Il y a quelques jours, via le désormais incontournable service de Webconférence Zoom, avait lieu une masterclass sur le risotto orchestrée par le grand chef italien Carlo Cracco, en direct de Rome. Une conférence organisée par les chambres de commerce belgo-italiennes du Benelux dans le cadre de la campagne internationale « True Italian Taste » pour lutter contre l’Italian sounding (cf. encadré) et promouvoir l’excellence des produits italiens à travers le monde.

Et quoi de mieux pour ce faire que de miser sur un chef star? Après le Modénais Massimo Bottura (L’Osteria francescana) en juin 2020, c’est donc au Milanais d’adoption Carlo Cracco de servir son pays.

« L’Italie n’existe pas sans le risotto! »

Né en Vénétie et installé en Lombardie (cf. encadré), le chef Carlo Cracco a deux régions de coeur, deux régions de la Botte où le risotto fait partie des plats incontournables.

Dans l’histoire personnelle du chef, en Vénétie, il y a d’abord le « risi e bisi », riz et petits pois, « Ce sont mes origines et aussi celle du risotto, dont l’histoire est récente. Il naît comme une minestra (soupe) qui est de plus en plus liée, jusqu’à évoluer vers ce que l’on nomme aujourd’hui risotto. Et puis en Lombardie, où il y a le fameux risotto au safran. Un plat qui démontre la richesse d’une ville bourgeoise comme Milan et qui serait né lors d’un mariage (en 1574). Un verrier (le Belge Valerio de Flandres, NdlR) qui, à l’époque travaillait au Dôme de Milan et peignait certains vitraux avec du safran, eut l’idée d’en incorporer dans un risotto au beurre pour le mariage de sa fille… »

La grande différence entre les deux régions, c’est surtout le type de riz traditionnellement utilisé: vialone nano pour la Vénétie, « avec un grain plus rond, plus ferme, plus raffiné, mais difficile à cuire », et le « très populaire » carnaroli, aux grains plus longs, pour la Lombardie. Le chef a même raconté comment, à son arrivée à Milan, on lui avait gentiment conseillé d’utiliser le carnaroli plutôt que le vialone nano… Ah les rivalités régionales! 

Carlo Cracco en plein dressage de son risotto. ©Marcopoderistudio

Les secrets d’un bon risotto

Dans tous les cas, pour un bon risotto, on pourra utiliser l’un ou l’autre, selon le chef, ou même un arborio. Mais pour réaliser un risotto dans les règles de l’art, il y a quelques étapes essentielles à respecter.

La première: toaster le riz. « La première chose importante, c’est la tostatura! Si on ne veut pas se retrouver avec une masse informe en fin de cuisson, il faut faire revenir le riz dans le beurre avec une échalote émincée pour qu’il devienne translucide. » Mais attention, il ne faut pas le faire colorer, précise Cracco. Ensuite, on utilisera un peu de vin blanc que l’on fera évaporer. Carlo Cracco propose en variante l’ajout d’un peu de vinaigre en fin de cuisson. 

Pour certains risotto, le chef préfère utiliser de l’eau plutôt que le bouillon traditionnel, pour faire ressortir le goût des ingrédients utilisés. 

Autre conseil du chef, la cuisson doit être lente: on doit ajouter une louche d’eau à la fois, mais elle doit toujours bouillir pour extraire l’amidon en suffisance. Comptez 12 à 14 minutes de cuisson pour obtenir un riz encore al dente. « Pour s’assurer d’une cuisson parfaite, il suffit de casser un grain de riz pour voir l’âme du riz. C’est important pour la digestibilité », dévoile le chef. Entendez une fine couche qui reste crue au centre du riz, comme pour la cuisson des pâtes. 

Ensuite, comme pour la cuisson d’une viande, on doit respecter une phase de repos de quelques minutes. Enfin, dernière étape cruciale pour avoir un risotto bien moelleux, la mantecatura, qui consiste à incorporer, hors du feu, du gras à la préparation. Soit du parmesan râpé et du beurre ou de l’huile d’olive extra vierge. Carlo Cracco a une préférence pour cette dernière, qui amène de la fraîcheur et de l’acidité à la préparation. 

©Marcopoderistudio

L’Italie, l’autre pays du riz

On a souvent l’image du riz comme d’un produit asiatique. On cultive pourtant aussi du riz en Europe et plus particulièrement en Italie, premier producteur européen avec 50% de la production totale et 220000 hectares de cultures.

