Avec sa bouteille chic reconnaissable entre toutes, Don Papa s’est rapidement fait une place de choix parmi les rhums dits « premium » et est aujourd’hui l’un des produits phare des Philippines, un pays qui mérite vraiment le détour…

© Justin Paquay

Lancée aux Philippines en 2012, la marque est désormais présente dans 24 pays, avec l’Europe comme marché principal. Ainsi, il s’en écoule 70000 bouteilles en Belgique et 200000 en France. En décembre 2018, trois mois seulement après sa mise en rayons, l’édition spéciale « Don Papa Masskara » (où le rhum est infusé au miel et au calamansi) s’est classée même en 10e position des meilleurs lancements de produits de grande consommation en France (derrière un jambon Herta bio ou des biscuits Nutella), selon une étude Nielsen ScanTrack. Une réussite fulgurante que l’on doit au flair d’un homme, Stephen Carroll. Ancien cadre chez Diageo ou Remy Cointreau, ce Britannique d’une cinquantaine d’années a imaginé ce rhum après un voyage à Bacolod, capitale du Negros Occidental. Quand on atterrit sur sur cette île au centre des Philippines, on découvre en effet d’immenses champs de canne à sucre.

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A la moitié du XIXe siècle, Negros était devenu le centre de la production sucrière philippine, qui s’est développée avec l’industrialisation et les accords commerciaux avec les États-Unis. Si les cours du sucre ont drastiquement chuté depuis le milieu des années 1980, la canne reste au centre de l’économie au nord de Bacolod. Comme on le découvre en visitant la Gaston Farm, fondée en 1840 par le Normand Yves-Leopold Germain. Non loin de là, à la vénérable sucrerie Hawaiian-Philippine — où Don Papa se fournit en mélasse, résultat du processus de raffinage du sucre —, on découvre la fabrication du célèbre sucre muscovado, produit par simple évaporation du sirop de canne. Une autre richesse de l’île.

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En plein « Sugarlandia », l’idée du Don Papa fait immédiatement sens. D’autant que la canne de Negros est réputée parmi les plus raffinées au monde. En 2011, Stephen Carroll fonde donc la Bleeding Heart Rum Company, en vue de développer le premier rhum haut de gamme des Philippines. Et il choisit le nom Don Papa en hommage à Papa Isio, héros qui mena la révolution contre les Espagnols à Negros à la fin du XIXe siècle.

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L’étendard des Philippines

Boudé par nombre de bartenders — qui le jugent trop sucré, trop vanillé —, le rhum Don Papa a pourtant ses aficionados, qui s’arrachent ses éditions spéciales. Après une petite semaine passée aux côtés des équipes Don Papa aux Philippines, cet alcool reste pourtant entouré de mystère. Ainsi, à Negros, la visite la distillerie se fait en voiture, sans que l’on puisse accéder aux installations de production. Le contraste est d’ailleurs saisissant entre l’image que l’on se fait d’un rhum artisanal et la distillerie Bago, la plus grande des Philippines, propriété du groupe San Miguel (célèbre marque de bière locale créée en 1834), et qui distille sur tout le gin de grande consommation Ginebra San Miguel. Un vrai tord-boyau, selon certains Philippins.

Rolf Schollaert préparant un cocktail au Don Papa sur l’île de Negros. © Justin Paquay

En pénétrant dans l’entrepôt où vieillissent les rhums Don Papa, on est tout de suite enivré par cette odeur caractéristique de vieux bois et d’alcool. Là, on déguste quelques rhums directement au tonneau. Et on est vraiment séduit, par la qualité du produit. Notamment cet excellent rhum vieilli en fût de Fino (utilisé dans l’édition limitée « Sherry Cask ») ou le « Rare Cask ». Et l’on s’étonne que le Don Papa 7 ans, emblème de la marque, soit aussi sucré.

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En discutant avec Monica Llamas-Garcia, directrice de Don Papa, on apprend qu’au moment de l’embouteillage, est ajoutée une liqueur de sucre. « On reste dans les normes internationales », précise la jeune femme. « Le goût philippin est très sucré, ajoute-t-elle. On a donc choisi spécifiquement de faire un rhum plus doux. Tous les produits philippins de qualité ne sont pas consommés sur place mais exportés. On ne voulait pas ça avec Don Papa! »

Glen Ramaekers, brand ambassador de Don Pap en Belgique, la barmaid Sofie Ketels et le spécialiste du cocktail Rolf Schollaert. Un trio de choc pour représenter la marque à Negros! © Justin Paquay

Pas que du Don Papa

On trouve évidemment des bouteilles de Don Papa dans les bars chics de Manille. Au Run Rabbit Run à Makati, le jeune barman Enzo Luna réalise par exemple un excellent cocktail « Doña Don Papa », qui balance parfaitement la douceur du rhum 7 ans avec du blanc d’oeuf, du basilic, du sirop de fruit de la passion et de sureau, du jus de citron vert et évidemment du jus de calamansi fraîchement pressé.

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Mais le rhum que l’on trouve partout, jusqu’aux petites échoppes les plus reculées, c’est le Tanduay, vendu 1,50€ la bouteille (contre 25€ pour le Don Papa 7 ans)… Un rhum brut de décoffrage, essentiellement réservé au marché domestique, qui fait des Philippines le troisième pays producteur de rhum au monde. Même si l’alcool le plus consommé du pays n’est pas le rhum mais le gin. Le succès international de Don Papa a en tout cas donné des idées aux Philippins. Au Bukaneer, excellent bar de Makati proposant une carte de 233 rhums différents), on peut ainsi goûter d’autres rhums premium, comme le « Zabana Sherry Cask » ou le « Very Old Captain », distillé en alambic par Limtuaco, la plus ancienne distillerie du pays, fondée en 1852…

Un cocktail au Don Papa exotique au Alamat, un chouette bar de Makati. © Justin Paquay

Quelques clichés de Negros par Justin Paquay