Cliché de la cuisine italienne, les lasagnes sont aujourd’hui préparées à toutes les sauces. Retour sur les bases classiques ! Quitte à passer quelques heures en cuisine…

Il en va des lasagnes comme de bien des spécialités italiennes : on croit les connaître… Pourtant, que ce soit chez le boucher, chez le traiteur (même italien), au resto, au rayon surgelé, on n’en trouve le plus souvent qu’une approximation caricaturale et parfois repoussante : chargée en béchamel et en viande, n’affichant que quelques feuilles de pâte trop épaisses et/ou mal cuites, etc. Bref, avant d’avoir laissé fondre une bouchée de millefoglie di lasagne digne de ce nom, difficile de dire qu’on a goûté à une vraie lasagne ! Le mot “millefeuille” qu’on lui accole parfois en italien est révélateur. Pour qu’elles soient bien équilibrées, fondantes à la dégustation, les lasagnes doivent, en effet, accumuler un grand nombre de couches de pâte les plus fines possible.

Plat par excellence du déjeuner dominical, les lasagnes préparées par la nonna ou la mamma réunissent toute la famille. C’est d’ailleurs l’un des plats italiens les plus difficiles à apprécier en dehors du nid familial, tant il y a de disparités entre le modèle fait maison, chargé de nostalgie, et tout autre version consommée ailleurs… Si chaque famille italienne a sa recette, deux grosses tendances se dessinent. Comme bien souvent, l’Italie est ici partagée entre les lasagnes du Nord, garnies de béchamel, et celles du Sud, plus sur la tomate. En Emilie Romagne, d’où elles sont originaires, les lasagnes sont traditionnellement élaborées avec un mélange de béchamel et de sauce bolognese al ragù (à base de viande).

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Un peu d’histoire

Une recette qui aurait définitivement été mise au point au XVIIe siècle, pendant l’opulente période baroque. Même si le mot lasagne apparaît dès l’Antiquité avec le mot latin, “lasanum” (nom de la marmite qui servait à faire bouillir), lequel s’est croisé avec “laganum” (pain), déjà une feuille de pâte, mais qu’on cuisait alors directement sur le feu. Apicius décrit d’ailleurs ces feuilles de pâtes qui étaient notamment farcies de viande. Ce serait aux VIe et VIIe siècles qu’aurait par contre débuté la cuisson de la pâte dans l’eau, même si l’on semble encore bien loin des lasagnes actuelles… Isidore de Séville parlait alors de ce pain/pâte fin(e) bouilli(e) dans l’eau puis frit(e)… C’est enfin dans le “Liber de Coquina”, recueil du début du XIVe siècle, que semblent réellement prendre forme les lasagnes actuelles.

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Variantes régionales et lexicales

Parmi les variantes régionales, on trouve par exemple les vincisgrassi des Marches. Elles tiendraient leur nom du prince autrichien Windisch-Graetz, venu pour libérer Ancône des armées napoléoniennes. Il s’agit d’une pâte élaborée avec du Marsala et du beurre. On fabrique ensuite une lasagne en farcissant les feuilles de pâte d’un ragoût de poulet et de champignons avec parfois des petits pois. On les trouve également farcis d’un mélange de sauce tomate et de béchamel avec parfois des abats. Dans la recette originelle, on utilisait même des truffes !

Il y a aussi les sagne chine de Calabre, les lasagnes “pleines”, c’est-à-dire très riches, garnies de petites boulettes de viande frites, d’œufs durs, de scamorza, de saucisses calabraises et de parmesan et assaisonnées avec une sauce tomate à la viande. On retrouve aussi cette préparation sans feuilles de lasagne mais avec des rigatoni ou des penne.

Les lasagnes prennent aussi divers noms selon qu’on les déguste à tel ou tel endroit de la Péninsule. Ainsi, on pourra notamment les rencontrer sous les dénominations suivantes : lasagna (qui désigne la feuille de pâte), pasticcio (di lasagne) (qui peut aussi désigner un agrégat de macaroni recuits au four), millefoglie (di lasagne) (millefeuille, puisque les lasagnes sont composées de plusieurs feuilles), timballo (di lasagne) (nom par exemple donné dans la région des Abbruzzes, qui désigne aussi une autre préparation à base d’un agrégat de pâtes recuites ou de crêpes) ou encore pasta al forno (nom générique des “pâtes au four”).

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Un week-end en famille

La réalisation de lasagnes à la maison demande un peu de patience. Il faudra compter environ 4 heures. C’est donc généralement un plat que l’on consomme le dimanche pour avoir idéalement le temps de le préparer la veille et laisser ainsi la préparation au frais pendant plusieurs heures. Ce qui garantit la tenue de la lasagne dans l’assiette et plus de saveurs. C’est aussi un plat généralement préparé en famille, chacun mettant la main à la pâte pour aller plus vite !

On consacrera donc son samedi matin à la recherche des meilleurs ingrédients : viande de chez le boucher, ricotta artisanale, champignons frais, farines du moulin, oeufs de ferme… Pour la sauce tomate, les Italiens ont l’habitude d’utiliser celle qu’ils stérilisent eux-mêmes chaque année mais elle peut être remplacée par des tomates pelées de qualité.

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Revenus des courses, il faudra alors s’atteler à la tâche. On prépare d’abord la sauce et pendant que celle-ci mijote, on démarre les pâtes. Il y a une certaine fierté à tenter de reproduire le savoir-faire ancestral rigoureusement à la main en sortant le laminoir traditionnel et la planche en bois fabriquée par le nonno. Les pâtes acquièrent alors une autre saveur… Mais pour les non-initiés et dans le souci de gagner un peu de temps, l’utilisation d’un robot mélangeur et/ou d’un laminoir électrique est bien pratique ! Tout l’art consiste ensuite à bien travailler la pâte en la pliant et la repliant, en la farinant de temps en temps et en la passant à travers les différents numéros qui indiquent le rétrécissement de l’écartement des rouleaux du laminoir. Jauger la qualité de la pâte et savoir quand elle est prête s’acquiert avec le temps.

Il s’agira enfin de cuire les carrés de pâtes obtenus dans l’eau bouillante et de les sécher afin de commencer à monter la lasagne couche après couche. Si l’on n’est pas – comme au “Del Posto”, un des top end restaurants du chef italien Mario Batali à New York – à la recherche d’une lasagne chef-d’œuvre à 100 étages, on essayera tout de même de glisser un maximum de feuilles de pâtes dans la préparation pour obtenir ce fondant inimitable !

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Lasagnes comme au Sud de l’Italie