Manger à l' »Oud Sluis » est une aventure quasi indicible. Tranquillement accrochée au Beestenmarkt, avec un moulin en arrière-plan, l’antique chaumière rassure au premier regard. Un simple logo très design, « OSH », annonce cependant la couleur…
Une fois passé le sas d’entrée, on quitte totalement la Zélande pour pénétrer dans un univers hyper-moderne. Murs noir et blanc, baie vitrée donnant sur la cuisine où s’active une impressionnante brigade, musique lounge, ambiance décontractée, personnel jeune et stylé mais ultra-compétent… Tout invite à la détente afin de profiter pleinement de l’expérience que propose de faire vivre Sergio Herman à ses clients fortunés. Expérience est le terme tant un repas à l' »Oud Sluis » bouscule tous les repères.
Quelle que soit la formule choisie (menus ou à la carte), tout débute par sept mises en bouche, où le chef hollandais joue avec les textures, souvent recomposées à l’aide de sa panoplie de petit chimiste, qu’il maîtrise à la perfection, lui permettant de créer à l’envi gelées diverses, airs, billes, chips, tuiles, meringues, etc. Dès cette petite feuille de chicon minutieusement garnie d’une crème de boudin noir et d’une gelée de pomme, on est au parfum. Le chef travaille par accumulation de saveurs, dans des cocktails alambiqués. Pourtant, en bouche, c’est une explosion de goûts, qui se bousculent avant de se répondre les uns les autres et finalement trouver une belle harmonie. Visuellement magnifique, ce mille-feuille improbable de textures de basilic, parmesan, fenouil, olive et anchois est ainsi une vraie bombe!
Le feu d’artifices se poursuit comme cela pendant trois heures, dans une fusion réussie aux parfums japonais et indonésiens, tandis que chaque assiette cherche à réunir acidité, amertume, sucré, salé et umami. S’il reste sur une ligne moléculaire totalement assumée, le chef a l’intelligence de glisser ça ou là une touche de classicisme rassurante. Comme cette excellente bisque de tourteau en accompagnement de cette indescriptible composition sur le crabe, la pomme, le gingembre et la bergamote.
S’il utilise des ingrédients de première qualité et de saison (tout en se jouant des saisons dans cette incroyable salade végétarienne printemps-été-automne-hiver), ceux-ci ne tiennent souvent pas le premier rôle. Car Sergio Herman pratique une cuisine d’extra-terrestre, surdouée, démesurée. Avec les risques que cela comporte si l’on n’est pas prêt à pénétrer cet univers très particulier. Impressionnante, intéressante, intellectuelle, sa cuisine peut également sembler froide par moments, manquer de gourmandise.
Au bout de quelques plats où s’entrechoquent systématiquement une dizaine d’ingrédients et souvent deux assaisonnements différents, les papilles commencent en effet à saturer. Et l’on en vient à regretter que, jamais, ne fût-ce que par contraste, il ne propose une pause avant de réembarquer dans son grand huit des saveurs, le temps d’une proposition plus classique qui vienne remettre les compteurs à zéro. Pas même au moment de la viande, du poussin mariné 24 heures au miso, au gingembre et au curry, proposé à peine cuit, à basse température, avec deux faux oeufs au plat entièrement construits en airs et autres gelées.
Bref, dîner chez Sergio est une expérience unique, brillantissime, qu’il s’agira d’appréhender sans a priori. Il faudra accepter de perdre tous les repères de la cuisine classique pour se laisser porter par le voyage.
Envie d’y goûter?
- Cote: 9/10.
- Cuisine: contemporaine.
- Cadre: lounge.
- Cave: carte mondiale.
- Terrasse: oui.
- Parking: oui.
- Adresse: Beestenmarkt 2, 4524 EA Sluis.
- Rens.: +31.117.46.12.69 ou www.sergioherman.com.
- Ouverture: fermé lundi, mardi et samedi midi.
- Prix: 200-300€.
La fille: « Les plats étaient magnifiques, légers, frais… Les techniques culinaires moléculaires et autres sont ici utilisées aux mieux pour servir une cuisine d’une créativité époustouflante. J’ai particlulièrement aimé le jeu sur les divers agrumes (yuzu, kalamansi, bergamote, combava..) qui apportaient une belle acidité sur de nombreux plats. Le service était classe, soigné mais pas guindé et la jeune oenologue très au fait de son art. Elle nous a proposé un champagne Doyard Clos de l’Abbaye 2008, une belle découverte distribué depuis deux mois seulement au Bénélux. Chardonnay et pinot noir cultivés de manière raisonnée sur un hectare et demi seulement à l’aide d’un cheval. Un champagne avec beaucoup d’ampleur. Dommage qu’à la carte, il soit si cher (180€). »
Le garçon: « Si je reste impressionné par la maîtrise des techniques les plus modernes, il me manque quand même un peu de gourmandise. Je ne suis pas édenté, je peux mordre sans problème dans un morceau de viande. Je peux aussi apprécier une vraie sauce. Bref, c’est un peu trop moderniste et moléculaire pour moi… D’autant que 25€ pour de l’eau ou un verre de vin, c’est franchement du vol!«
C pas parce que ton servo n.a pas les capacités que c pas bien , va chez Mac d’eau y a du suc pour ta bouche , boulet !
