Cougnou… Le mot lui-même évoque quantité de souvenirs, fonctionnant chez le Belge moyen comme la petite madeleine de Proust. Sinon qu’elle serait trempée ici dans un chocolat chaud plutôt qu’un thé… Viennoiserie typique de la Wallonie et du nord de la France, le cougnou est traditionnellement préparé durant la période des fêtes, de la Saint-Nicolas à Noël. Il s’agit en fait d’un pain brioché (d’un pain “sandwich”, comme on dit chez nous) amélioré, c’est-à-dire plus riche. Il y en a, en effet, pour tous les goûts : nature, avec des raisins secs, des pépites de chocolat, du sucre perlé, etc. Sa forme rappelle celle de l’enfant Jésus emmailloté en version stylisée, soit un boudin à deux têtes ou deux boules.
Le nom et la recette du “Pain de Jésus” (terme générique très peu usité) varient en fonction de la région dans laquelle il est fabriqué : “quéniole” à Valenciennes, “volaeren” à Dunkerque et plus généralement “coquille” dans les Flandres françaises, “fisquemalles” à Tournai, “cougnol(l)e”, “cugnole” ou “cognolle” dans le Hainaut belge, “cougnou” dans les provinces de Namur et de Liège ou encore “bonhomme” en liégeois… Mais on trouverait des “pains sucrés” aux noms similaires dans d’autres régions françaises, et ce, jusqu’en Provence ! La recette est plus ou moins riche selon le lieu de production en général, plus légère dans la région du Centre, elle est beaucoup plus riche en beurre, sucre et raisins dans la région de Namur.
Petite histoire du cougnou
Qu’on les appelle cougnou ou cougnole (les termes les plus répandus en Belgique, considérés d’ailleurs comme des belgicismes officiels), ils sont la plupart du temps décorés avec un petit Jésus en sucre. Ces derniers ne sont, ceci dit, plus que rarement fabriqués par les boulangers eux-mêmes; ils proviennent, en effet, de plus en plus des pays de l’Est… Dans la région du Centre, la cougnole est traditionnellement plutôt ornée d’une “craie” colorée (en terre cuite ou en plâtre) généralement de forme ronde – d’où son nom de “rond de cougnole” – et aux motifs variés. On en a recensé 1 200 différents, peints à la main. Remontant au XVIIe, ces décorations d’origine flamande ont été introduites dans le Hainaut à la fin du XIXe mais ont quasiment disparu depuis la fin des années 50, en tout cas dans leur version originelle.
La première mention du mot “cougnou” daterait du XVIIe siècle. Un historien picard explique que l’origine du mot viendrait de “quenieux”, un petit pain réalisé avec des œufs et du lait déjà consommé en Wallonie. Le mot “quenieux” venant lui-même de cuneolus (petit coin), du temps ou l’ancêtre moyenâgeux du “cougnou” était encore de forme triangulaire. Ce n’est qu’au XVIe siècle qu’il aurait pris la forme d’un bébé emmailloté. Une autre étymologie, rapportée par Pierre Legrand dans “Le patois de Lille”, rapproche d’ailleurs plutôt le terme du latin « cunae », qui signifie berceau, nid ou première enfance.
Un prix à gagner dans les loteries
Durant le Moyen Age, le cougnou était offert au moment de Noël au seigneur, mais aussi à des personnages importants du village, comme le curé. S’il est donc d’abord une sorte de redevance puis un cadeau de reconnaissance, c’est au XIXe siècle qu’il commence à être distribué comme “étrennes”, surtout aux enfants le jour de Noël.
En province de Namur, le cougnou deviendra même au XIXe siècle un prix à gagner lors des “trairies”. Au départ loterie (le mot “trairie” viendrait de “trier”) organisée après la messe de minuit, elle s’est muée en un jeu de cartes populaire de la région d’Andenne dans quelques boulangeries et cafés. Réunissant 10 joueurs, ce jeu simple, reposant uniquement sur le hasard, perpétue l’esprit de la loterie, les gagnants se partageant des lots dégressifs, soit cinq cougnous de taille de plus en plus petite, de 950 g à 125 g (ce petit dernier étant appelé la troye, “truie”). Un folklore amusant que perpétue toujours la pâtisserie Dieudonné à Andenne (cf. ci-dessous), un des derniers établissements à proposer ce jeu.
Recette du cougnou
- Une recette de cougnou comme à Namur: avec du beurre, du sucre perlé et des raisins secs…
- Une recette de cougnole comme dans le Hainaut, plus sobre
Histoire du cougnou
- A Andenne, la Boulangerie Dieudonné s’est fait une spécialité des cougnous. Sur son site, on en trouve une histoire détaillée, ainsi que des “trairies” andennaises.
24b rue Brun 5300 Andenne.
Rens. : www.boulangerie-dieudonne.be ou 085.84.15.30.
Cougnou de compète!
- A la fin des années 50, les boulangers andennais se sont lancés dans la réalisation du plus grand cougnou du monde. Mesurant 3 mètres de long, cette pâtisserie géante fut exposée en place publique…
Miam,miam, j’adore le cougnou! et je sens que vous allez nous faire suivre une petite recette…. 😉
Merci pour ces informations très documentées sur la tradition du cougnou. Et pour la recette namuroise qui me rappelle ma propre maman; Elle a toujours respecté cette tradition pour le plus grand plaisir de sa petite famille. L’avant veille de Noël était une journée entièrement dédiée à la pâtisserie. Le matin, mon père préparait le bois -surtout des buches de bouleau pour l’odeur- et allumait un feu sous le four. Un grand four comme chez les boulanger qu’il fallait faire tourner pour répartir une chaleur égale. Il se touvait dans un petit local appelé le fournil. Ma mère pétrissait la pâte des « cramiques » dans un pétrin et la faisait lever sur une grande planche. Elle gardait une partie de cette pâte pour la confection des cougoux. Elle y ajoutait un peu plus de raisins et de sucre perlé. Souvent les voisines venaient également cuire leur cougnous dans ce four. Bref, cette journée là, cela sentait bon dans toute la maison et même dans tout le village….
En Alsace, j’ai trouvé pour le petit déjeuner de Luke -et le nôtre- des « mennele » une autre façon encore de désigner le cougnou!