Au-delà du pesto, la cuisine ligure est assez méconnue. Elle recèle pourtant bien des surprises… Petit voyage gourmand dans la belle région de Gênes et des Cinque Terre.
Cette langue de terre qui s’étend de la frontière française jusqu’à la Toscane, des villes de Ventimiglia et Imperia à La Spezia, au nord-ouest de l’Italie, c’est la Ligurie. Une région plus connue pour ses stations balnéaires que sa gastronomie. La Riviera du Ponant, avec l’emblématique San Remo, où, chaque année, est organisé le plus important festival de chansons italiennes, et la Riviera du Levant, avec le joyau qu’est le Parc national des Cinque Terre, patrimoine mondial de l’Unesco. Fortement touchés par les inondations d’octobre 2011, les sublimes villages des Cinque Terre et les sentiers de randonnées qui les relient se reconstruisent, depuis, peu à peu pour de nouveau accueillir les touristes.
Il y a pourtant une préparation qui fait la renommée internationale de la région, le pesto. Créé à Gênes, capitale de la Ligurie, le pesto genovese est la deuxième sauce la plus utilisée au monde. Il est réalisé à base de basilic génois DOP (de type Ocimum basilicum L.) cultivé dans le quartier gênois de Prà, d’huile d’olive, d’ail, de pignons de pin et d’un mélange de parmigiano Reggiano et de pecorino (fiore sardo ou romano).
Le pesto se mange avec le minestrone régional, des gnocchi ou les pâtes locales, dont les très prisées trenette (sortes de linguine) et les trofie ou trofiette. Celles-ci doivent leur nom au terme “strofissià” qui, en dialecte génois, signifie frotter. On réalise, en effet, ces petites tiges allongées en frottant un morceau de pâte entre les mains. En Ligurie, on ajoute bien souvent aux pâtes au pesto quelques dés de pommes de terre et des haricots verts. Comme à l’excellent restaurant « La cucina di Nonna Nina » par exemple.
Toujours avec du pesto ou avec l’autre sauce en vogue dans la région, à base de noix, on accommode également les croxetti. Une ancienne sorte de pâtes originaire du village de Varese Ligure, où Pietro Picetti est l’un des derniers artisans à fabriquer le précieux moule en bois nécessaire à les réaliser.
Ces pâtes en forme de médailles sont réalisées à l’aide d’un moule en bois cylindrique qui sert à la fois à découper les disques de pâte et à les estampiller. Depuis le Moyen Age, les familles nobles de la région possédaient ainsi leur moule personnalisé avec leur blason incisé dans les veines du bois. Aujourd’hui, certains restaurants font à leur tour graver leur nom sur le moule…
Autres pâtes étonnantes, les testaroli sont parmi les plus anciennes connues et dateraient de la Rome antique. Pâte à crêpe sans œufs cuite traditionnellement dans un poêlon en terre cuite (puis en fonte) recouvert de braises, on la découpe ensuite en carrés que l’on fait bouillir avant de les assaisonner. La même pâte sert également à fabriquer les panigacci ou testaieu, que l’on consomme comme du pain avec des fromages et des charcuteries.
Les testaroli ont bénéficié d’une remise en lumière grâce au mouvement Slow Food né dans le nord de l’Italie. Devenus Presidio Slow Food de Lunigiana, une zone méconnue de Toscane, les testaroli sont pourtant consommés dans toute la Ligurie. Les habitants de Lunigiana se sentent d’ailleurs bien souvent plus ligures que toscans…
La Ligurie revendique aussi la paternité de la focaccia (preuve du lien avec la fougasse française, son nom ligure est fugàssa), cette sorte de pizza épaisse simplement aromatisée avec de l’huile d’olive et du romarin que l’on mange bien souvent comme du pain, du petit-déjeuner au souper…
A base de pâte non levée, la focaccia di Recco, qui bénéficie d’une IGP depuis mars 2012, est extrêmement fine et est fourrée de fromage frais ligure et recouverte d’un voile de pâte. On raconte que l’on consommait déjà ce produit à l’époque de la troisième croisade en 1189 ! Dans les focaccerie, on dénichera aussi la farinata, sorte de crêpe épaisse à base de farine de pois chiches, cousine de la socca niçoise.
