Selon l’Alsacien Marc Haeberlin, chef trois étoiles de “L’auberge de l’Ill” à Illhaeusern, la meilleure saison de la choucroute s’étale de septembre (avec la choucroute “nouvelle”) à février et sa qualité se remarque à la blancheur du chou. En Alsace, on utilise traditionnellement le quintal alsacien pour fabriquer la choucroute. En France, si le Bas-Rhin est le premier producteur (le Haut-Rhin n’en produisant quasiment plus), le second est l’Aube, où la choucroute est préparée au cidre, voire au champagne, et s’accompagne d’andouillette.

Mais d’où vient cette tradition du chou saumuré – le chou étant salé et fermenté (cf. ci-dessous) ? Elle aurait été inventée par les Chinois et introduite par Attila le Hun, qui, lors de ses conquêtes, aurait pu oublier quelques tonneaux de ce chou fermenté pour être conservé… Légende ou non – on parle aussi d’une introduction plus tardive par Marco Polo –, toujours est-il que la tradition est bien établie depuis des siècles dans l’est de la France et en Allemagne – où sa première mention en cuisine, due au botaniste Jérôme Bock, remonte au XVIe siècle – mais aussi dans les pays de l’Est. Comme en Pologne, où l’on déguste le bigos, mélange de chou et de choucroute servi avec des viandes (parfois du gibier), de la charcuterie, des champignons et des tomates.

La palette de porc fumée est l’un des ingrédients traditionnels de la choucroute

La choucroute garnie

Mais la choucroute que l’on connaît surtout, c’est évidemment la choucroute garnie alsacienne. Classiquement cuite au riesling, elle s’accompagne de pommes de terre et de diverses viandes (côtelettes salées, collet, échine ou jambonneau de porc, quenelles de foie…) et charcuteries (palette de porc fumée, poitrine fumée, saucisses Knack, boudins, saucisse fumée…). Côté allemand, les pommes de terre sont même parfois remplacées par des pommes.

Il existe en effet autant de variantes de choucroutes que de cuisiniers et de gourmands. Ainsi, en 1921, Curnonsky, le Prince des gastronomes, exigeait que la choucroute comporte “les trois saucisses sacramentelles (Strasbourg, Francfort et Montbéliard), de la poitrine de mouton, de la culotte de bœuf, des cuisses d’oie et autres viandes salées”. Aujourd’hui, garnie ou royale, la choucroute est rarement aussi riche et plus concentrée sur la viande de porc. Ainsi, Haeberlin met dans sa choucroute, qu’il cuit à la graisse d’oie plutôt qu’au saindoux, du lard fumé, du lard salé, de la palette de porc fumée, un jarret de porc, des saucisses de Strasbourg et de Montbéliard.

La choucroute, un légume

Mais la choucroute ne se mange pas que “garnie”. Il s’agit en effet d’abord un légume, que l’on mange cru, en salade, ou cuit (au vin, à l’eau, à la bière…) dans des quiches, des soupes… Aux Etats-Unis, grâce à la chaîne Nathan’s, elle a ainsi été popularisée à travers le hot-dog. Tandis qu’on la déguste aussi avec d’autres viandes, des œufs frits ou encore du poisson. On la prépare par exemple avec du saumon, du haddock et décorée avec des moules et des crevettes…

Mais la choucroute inspire aussi les grands chefs. Dans son joli petit ouvrage “La choucroute” (cf. ci-dessous), Pierre-Brice Lebrun donne ainsi la recette d’une choucroute à la lotte et au lard. On la doit au chef de la maison “Kammerzell” de Strasbourg, Guy-Pierre Baumann, véritable spécialiste de la choucroute, qu’il prépare à l’orientale, aux trois poissons ou encore aux huîtres et sabayon de champagne ! D’autres chefs alsaciens vont même plus loin, allant jusqu’à apprêter la choucroute façon sushi, avec de l’algue nori et du saumon cru. Tandis qu’au “Gordon Ramsay”, trois étoiles de Londres, la choucroute est servie avec un filet de porc rosé, de la saucisse de Morteau, du boudin noir, de la ventrèche croustillante et du lard fondant (photo).

Bref, très ancienne, traditionnelle ou non, la choucroute a de beaux jours devant elle…

 

Faire sa choucroute

  • Le chou blanc, débarrassé de ses premières feuilles et de son trognon, est haché en lanières. Celles-ci sont déposées dans un récipient en grès ou en bois recouvert de feuilles de chou avec du gros sel (2,5-3%) et des baies de genièvre. On couvre, on presse bien, on attend trois semaines de fermentation, et c’est prêt !

Etymologie

  • Le mot choucroute vient de l’alsacien sürkrüt, lui-même dérivé de l’allemand Sauerkraut, qui signifie “herbe (kraut) aigre (sauer)”. En dialecte allemand du Sud, kraut signifie en effet également “chou”. Le mot choucroute désigne aussi bien le légume saumuré que le plat qu’il sert à préparer.

Anecdote historique

  • Pour vaincre le scorbut, qui décimait les équipages, l’explorateur anglais James Cook (1728-1779) mit au point un régime alimentaire à base de fruits et de choucroute (riche en vitamine C et bon antiscorbutique). Ceci lui valut la médaille Copley en 1776, récompense scientifique décernée toujours aujourd’hui par la Royal Society de Londres.

Choucroute.jpegEnvie de lecture?

  • Histoire de la choucroute, 15 recettes originales, carnet d’adresses de restaurants et de charcuteries en France, ce joli petit cahier du Belge Pierre-Brice Lebrun est très complet.
    « La choucroute », publié aux Quatre chemins (64 pp., env. 9 €).