Quel commentaire constructif. Ça valait bien le coup de le poster deux fois.
Anthony Delhasse? Le chef? Cela aurait du sens… Mais en écrivant comme un garçon de 15 ans… Bref, j’ai aimé cette expérience sensorielle chez Sergio mais je dois avouer, et pour le garçon sans doute encore un peu plus, cette cuisine-là, ce n’est pas notre cuisine préférée. Et nous en avons eu la confirmation hier soir en allant chez Couvert Couvert à Heverlee qui propose une cuisine beaucoup plus « simple » qui est totalement en phase avec notre vision de la cuisine. Mais nous en reparlerons.
En ce qui concerne le chef Anthony Delhasse (mais évidemment je ne suis pas sûre de lui parler…), je trouve qu’il a beaucoup beaucoup de talent. La preuve j’ai tenté de refaire son « foie gras comme un dessert » à ma sauce (http://lacuisineaquatremains.blogs.lalibre.be/archive/2009/10/07/foie-gras-maison-en-sandwich-sur-meringue-noisette-et-gelee.html) et j’ai réalisé un tartare de veau aux olives que j’avais mangé chez lui (http://lacuisineaquatremains.blogs.lalibre.be/archive/2010/07/13/tartare-de-veau-aux-olives-noires-at-capron.html). Mais il a tendance et c’est dommage, vu le talent qu’il a, à être trop dans l’esbrouffe.
Le tartare de veau, j’en ai fait aussi : quelques olives noires de qualité grossièrement hachées au couteau, présentées en verrine avec un tartare de veau assaisonné uniquement de sel et poivre et surmonté d’une émulsion huile d’olive-lime.
C’était franchement bon.
Revoici les liens, qui fonctionnent:
– Foie gras: http://lacuisineaquatremains.blogs.lalibre.be/archive/2009/10/07/foie-gras-maison-en-sandwich-sur-meringue-noisette-et-gelee.html
– Tartare de veau: http://lacuisineaquatremains.blogs.lalibre.be/archive/2010/07/13/tartare-de-veau-aux-olives-noires-at-capron.html
Il ne s’agit pas de talent, si vous plébiscitez sans cesses la gastronomie du chien qui cours après sa queue, sans accepter les risques d’une cuisine innovante, pour vous installer dans un confort synthétique, nous n’aurons jamais droit de jouir de nouvelles choses rafraîchissantes pour notre cerveau abreuvé de formatage .
Je pense que le formatage aujourd’hui, c’est justement n’ensenser qu’un seul type de cuisine, toujours la même. Comme dans ce fameux Top 50 des restos qui, depuis 10 ans, ne met en avant qu’une cuisine ultra-moderne. Ce qui est beau dans la gastronomie, c’est sa diversité. Et il faut aussi pouvoir accepter que l’on critique parfois la froideur, l’abstraction de cette cuisine. Pourquoi par exemple s’acharner, parfois jusqu’au ridicule, à reconstituer une texture naturelle. Je me souviens d’un grain de raisin reconstitué de façon moléculaire pour en restituer les différrentes textures. Résultat? C’est juste de la branlette intellectuelle. C’est moins bon qu’un raisin… Mais je pense qu’on ne sera jamais d’accord…
Bon appétit bien sûr 😉
Pour moi tout est une question de mesure. Toutes les cuisines ont leur place mais il faut trouver un juste équilibre. Il faut accepter l’audace d’un Ferran Adrià, il faut accepter que des gens veuillent casser les codes (comme du temps de la Nouvelle Cuisine) mais faut-il balayer totalement les enseignements du passé? J’éprouve le même plaisir à aller manger chez Sergio Herman que chez Michel Guérard.
Le problème c’est que peu de chefs finalement maîtrisent les techniques modernes et on nous sert à longueur de plat des gelées, des airs, meringues… mal réalisés et en quantité hallucinante en plus. Tout un repas comme ça, et même si il est bien réalisé, c’est lassant même si c’est innovant. Pourtant un de nos meilleurs repas, on l’a fait chez Pierre Gagnaire. Son utilisation des techniques modernes est selon moi parfaite. Elle est intégrée à sa cuisine sans être envahissante, laissant toujours d’abord parler le produit et jamais rien n’est inutile… Parfois on a juste l’impression que les chefs se cachent derrière toutes ces techniques alors qu’ils n’en ont pas vraiment besoin pour proposer une cuisine personnelle créative. Mais je comprends tout à fait le plaisir que l’on doit avoir en tant que chef de découvrir toutes ces nouvelles possibilités techniques… Peut-être qu’il faut juste ne pas en abuser…
Cette discussion était très intéressante!