A l’heure du numérique et du Big Data, la gestion des données devient un enjeu majeur. C’est de ce constat qu’est parti Taschen pour imaginer une nouvelle collection consacrée à la mise en image des données. Après avoir publié un bouquin sur Fritz Kahn. Pionnier de l’infographie en 2013, les célèbres éditions d’art ont ensuite sorti Understanding the World. The Atlas of Infographics et National Geographic Infographics.

Très sensible à l’univers de la cuisine – on se souvient par exemple du très beau Inside Chefs ’Fridges en 2015 et du surréaliste Dalí. Les dîners de Gala en 2016 –, Taschen adopte donc la même approche visuelle pour aborder les plaisirs de la table dans Food & Drink. Infographics, qui vient de paraître.

Pour ce faire, elle a demandé à l’auteure brésilienne Simone Klabin et à l’infographiste brésilien Ed Julius Wiedemann (responsable chez Taschen de la collection consacrée à l’infographie et la culture visuelle, auteur notamment d’une Histoire du graphisme) de se pencher sur la production mondiale en la matière. Food & Drink se présente en effet comme une anthologie de ce qui se fait de mieux en la matière. Car, comme le dit l’adage, “une image vaut mieux qu’un long discours”.

C’est le sens de la préface de Michael Ruhlman, auteur de nombreux livres de cuisine avec des grands chers américains comme Anthony Bourdain  : “Un jour, j’ai dessiné un organigramme de tout ce que l’on pouvait faire avec un œuf sur une feuille qui faisait plus de deux mètres de long. Je l’ai roulée et envoyée à mon éditeur en lui expliquant qu’il s’agissait d’une proposition de livre (habituellement 20 à 40 pages dactylographiées). […] Mon éditeur a pris une décision en quelques secondes à partir d’un graphique sur un œuf au lieu de passer une heure à lire un texte.”

Une longue histoire

Si l’infographie semble indissociable de la culture contemporaine, elle a pourtant déjà une longue histoire. Il suffit de penser, par exemple, aux superbes illustrations de L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert ou, plus près de notre sujet, aux pages consacrées aux ustensiles ou aux pas-à-pas, des anciennes éditions de l’iconique Art culinaire français, toujours réédité chez Flammarion.

En ouverture de cet imposant Food & Drink, on retrouve d’ailleurs une passionnante introduction consacrée à “l’histoire visuelle des aliments et des boissons”. Simone Klabin y fait remonter l’origine de la représentation des aliments à une peinture rupestre du Mésolithique découverte dans les Cuevas en Espagne. Datant d’environ 6 000 ans avant J.-C. Celle-ci représente, avec un graphisme étonnamment moderne, un essaim d’abeilles s’attaquant à un homme grimpant à un arbre pour récolter du miel. Tandis qu’à Louxor, la tombe de Senet, datant de 1959 av. J.-C., est décorée d’éléments représentant la fabrication du pain. Et qu’au cours de l’Antiquité et du Moyen Age, apparaissaient les premiers livres de recettes. Que l’on pense à Apicius, bien sûr, ou au Cuisinier françois, publié en 1651 par François Pierre La Varenne.

Datant d’environ 6 000 ans avant Jésus-Christ, cette peinture rupestre retrouvée dans les Cuevas en Espagne est l’une des premières représentations du rapport de l’homme à la nourriture (ici le miel et un essaim d’abeilles).

Une info en un coup d’œil

Aujourd’hui, le partage des connaissances culinaires ne passe plus seulement par les livres, ni même par les émissions de télévision, mais aussi par Internet et les réseaux sociaux où, le temps d’attention s’étant considérablement réduit, l’efficacité est un critère primordial. Et c’est là qu’intervient la puissance de l’infographie – qui a connu un véritable boom depuis deux décennies –, capable, en un diagramme, de décrire une incroyable variété de fromages par exemple.

Car Food & Drinks n’est pas un ouvrage qui se lit mais qui se regarde. S’il peut paraître indigeste au premier abord, tant il semble crouler sous les informations, on prend plaisir à le feuilleter quelques minutes par jour, pour s’arrêter sur tel ou tel aspect de la culture gastronomique et se régaler de l’incroyable imagination des infographistes. Comme cette formidable histoire des aliments transformés d’Evelyn Kim en 2013. S’étalant sur quatre pages dépliantes, celle-ci va de la première viande rôtie, il y a au moins 1,8 million d’années, jusqu’au sirop de maïs à haute teneur en fructose, un édulcorant mis au point en 1957, en passant par l’apparition du vin (5 400 av. J.-C.), la moutarde (400 ap. J.-C.) ou les sushis (700 ap. J.-C.).

En parlant de sushis, l’ouvrage propose sur deux pages une superbe infographie du magazine argentin Viva de 1999, où, en un coup d’œil, on découvre les principaux types de sushis (nigiri, maki, temaki, gunkan, futo…) mais aussi leur origine (en Chine ou en Thaïlande), la façon de les préparer ou de tenir ses baguettes…

Carte des single malts écossais, typologie des découpes, présentation du café de la graine à la tasse, découpes des charcuteries italiennes, saisonnalité des fruits, carte du monde des productions de thé, recettes de cookies ou de cocktails, tableaux de conversion des mesures… Au fil de ces 400 pages, les sujets abordés sont très variés. De quoi faire de Food & Drink le livre parfait à laisser traîner sur la table basse du salon, pour, chaque jour, dévorer des yeux quelques images supplémentaires…

Envie de lecture ?

  • “Food & Drink Infographics. Le guide visuel des plaisirs culinaires”, publié en version trilingue français-anglais-allemand chez Taschen par Simone Klabin et Ed Julius Wiedemann (464 pp., 50€).
  • Dans le même esprit infographiquee, on se souvient également du très beau “The Geometry of Pasta”, recueil d’une centaine de recettes de pâtes italiennes signé Jacob Kenedy et Caz Hildebrand’s chez Quirk Books en 2010, repris en français chez Marabout l’année suivante.