Un décor raffiné et la cuisine généreuse de Mathieu Jacri au menu du dernier étoilé de la galaxie Litvine.
La tête dans les étoiles
Décidément, tout ce que touche Serge Litvine semble se transformer en or. Après avoir rendu ses lettres de noblesse à la mythique « Villa Lorraine » et propulsé Alexandre Dionisio à deux étoiles à la « Villa in the Sky », l’investisseur bruxellois voyait son dernier bébé, « La Villa Emily », récompensé fin 2016 d’une première étoile. Et ce à peine un an après la reprise de l’ancien « Emily Ristorante » de la maison Degand.
Évidemment, un tel succès peut créer des jalousies. Au moment de l’attribution du fameux macaron, certains n’ont pas manqué de souligner la trop grande proximité entre Litvine et le guide rouge… De quoi donner envie d’aller juger sur pièces ce que vaut la cuisine de Mathieu Jacri, le jeune chef bruxellois estimant lui-même un peu prématuré cet honneur… Même s’il affiche un CV en béton, passé par le « Comme chez soi », le « Plaza Athénée » de Ducasse à Paris et surtout pendant six ans au « Chalet de la forêt » de Pascal Devalkeneer, dont l’influence à été la plus décisive sur sa cuisine.
Un décor opulent
Qu’on choisisse de manger à l’étage ou assis confortablement au bar du rez-de-chaussée, on est bluffé par la superbe décoration des lieux dont le point d’orgue est cet impressionnant lustre baroque en verre de Murano de 5m30 de haut! Dans sa micro-cuisine ouverte, Jacri ne peut évidemment pas réaliser une cuisine de palace. Mais sa brigade s’active pour sortir de belles assiettes, réservées à une clientèle haut de gamme, avec des menus 3-4-5 serv. à 69-89-109€ (et un lunch à 46€).
Des mises en bouche engageantes
Passé un florilège de mises en bouche plutôt intéressantes (on aime bien la salade César en version fingerfood avec de la peau de poulet croustillante), on se régale d’une magnifique composition autour d’une crème de foie gras rôti et de cecina de bœuf. Accord, assaisonnement, tout est parfait!
Des entrées gourmandes
On n’est pas totalement emballé par l’oignon d’époux des Cévennes confit au lard de Colonnata et servi avec un jus corsé truffé (24€ à la carte). Les accords sont réussis et l’assiette est gourmande, mais la cuisson de la pomme de terre manque de précision
Servi avec une déclinaison d’artichauts, le plat de poulpe de roche (28€) manque malheureusement un peu de relief.
Cuit en carapace, le homard bleu (38€) est intelligemment proposé avec une petite choucroute, du kale braisé et un jus des têtes de homard au vin rouge.
Les ris de veau glacés au soja (42€) manquent, eux, de finesse, servis avec des shiitakés et du yuzu trop puissants.
Un canard parfait
Rien a dire par contre du caneton de Chalans (36€), rôti à la poêle sur carcasse et servi avec un accompagnement bien pensé et parfaitement assaisonné, mêlant navet, grenade et amande et une sorte de baklava de cuisse.
Farci à la truffe, le filet de saint-pierre (42€) est une autre jolie proposition, avec sa tombée d’épinards, ses salsifis et son beurre au champagne.
Desserts aux saveurs classiques
La soirée se conclut sur des desserts (13€) aux saveurs tout aussi classiques, sans être ennuyeuses, autour d’un sablé coco, banane caramélisée et glace au gingembre, ou d’une variation autour de l’orangette.
Une cuisine trop ambitieuse?
Mange-t-on bien à la « Villa Emily »? Assurément! Comme dans toutes les adresses de la galaxie Litvine, on vise ici le haut de gamme avec des produits nobles et une cuisine française raffinée. On aime la cuisine classique et intelligente, de Mathieu Jacri qui est pleine de promesses. Mais difficile de proposer une cuisine étoilée dans un espace aussi exigu… Les quelques imprécisions techniques qui ont émaillé le repas nous font dire que le chef gagnerait à simplifier un poil ses assiettes.
Envie d’y goûter?
- Cote: 7,5/10.
- Cuisine: française.
- Cadre: cosy chic.
- Cave: belle sélection.
- Terrasse: non.
- Parking: voiturier.
- Adresse: 4 rue de l’Abbaye, 1000 Bruxelles.
- Rens.: 02.318.18.58 ou www.lavillaemily.be.
- Ouverture: fermé samedi midi, dimanche et lundi.
La fille: « Plus que simplifier ses assiettes, Mathieu Jacri devrait être moins généreux, offrir moins de mises en bouche ou de mignardises, et se concentrer sur les détails techniques de ses assiettes. De belles assiettes raffinées où les accords de goûts sont séduisants et où il manque parfois juste une toute petite chose pour être parfaites. C’est criant de vérité au moment des mignardises, avec par exemple un financier à la texture complètement ratée… »
Le garçon: « Je sais que notre critique peut paraître dure car on mange très bien à « La Villa Emily ». Mais au vu des prix et de l’étoile, l’attente est forcément très haute… »