Depuis l’indépendance de Cuba, le “Havana Club” est le rhum cubain par excellence. Retour sur son histoire, ainsi que sur celle des cocktails cubains les plus emblématiques?

Cuba en trois cocktails

 

Assis à la terrasse d’un paladar – ces restaurants privés qui fleurissent un peu partout à Cuba depuis que le gouvernement a autorisé les entreprises privées en 2010 –, ne vous étonnez pas que l’on vous propose d’abord un mojito et puis, éventuellement, de l’eau… Ce cocktail cubain, le plus populaire au monde, est en effet parfait pour étancher la soif après avoir passé la journée à déambuler dans les superbes rues de La Havane. Et pas question de le préparer avec autre chose que du Havana Club ! La marque est ici omniprésente.

Hemingway et le mojito

Parmi les cocktails cubains iconiques, le mojito est le seul cocktail à avoir de profondes racines cubaines. Quand l’explorateur anglais Francis Drake débarque à Cuba, au début du XVI^e siècle, il sirotait déjà un mélange de feuilles de menthe et de tafia (rhum non vieilli de piètre qualité). Elu “cocktail national de Cuba”, le mojito se sirote toujours à “La Bodeguita del Medio”, non loin de la Plaza de la Catedral, comme du temps de l’écrivain Ernest Hemingway, grand ami de Fidel Castro qui a beaucoup fait pour populariser ce cocktail, ainsi que le daiquiri.

“My mojito in La Bodeguita. My daiquiri in El Floridita”, avait griffonné sur une serviette l’écrivain américain. Relique encadrée et toujours accrochée dans l’un de ses bars favoris. C’est en 1932 qu’Ernest Hemingway débarque à Cuba. Il s’installe dans le charmant hôtel Ambos Mundos, qui conserve de nombreuses et émouvantes photos du passage de son illustre occupant. Et c’est non loin de là, au fameux bar “El Floridita”, qu’il va s’initier au daiquiri (cf. ci-dessous) auprès de Constante, un cantinero (barman) d’origine catalane.

L’origine du daiquiri

L’histoire la plus répandue raconte qu’un ingénieur américain du nom de Jennings Cox, qui gérait des mines près de la ville de Daiquiri en 1896, serait un jour rentré chez lui avec un ami après une longue journée de travail et lui aurait préparé un cocktail en mélangeant au shaker jus de citron vert, sucre et rhum local car il n’avait plus de gin ou de whiskey… Une variation sur le punch sauf que, dans les années 20, on maîtrisait la réfrigération artificielle et qu’il remplaça donc l’eau par de la glace  !

Traditionnellement, le “daiquiri natural” était réalisé au shaker ou stirred (mélangé). Aujourd’hui, on trouve plus facilement la version “frozen” (inventée par Constante en 1930), réalisée au blender pour satisfaire rapidement les hordes de touristes venus le déguster au très chic “El Floridita” où, au coin du bar, trône une statue en bronze d’Hemingway…

L’historien du cocktail Jared Brown, l’un des organisateurs du Havana Club Cocktail Grand Prix, penche toutefois plutôt pour une invention américano-cubaine : le daiquiri serait né de la fusion de l’American sour et du canchanchara, un cocktail dont l’origine remonterait au XVIII^e siècle et qui aurait été inventé par les esclaves ramenés d’Afrique…

Cuba-USA, une histoire d’amour et haine

Dans la trilogie des cocktails cubains, reste évidemment le Cuba Libre. Ce serait durant la guerre hispano-américaine, en 1898, qu’un groupe de Cubains et d’Américains auraient mixé rhum et coca en trinquant “Por Cuba Libre  !”. Malgré l’embargo américain, on retrouve toujours aujourd’hui ce cocktail iconique à la carte des bars cubains, réalisé à base de “tuKola”, produit sur place, ou de vrai Coca-Cola transitant par le Mexique  !

