Quel culot! A 24 ans seulement, Dylan Watson-Brawn vient d’ouvrir son propre restaurant dans le quartier de Wedding à Berlin. Et pas n’importe quel restaurant, un vrai comptoir de chef ambitieux façon « Chef’s Table » à Brooklyn ou « Chambre séparée » de Kobe Desramaults à Gand. Un restaurant enthousiasmant qui vient d’être élu meilleur nouveau restaurant européen au classement OAD Top 100+ European Restaurants 2018.
Un chef star de 24 ans
Cinq soirs par semaine, douze heureux mangeurs (ayant payé leur ticket d’entrée à l’avance: 165€ le menu unique + 85€ sur place pour la très belle sélection de vins d’artisans) poussent la porte anonyme du « Ernst » pour venir vivre une expérience unique de 3 à 4 heures. Laquelle débute par une poignée de main de tous les membre de l’équipe, qui se présentent pas leur prénom.
Si le chef, originaire de Vancouver sur la Côte Ouest canadienne, est déjà une star à Berlin, c’est qu’il s’était imposé avec sa table privée de six couverts, qu’il tenait dans son appartement — ses investisseurs sont d’ailleurs tous d’anciens clients. Mais Dylan Watson-Brawn n’est pas autodidacte pour autant.
A 24 ans, il a déjà un sacré bagage, passé par des tables mythiques comme le « Eleven Madison Park » à New York ou le « Noma » à Copenhague. Si la touche Redzepi est palpable dans la modernité folle de ses petites bouchées et l’attention aux produits, sa cuisine est surtout marqué par l’influence nipponne. Le gamin a en effet passé deux ans au « Reunion », restaurant trois étoiles de Tokyo. D’où il a ramené non seulement des saveurs, des préparations — il prépare énormément de dashis et même un magret séché façon katsuobushi — mais aussi un goût pour la sobriété et les vaisselles choisies.
Des ingrédients choisis avec soin
Impossible de décrire l’ensemble du menu, composé d’une petite trentaine de dégustations façon kaiseki. Chacune met à l’honneur un produit de saison sélectionné auprès de petits artisans que le chef connaît personnellement. La grande force du « Ernst », c’est en effet le « sourcing » de ses ingrédients.
Ce soir-là, Watson-Brawn bossait par exemple le porc laineux mangalitza, que Christoph et Isabell Wesner élèvent depuis 1999 dans la banlieue de Vienne. Nourri avec des céréales produites à la ferme, le cochon est tué à trois ans minimum, sur place, pour éviter le stress de l’abattoir.
On le retrouvera trois fois dans l’assiette ce soir-là. On le découvre d’abord de façon brute, à travers les charcuteries faites à la ferme (coppa, lomo…), avant de fondre pour la poitrine, travaillée avec une grande intelligence. Maturée 40 jours, la viande est marinée à la bière puis cuite 9 heures à la vapeur, avant d’être enfin grillée à la flamme devant le client. En guise d’assaisonnement, juste un larme de vinaigre de koji et de saké pour casser le gras. Sublime.
Et toutes les micro-assiettes du jeune chef sont construites sur ce même schéma: un produit exceptionnel (viande, légume, fromage, herbe…), choisi avec soin et travaillé de façon créative mais tout en sobriété, pour en faire ressortir le meilleur. Une claque!
Envie d’y goûter?
- Cote: 8,5/10.
- Cuisine: contemporaine.
- Cadre: comptoir.
- Cave: vins d’artisans.
- Terrasse: non.
- Parking: non.
- Adresse: Gerichtstraße 54, 13347 Berlin.
- Rens.: www.ernstberlin.de.
- Ouverture: ouvert de 19h30 à minuit, fermé lundi et mardi.
Cet article est paru dans le « Trends-Tendances » du 26 avril 2018
La fille: « C’est bien beau de s’afficher Slow Food et de travailler avec des producteurs locaux sans jamais en parler… C’est le cas dans beaucoup de restaurants. Chez « Ernst », c’est tout le contraire, la mise en avant des producteurs est totale: dans leur newsletter, sur les réseaux sociaux et toujours quand ils servent le plat. Respect! »
Le garçon: « J’ai adoré le sens du sourcing exacerbé. Que ce soit dans le choix des ingrédients ou la composition de la carte des vins. Le sommelier nous a par exemple proposé l’un des seuls rouges allemands de sa carte. Un pinot noir fait… par un vigneron amateur dans la région de Baden, Henrik Möbitz. Son « Koeplfe » 2014 (77€), sur les hauteurs du vignoble, produit en édition très limitée (450 bouteilles pour ce millésime), valait un bourgogne. »
Vous êtes rarement aussi enthousiastes! Cela devait être vraiment très bon, créatif, réalisé avec imagination et surtout de très bons produits!