Le chef étoilé David Martin a magnifiquement fait évoluer sa belle brasserie anderlechtoise en un antre de raffinement. Moins de viande, plus de légumes! Notamment grâce au potager bruxellois avec lequel il travaille.
Une déco modernisée
Depuis 2013, David Martin a pris un nouveau cap en présentant sur RTL-TVI une capsule culinaire intitulée « Martin Bonheur ». Ce qu’il a gagné en popularité, le chef étoilé ne l’a pas perdu en qualité en cuisines. Il faut dire que son restaurant « La Paix » est fermé le week-end et le soir (sauf le vendredi). De quoi laisser du temps à cet hyper-actif pour se consacrer à ses autres projets. Alors que la « Bozar Brasserie » est désormais sur une voie royale vers sa première étoile grâce au talent de Karen Torosyan, roi de la cuisine bourgeoise et classique à Bruxelles, Martin peut désormais se concentrer sur une cuisine beaucoup plus raffinée.
Il y a encore 3 ou 4 ans, « La Paix » était surtout connue pour ses viandes, maturées sur place. « J’en avais marre que les clients couvrent une viande comme ça de béarnaise… », se désole le chef originaire du Sud-Ouest. Nourri par ses nombreux voyages, notamment au Japon, Martin a transformé l’institution d’Anderlecht, ouverte juste en face des abattoirs en 1890, en une belle table gastronomique. De 80 couverts, on est passé à une trentaine, tandis que la déco a été modernisée, avec par exemple, au plafond, une superbe installation d’origamis signée par le designer Charles Kaisin.
Des produits sourcés avec soin
Si la carte propose encore une belle pièce de Simmental de Bavière grillée au feu de bois (70€ pp), les menus surprise 3-5-8 serv. (60-70-110€) permettent au chef de laisser libre cours à sa créativité. Chaque plat est un régal pour les yeux mais surtout pour les papilles, le chef misant toujours sur la gourmandise pour magnifier des produits d’exception. Que ce soit les magnifiques légumes d’Anne Bortels et José Veys des Jardins de Pomone (installés au sein de la Ferme Nos Pilifs à Neder-Over-Heembeek).
Ou ces majestueux King Crabs norvégiens bien vivants dans le grand vivier qui trône à l’entrée de la cuisine. Une exclusivité pour le Benelux et même la France… Le chef propose ces géants nordiques en salade avec de l’avocat cru et une mousse de sésame noir ou dans une puissante bisque au café.
Le jardin dans l’assiette
La maîtrise technique de Martin, sur les cuissons et les assaisonnements, permet à sa cuisine d’atteindre des moments de grâce et de simplicité avec par exemple ce jeune poireau, oeufs mimosa et crevettes grises.
Ou de mini-carottes simplement tiédies au beurre, servies avec un jus de fanes. Le jardin dans l’assiette!
Et que dire de cette soupe betterave et cerises, fromage frais belge battu et anguille fumée.
Ou de cette sardine crue marinée au vinaigre de chardonnay, joliment présentée avec des petits pois frais, une feuille de bégonia pointu (qui remplace le citron pour la note d’acidité) et un jus à la Granny-Smith, au gingembre et à la coriandre. Une entrée magnifique qui joue sur le cru et la fraîcheur, rehaussée d’un gel de yuzu.
Le meilleur japonais de Bruxelles
Les saveurs nippones sont en effet bien présentes dans la cuisine de David Martin. Face à ce parfait chawanmushi (flan) au corail de tête de King Crab, bouillon dashi aux algues, on en vient même à se demander si « La Paix » n’est tout simplement pas le meilleur restaurant japonais de Bruxelles!
L’impression se confirme avec ce filet d’hamashi de Miyazaki fumé, un poisson magnifique, proposé avec un sushi de blanc de seiche subliment laiteux et une salade de ramonache au soja.
On admire aussi le travail et la réflexion autour de ce blanc de seiche de Biarritz, cuit au four à bois et servi avec une tartelette d’aubergines et du daikon aux algues, un hommage du chef aux saveurs de Kyoto.
Gourmandise à la française
Les propositions à la française se révèlent moins surprenantes. Ainsi cette asperge verte sur une crème de pomme et terre et maïs frais avec une tranche de jambon pata negra, et jus de rôti. L’idée des écailles d’un excellent fromage suisse affiné 36 mois au poivre est bonne mais cette entrée se révèle au final trop salée et un peu lourde par rapport à la finesse de ce qui précède.
Le rôti de chevreau au four à bois est par contre un régal de gourmandise, simplement présenté avec des légumes du jardin (carottes, radis, oignon), un oignon farci au pesto d’ail des ours et pomme de terre au cresson de Bruxelles.
En contrepoint, l’épaule de chevreau est proposée fondante en parmentier, avec une émulsion de pomme de terre fumée au foin. Un peu convenu mais toujours excellent.
Bientôt deux étoiles?
Avant de quitter ce havre de paix, reste à succomber aux desserts de chef très travaillés. La tarte « mille pommes » est délicieusement délicate, dommage que la glace vanille-romarin soit un peu trop puissante.
Par contre, l’association de la brioche au sucre, de la compote de rhubarbe et du sorbet aux fraises fait des merveilles pour clore un grand repas dans l’un des meilleurs restaurants de la capitale qui pourrait sans rougir lorgner vers une seconde étoile.
Envie d’y goûter?
- Cote: 8,5/10.
- Cuisine: contemporaine.
- Cadre: brasserie moderne.
- Cave: grande cave.
- Terrasse: non.
- Parking: non.
- Adresse: 49 rue Ropsy Chaudron, 1070 Bruxelles.
- Rens.: 02.523.09.58 ou www.lapaix1892.com.
- Ouverture: du lundi au vendredi midi et le vendredi soir. Fermé samedi et dimanche.
Cet article est paru dans le Trends-Tendances du 23 juin 2016
La fille: « Quel plaisir de redécouvrir la cuisine de David Martin, qui a sacrément évolué depuis quelques années grâce notamment à ses voyages au Japon. Avant, il y avait de belles viandes, des cuissons précises mais les garnitures étaient un peu prétexte. Aujourd’hui, les assiettes sont plus sophistiquées tout en restant gourmandes et lisibles.«
Le garçon: « Originaire du Sud-Ouest, David Martin est une forte tête. Il n’a pas sa langue en poche et ne joue pas les faux modestes. Il a raison. C’est vraiment un chef très intéressant. J’apprécie tout spécialement son travail avec Anne Bortels et José Veys pour se fournir en légumes de saison et locaux… »