Mais la Ligurie est aussi réputée pour ses tourtes salées, dont l’origine est, elle aussi, très ancienne. Elles étaient confectionnées pour leur praticité, car on pouvait aussi bien les manger chaudes que froides et les emporter n’importe où. Elles sont le plus souvent à base de riz ou de légumes. La plus renommée est la torta pasqualina, préparée traditionnellement à Pâques, mais que l’on trouve toute l’année. Le terme “pasqualina” désigne plusieurs types de tourtes, mais la plus courante est réalisée avec des bettes et du fromage au lait caillé.
Les spécialités régionales sont nombreuses. Ainsi, le long de la Riviera du Ponant, la ville d’Albenga est réputée pour ses asperges et ses artichauts violets, Savone pour son chinotto, petit agrume amer qui sert à la fabrication d’une boisson originale, et Imperia pour son lapin préparé à la ligure. Et, partout, on pêche et on profite des richesses de la mer. Celles-ci entrent notamment dans la composition d’une salade dénommée cappon magro, étrange imbrication esthétisante de fruits de mer et de légumes que l’on consomme surtout à Noël. Les anchois sont une spécialité de Monterosso al Mare, l’une des Cinque Terre, où on les prépare sous sel ou sous huile. On les déguste de multiples façons, notamment à l’apéro avec du lardo di colonnata.
Toujours des Cinque Terre, on appréciera notamment le vin homonyme, qui bénéficie d’une DOC. Les maisons Buranco ou Sassarini à Monterosso ou Cheo à Vernazza proposent de très bonnes cuvées. Mais l’or de la zone, le vin le plus réputé de Ligurie, est le sciacchetrà, un vin passito (passerillé) élaboré comme le Cinque Terre DOC, à base de bosco, vermentino et albarola. On réservera ce vin au dessert ou, mieux, au fromage, car il n’est pas trop sucré.
Avant le repas proprement dit, on profitera à Gênes de la tradition de l’aperitivo qui, comme à Turin, ville voisine, fait s’attabler jeunes et moins jeunes autour d’un verre et de quelques amuse-bouches gratuits. De quoi donner sacrément envie de penser à la Ligurie comme prochaine destination de vacances !
Quelques adresses
Eataly
La référence en matière de produits italiens. L’adresse gênoise est idéalement située, sur le Vieux Port. On y mange également très bien.
- Calata Cattaneo, 15 Porto Antico, Gênes.
Rens.: +39.0108.69.87.21 ou www.genova.eataly.it.
Ca’ del Lupo
Sur les hauteurs de Pontremoli, dans la Lunigiana, en Toscane, une adresse où manger de vrais testaroli à la braise. Menu à 30€.
- Via Ballerina 15, 12050 Montelupo Albese.
Rens. : +39.0187.83.02.14 ou www.agricadellupo.it.
Focacceria Revello
Au bord de la plage de Camogli, cette pâtisserie (également présente… au Japon !) fabrique la vraie focaccia di Recco col formaggio.
- Via Garibaldi 183, 16032 Camogli.
Rens. : +39.0185.77.07.77 ou www.revellocamogli.com.
Il genovese
Une petite trattoria où l’on pratique une cuisine génoise authentique. Le proprio Roberto Panizza est surtout connu pour son pesto de basilic, que l’on peut acheter sur place.
- Via Galata 35r, 16100 Gênes.
Rens. : +390108.69.29.37.
Que bellissima Liguria !! Merci pour ce partage. On est allés sur le côté ligure l’année dernière et on a adoré notre séjour, notamment son côté fort gourmand bien sûr ! Petit souvenir ici : http://ariane.blogspirit.com/archive/2011/06/30/italie-maritime-et-gourmande-la-bella-vita.html
Pas le côté ligure , la côte bien sûr !
Merci pour ce remarquable article. Que de souvenirs pour moi, qui ai vécu plusieurs années, non pas en Ligurie, mais en Toscane.
Troffie, stocafisso, cima, mais aussi les délicieux Baxin d’Arbenga, à l’anis et au citron. Et puis l’incomparable beauté des Cinque Terre!
Remarquable reportage que j’envoie à Suzanne et J.P.
Que de bons souvenirs!
Merci à toutes! Je vois que vous avez bien profité de votre séjour en Ligurie Ariane. L’Italie et ses richesses gastronomiques sont sans fin… Cela m’étonne toujours même après toutes ces années à voyager dans mon beau pays!