Auteur de nombreux essais (notamment sur la littérature fantastique), de biographies (Simenon), Jean-Baptiste Baronian publie chez Rouergue un bienvenu Dictionnaire de la gastronomie et de la cuisine belges

En compulsant sa documentation pour écrire chez Plon en 2015 son Dictionnaire amoureux de la Belgique, l’auteur belge de 77 ans s’est rendu compte que la gastronomie était quasiment absente des livres d’Histoire de la Belgique. Ce « bon vivant », comme il se définit en introduction, s’est donc mis en tête de recenser, de A comme Agapes à Z comme Zizi Coin Coin, les véritables spécialités de notre pays, qu’il présente comme un « vagabondage sentimental et gourmand » au pays de ses souvenirs, agrémenté de nombreuses citations littéraires.

Le livre se compose donc d’une collection d’articles, bien sentis malgré quelques erreurs factuelles, riches de citations d’auteurs belges, traitant les sujets les plus variées et plus ou moins connus. On voyage des laquemants liégeois (pourtant inventés à Lille par un cuisinier belge; en photo) à la fricadelle (dont on trouve une première mention dans un ouvrage paru à Bruxelles en 1705), en passant par le biscuit Prince fourré (inventé par Edward De Beukelaer en 1870 en l’honneur du futur roi Leopold II). Mais aussi quelque grands chefs comme Yves Mattagne, Pierre Wynants, Geert Van Hecke ou François Vatel (présent ici car né… à Tournai).

Deux index (des personnes et des lieux) offrent une autre façon d’entrer dans ce riche ouvrage historique.

 

Envie de lecture?

  • « Dictionnaire de la gastronomie & de la cuisine belges », publié par Jean-Baptiste Baronian aux éd. du Rouergue (320 pp., 28€). Illustrations: Séverin Millet

En guise de mise en bouche…
Trois entrées du dictionnaire de Jean-Baptiste Baronian…

Fistouille

Dans les provinces de Hainaut et de Namur, la fistouille est le nom d’une omelette au jambon, additionnée d’oignons hachés menu qu’on a fait revenir – des oignons de Mulhouse, selon une recette parue dans Les Meilleures Recettes de Wallonie recueillies par zone verte (1981). Ce nom est sans doute une déformation issue du verbe « fristouiller », qui est surtout utilisé en Belgique et veut dire vulgairement « préparer des choses à manger », ou encore, selon Georges Lebouc dans son Dictionnaire de belgicisme (2006), « frire de façon appétissante » et, dans un sens contraire, « cuisiner sans talent, de façon sommaire ».

Cougnou

Le cougnou est une sorte de brioche ovale, ornée d’un petit jésus en sucre de couleur rose ou en massepain, qu’on mange à la Saint-Nicolas, à Noël ou à Nouvel An. En quoi, comme la plupart des gâteaux, il est associé à ce qu’on appelle les « rites de passage ».

Il serait connu en Belgique depuis le milieu du xie siècle. Selon les régions, il porte parfois d’autres noms : cougnole ou cougniolle à Mons), cougnolt, couignet (ou cuignet), coquille, couque du Petit Jésus (à Ath), écaille (à Tournai), brégolet…

Le mot proviendrait du latin cuneolus, qui désignait un petit coin pour fendre le bois.

« L’adroite marchande, encore que son mari fût malade, n’avait garde d’oublier que c’est demain la fête. Elle a parfaitement réussi les ‘cougniolles’. »
Louis Delattre, « Le Boulanger », Marionnettes rustiques (1899).

« En hiver, ils avaient les longues veillées : on jouait au loto pour des noix ; les hommes fumaient leur pipe de Semois ; on respirait quelque chose de bon dans la pièce : un parfum de lavande et de thym, de pommes, de cougnous de Noël ou de galettes de nouvel an. (…) »
Jean Tousseul, « Renouveau », La Mort de Petite Blanche (1920).

« Je découpe en silence le cougnou et j’en mange plusieurs tranches trempées dans le lait chaud….) Grand me demande si le cougnou est bon. La bouche pleine, je fais un grand oui de la tête, en souriant. »
Chantal Deltenre, La Plus que mère (2003).

Couille de Suisse

La couille de Suisse est une boule de pâte à pain saupoudrée de cassonade, qui était très appréciée à Bruxelles au XIXe siècle et avant la Première Guerre mondiale et que les pâtissiers actuels ne préparent qu’à l’occasion. Le conteur, revuiste et cofondateur du Pourquoi pas ? Georges Garnir (1868-1939), auteur du néologisme « guèstronomie », l’évoque dans certaines de ses chroniques consacrées aux meurs bruxelloises.

Fausse pruderie mise à part, elle doit son nom au fait que sa forme ovale rappelle la culotte de peau collante que portent les gardes suisses et qui met en valeur leurs attributs virils. Mais on ne sait trop si c’est là son nom d’origine ou s’il s’agit d’une altération triviale de couque de Suisse ou de couque suisse, qu’on appelle « knoedelle » dans le pays d’Arlon.

Il ne faut pas confondre la couille de Suisse avec la couille de singe, un bonbon acidulé au goût de cerise. Cette friandise est la base d’une liqueur du même nom (mais au pluriel), produite par la société DBB (Distribution Benoît Borsu), installée à Huy depuis 1993 et qui élabore également l’apéritif Zizi Coin Coin.