, on est sous le charme de la cuisine d’Antonia Klugmann.

L’enchantement continue avec des petits calamars fondants avec de l’ail aromatisé à l’amande et du concombre saumuré juste tiédi.

Une cuisine lisible et contemporaine

La cuisine d’Antonia est lisible, ses assiettes contiennent peu d’ingrédients. Dans son ADN, coule la cuisine traditionnelle, celle de ses grands-parents. Mais le résultat est pensé, maîtrisé, contemporain. Elle accorde ainsi une large place au végétal. Avec son millefeuille de courgettes frites servi avec du tapioca à l’huile, ail et piment, elle invite à la relecture de deux classiques italiens, dont la pasta aglio e olio

Tandis qu’on est littéralement scotchés par la créativité de cette polenta à base de graines: amarante, tournesol, carotte sauvage… Richesse du beurre, amertume, notes terreuses et herbacées, tout y est!

Prise de risques

Antonia n’hésite pas à prendre des risques en jouant sur l’amertume, avec ce risotto au beurre de pamplemousse, crème de poivrons et poudre de paprika. C’est audacieux, tendu mais l’équilibre est toujours là. Tandis qu’on boit avec cela une bière slovène, une Nova Gorizia de chez Reservoir Dogs. Une Saison non filtrée.

Toujours pour jouer sur des notes amères, la cheffe prépare, avec un fromage bleu local, un erborinato di capra, la farce d’un ravioli et le sert sur une crème de laitue avec des salades séchées et rôties. Un plat qui s’accorde à merveille avec le Damijan Prelit 2014 Colli rosso.

Influences mittel-européennes

Pour concocter ses merveilles, Antonia pioche allègrement dans son jardin ou dans les champs alentours. Elle a également digéré toutes les influences mittel-européennes de son riche territoire. Elle associe ainsi souvent, à la mode austro-hongroise, viande ou poisson avec des fruits. En septembre dernier, elle déposait une langoustine crue dans une eau de tomate bisquée, avec de la pêche et de l’abricot confits et des feuilles de géranium.

« Je me suis rendue compte que la pêche avait tout: l’acide, le piquant, l’amer, le sucré… Si tu réussis à la valoriser sous toutes ses formes c’est incroyable. L’amande pour l’amertume, la pulpe pour faire des bouillons, la peau pour en faire une poudre… Je reconnais la complexité de l’ingrédient qui est parfait avant même notre intervention de chef. « 

Antonia Klugmann, une cheffe qui réflechit à chaque ingrédient qu’elle utilise dans une démarche zéro déchet mais aussi gustative.

Personnalité attachante de la jeune garde transalpine, Antonia Klugmann offre à L’Argine A Vencò une cuisine d’auteure ciselée à ne manquer sous aucun prétexte!

 

Trois questions à Antonia Klugmann

Vous avez étudié la jurisprudence. Comment avez-vous appris à cuisiner?

J’ai toujours très bien mangé pendant mon enfance, des pâtes fraîches, du poisson cru. Quand j’ai été à l’université, je cuisinais à la maison. Mes cours de cuisine, ça a longtemps été via la télévision. Et puis j’ai découvert Ferran Adrià et j’ai compris que la cuisine pouvait être différente. Ensuite,j’ai enchaîné les expériences dans des restaurants de Trieste et du Frioul.

Quel est votre plat signature?

Ce sont les bouillons à base de fruits, que je réalise par une extraction à chaud. Cela a beaucoup de goût, comme un bouillon obtenu avec des os, mais c’est entièrement végétal. On réalise par exemple de la fregola sarde maison, que l’on sert avec une marmelade amère à base de citrons et avec un bouillon de citron phosphorescent.

Quelle est l’influence de votre territoire sur votre cuisine?

Ma cuisine est très marquée par mon territoire. Il y a d’abord Trieste et les influences austro-hongroises, comme cette habitude assez unique en Italie d’associer la viande avec des fruits. Beaucoup d’épices aussi, comme l’anis, le cumin, le curcuma, le paprika… Il y a ce livre, « La cuisine triestine » de Mara Stelvio, publié dans les années 20, qui m’a beaucoup influencé. Elle y proposait peu de viande et beaucoup de légumes, et contrairement au reste de l’Italie, elle ne les surcuisait pas… Elle était déjà super moderne. Trieste, c’est aussi un port ouvert avec des communautés mélangées depuis 6 siècles: Turcs, Serbes, Croates, Allemands… Et ces communautés ont été assimilées. Pour nous, ce ne sont pas des cuisines exotiques. Trieste est le symbole d’une intégration réussie. Et puis il y a aussi la Slovénie à moins d’un kilomètre. Toutes ces influences se retrouvent dans ma cuisine.

Envie d'y goûter?
  • Cote: 8,5/10.
  • Cuisine: italienne.
  • Cadre: champêtre.
  • Cave: superbe sélection.
  • Terrasse: oui.
  • Parking: oui.
  • Adresse: Località Vencò, 34070 Dolegna del Collio.
  • Rens.: www.largineavenco.it ou +39.350.521.28.04.
  • Ouverture: fermé mardi, mercredi midi et lundi midi.
L'avis de La fille & du Garçon

restaurant bruxelles,nouveau restaurant bruxelles,restaurant japonais bruxelles,cuisine franco-japonaise,seino,minoru seino La fille: « Dès que j’ai rencontré Antonia et que j’ai eu l’occasion d’échanger avec elle sur la cuisine de sa région, cela m’a tout de suite intriguée. J’ai voulu découvrir son restaurant car c’était une cuisine italienne dont je n’avais jamais entendu parler, avec des influences autrichiennes, slovènes… Je n’ai pas du tout été déçue et j’y retournerais très volontiers! »

restaurant bruxelles,nouveau restaurant bruxelles,restaurant japonais bruxelles,cuisine franco-japonaise,seino,minoru seino Le garçon: « J’ai adoré la sélection de vins, avec de vraies découvertes des deux côtés de la frontière. On fait en effet également de très bons vins en Slovénie, notamment pas mal de nature. »