La langue est un abat délicieux! On mange celle de boeuf, de mouton, de porc et de veau, cette dernière étant la plus appréciée car son goût est plus subtil. Mais c’est un sacré morceaux! Environ deux kilos pour celle de boeuf et un kilo pour celle du veau. La langue de porc, très savoureuse également, sera donc une bonne alternative pour les plus petits appétits.

Ne soyez en tout cas pas effrayés par sa préparation. C’est facile, même si  cela demande un peu de patience. La longue cuisson permettra d’obtenir une viande fondante, qui s’associera parfaitement avec la classique sauce Madère, enrichie de cornichons, qui lui donnent une très agréable acidité. Un plat vraiment savoureux et réjouissant.

Avant la recette, une petite histoire ou plutôt une fable d’Esope (mort 500 ans avant J.-C.).

Esclave et cuisinier de Xanthus, Esope avait reçu l’ordre de son maître d’acheter au marché ce qu’il y aurait de meilleur et rien d’autre. Il n’acheta que des langues, qu’il fit accommoder à toutes les sauces. Les convives ne tardèrent pas à s’en dégoûter.

– Hé! Qu’y a-t-il de meilleur que la langue?, répondit Esope; c’est le lien de la vie civile, la clef des sciences, l’organe de la vérité et de la raison; par elle on bâtit les villes et on les police, on instruit, on persuade, on règne dans les assemblées; on s’acquitte du premier de tous les devoirs, qui est de louer les dieux.

– Eh bien, reprit Xanthus qui prétendait l’embarasser, achète-moi demain ce qu’il y a de pire.

Le lendemain, Esope ne fit encore servir que des langues, disant que la langue est la pire des choses qui soit au monde.

– C’est, dit-il, la mère de tous les débats, la nourrice de tous les procès, la source des divisions et des guerres; si elle est l’organe de la vérité, c’est aussi celui de l’erreur et, qui pis est, de la calomnie. Par elle, on détruit les villes; si, d’un côté, elle loue les dieux, de l’autre elle est l’organe du blasphème et de l’impiété.

Un mets apprécié

Dans le « Dictionnaire universel de la cuisine pratique » de Joseph Favre, édité en 1894 et réédité en 2006 chez Omnibus, on apprend aussi que Lucullus – célèbre général Romain qui a laissé un souvenir du luxe et du raffinement de sa table et qui a donné son nom à cette fameuse préparation originaire de Valenciennes née en 1920 qui consiste à alterner couches de langue de boeuf et foie gras de manière à former une terrine – consommait des langues de paon, que Louis XIV, lui, était fan de langues de carpes…

Dans ce livre de la fin du XIXe siècle, on trouve de nombreuses recettes de langues salées, dont celles de lapin ou de morues, mais aussi en sauce, avec une recette de langues de rennes ou de chevreuil…

Aujourd’hui, on ne voit plus autant de variété sur les tables mais on déguste toujours avec grand plaisir cette recette de langue de veau sauce Madère…

A vos casseroles!

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Ingrédients (pour 4 pers.):

Une langue de veau d’environ 1kg, 1 morceau de poulet ou une carcasse, 2 carottes, 2 branches de céleri, 1 poireau, 1 oignon piqué de clou de girofle, un bouquet garni, poivre en grain.

Pour la sauce: huile d’olive, 1 oignon, 1 piment d’Espelette entier ou en poudre, 1 carotte, 1 branche de céleri, 70 g de concentré de tomate, 100 ml de vin blanc, 100 ml de Madère ou de Sherry, 500 ml de bouillon de cuisson de la langue, 1 c.à.s. de Maïzena délayée dans un peu d’eau, une dizaine de petits cornichons, sel, poivre.

Pour le service: pommes de terre, persil.

Préparation:

Préparer la langue.

On recommande généralement de faire dégorger la langue de veau pendant plusieurs heures dans de l’eau salée, si cela n’a pas déjà été fait par le boucher.

Mettre la langue dans une casserole, la couvrir d’eau. Amener à ébullition et cuire pendant 15 min. Egoutter.

Cuire ensuite la langue pendant deux heures dans un bouillon préparé avec le poulet ou la carcasse (nous l’avons cuite avec un poulet entier avec lequel nous avons réalisé un vol-au vent), les légumes et le bouquet garni. La cuisson doit être réalisée à feu doux pour bien attendrir la langue.

En fin de cuisson, enlever la peau de la langue de veau (épithélium).

Préparer la sauce. Dans une casserole garnie d’huile d’olive, faire revenir pendant quelques minutes l’oignon, la carotte et le céleri émincés en brunoise, avec le piment d’Espelette réduit en morceaux. Ajouter le concentré de tomate et faire cuire pendant 1 min puis ajouter le vin blanc. Faire évaporer.

Ajouter le bouillon et la langue (si vous la voulez tendre à souhait sinon attendez…). Cuire pendant 20 min à feu doux. Enfin, ajouter le Madère. Après quelques minutes, ajouter la Maïzena et les cornichons découpés en petits tronçons. Lorsque la sauce à une bonne consistance, rectifier l’assaisonnement (et y faire réchauffer la langue découpées en morceaux, si vous la préférez plus ferme).

C’est prêt!

Servir avec des pommes de terre cuites à l’eau et parsemer de persil.