Si le Cuba Libre est iconique, c’est qu’il symbolise l’histoire indissociable de Cuba et des Etats-Unis. Le rhum cubain ne serait par exemple pas ce qu’il est aujourd’hui sans la Prohibition, qui a frappé les Etats-Unis de 1919 à 1933. Une période qui a redonné ses lettres de noblesses à un alcool encore associé aux pirates et aux marins mais qui a, surtout, favorisé le tourisme sur l’île.

Cuba, la plus grande île des Caraïbes proche de la Floride, attirait en effet les barmen américains qui ne pouvaient plus travailler aux Etats-Unis, ainsi que des hordes d’Américains assoiffés par le Volstead Act. Le rhum cubain était le Saint-Graal en comparaison des immondes alcools frelatés qui circulaient sous le manteau au Etats-Unis, un rhum vieilli léger et soyeux, rendu clair grâce à un processus de filtration au charbon et à la silice mis au point par Don Facundo Bacardi en 1862.

Mais on connaît l’histoire… En octobre 1960, le régime castriste confisque sans compensation les installations Bacardí à Cuba. Aujourd’hui, toute trace des Bacardi est effacée à La Havane, sauf le splendide Edificio Bacardi, bâtiment Art Déco construit en 1930 par Maxfield Parrish qu’on peut toujours admirer et où trône toujours la chauve-souris, le logo de la marque…

Adios Bacardi, hola Havana Club  !

Alors que les Etats-Unis avaient dominé l’économie cubaine pendant la première moitié du XX^e siècle, dès 1959 et le renversement du dictateur Fulgencio Batista par les révolutionnaires cubains menés par Fidel et le Che, c’en est fini. L’expropriation des sociétés et grandes propriétés foncières américaines et leur nationalisation conduisirent à la rupture, par les Etats-Unis, des relations avec le gouvernement cubain. Rupture consommée par le soutien de l’URSS au régime castriste…

Assez rapidement, c’est Havana Club qui va prendre la place de Bacardi. La marque avait été créée par José Arechabala en 1878 déjà mais après la révolution cubaine, la compagnie a, elle aussi, été nationalisée par le gouvernement et les Arechabala ont immigré aux Etats-Unis. Depuis 1993, le rhum est produit sous la marque Havana Club International, fruit d’une joint-venture entre Pernod Ricard et le gouvernement cubain. Et malgré tous les efforts de Bacardi pour empêcher la marque d’exister, Havana Club tient bon et a même devancé son éternel rival sur certains marchés… Aujourd’hui, rhum cubain est synonyme de Havana Club car celui-ci est produit 100  % à Cuba, avec des cannes à sucre locales et en maintenant le processus de distillation continue, typique des rhums cubains.

Le marché mondial du rhum représente 1,26 milliard de litres annuels. Aujourd’hui, Havana Club est la troisième marque de rhum la plus importante derrière Bacardi et Captain Morgan, et ce sans avoir accès au marché américain. Avec le rapprochement entre leurs deux pays voulu par Barack Obama et Raúl Castro, la marque cubaine pourrait vite faire de l’ombre à son ennemi juré… On s’en doute, le directeur général de Havana Club, Jérôme Cottin-Bizonne, attend avec impatience la prochaine levée de l’embargo américain…

La marque s’y prépare en investissant des millions de dollars pour rendre plus efficaces ses distilleries. Et, comme la plupart des marques de spiritueux, elle s’investit dans le segment Premium (avec notamment le “Union”, un excellent rhum ultra-premium créé pour être associé au cigare). Car depuis 2010, la consommation des rhums ambrés représente 50  % du marché mondial, un chiffre qui ne cesse d’augmenter…

La recette du daiquiri

Ingrédients (pour un verre):

50 ml de Havana Club 3 ans, 25 ml de jus de citron vert frais, 2 c.à.c. de sucre ou de sirop de sucre.

Préparation:

Verser tous les ingrédients dans un shaker avec 50% de glaçons et 50% de glace pilée et shaker jusqu’à ce que le shaker soit trop froid pour être tenu en main.

Filtrer et servir dans un verre glacé avec une tranche de citron vert.