On ne sait pas à qui l’on doit la présence du riz en Italie. Aux Arabes ou aux Aragonais? Quoiqu’il en soit, au Moyen Âge, il est considéré comme une épice, avant d’entrer dans la composition de pâtisseries. Ce sont les guerres et les épidémies qui s’enchaînent qui font du riz une céréale à part entière, très utile en cas de famines.

Mais c’est à la fin du XVe siècle que la culture du riz se développe vraiment en Italie septentrionale et plus particulièrement en Lombardie et dans le Piémont, dans la région de Vercelli. Mais aussi en Vénétie, en Emilie-Romagne ou, c’est moins connu, dans le Sud, en Calabre, et même en Sicile et en Sardaigne. 

L’unique DOP (Dénomination d’origine protégée) italienne est le Riso di Baraggia Biellese e Vercellese dans le Piémont. Et il y a deux IGP (Indication géographique protégée), le Riso Nano Vialone Veronese et le Riso del Delta del Po.

Aujourd’hui, il existe plus de 200 variétés de riz en Italie, mais celles considérées comme traditionnelles sont les carnaroli, arborio, roma, baldo, vialone nano, s. andrea et ribe.

Autant de variétés qui entrent dans la composition de risotti et autres plats de riz régionaux que l’on ne manquera pas de goûter lors d’un prochain séjour en Italie!

©EnteRiso

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Carlo Cracco, entre Vénétie et Lombardie

Né en 1965 à Creazzo en Vénétie, Carlo Cracco à suivi les cours de l’école hôtelière « Pellegrino Artusi » de Recoaro Terme. Il a ensuite collaboré pendant trois ans avec le grand Gualtiero Marchesi et a même étudié la cuisine française à Paris, avec Alain Ducasse et Alain Senderens. De retour en Italie, à Florence, c’est sous sa gestion que l’Enoteca Pinchiorri décroche les trois étoiles. A partir de 2001, il part à Milan où, à l’invitation de la famille Stoppani, propriétaire de la boutique gastronomique Peck, il devient chef exécutif du restaurant Cracco Peck, qui décroche deux étoiles Michelin. À partir de 2007, il devient chef-gérant du restaurant, qui prend son nom: Cracco. Et même s’il perd sa deuxième étoile en 2018, lorsque le restaurant est transféré dans la superbe Galleria Vittorio Emanuele II, à deux pas du Duomo de Milan, Carlo Cracco, reste l’un des chefs italiens les plus en vues.
Avec un autre restaurant dans la capitale lombarde, Carlo al Naviglio, et une troisième adresse qu’il s’apprête à inaugurer à Portofino en juin.
Auteur de livre de cuisine à succès, il a aussi été, de 2011 à 2017, l’un des membres du jury de l’émission MasterChef Italia, tandis qu’il a présenté la version italienne d’un autre émission bien connue, Cauchemar en cuisine. Ce qui a beaucoup contribué à sa popularité.

©www.lamadia.com

L’Italian Sounding, un problème économique pour l’Italie

La campagne « True Italian Taste », menée par les Chambres de commerce italiennes, a pour but de promouvoir le « Made in Italy » à travers ses produits phares (DOP et IGP), mais aussi de lutter contre l’« Italian sounding » et la contrefaçon des produits oeno-gastronomiques italiens. 

L’Italie est le leader européen absolu dans le domaine agroalimentaire, avec 299 produits AOP, IGP et STG reconnus par l’Union européenne.

Gage de qualité pour les consommateurs, le « Made in Italy » doit de plus en plus faire face à une concurrence déloyale. Celle de produits italiens contrefaits mais aussi celle, plus subtile et donc très nuisible, de produits qui, par leur nom, leur emballage ou leurs couleurs, évoquent des marques italiennes sans avoir aucun lien avec le pays. Si les premiers produits sont le plus souvent retirés de la vente, les seconds échappent souvent aux sanctions…

Selon les estimations de Federalimentare, le trafic de produits frauduleux représenterait environ 60 milliards de chiffre d’affaires, dont 54 milliards seraient liés à l’« Italian sounding ». Six produits « italiens » sur dix en vente sur les marchés mondiaux sont le résultat de ce phénomène! En raison de l’augmentation de l’agro-piraterie, l’agriculture italienne perd chaque année environ 3 milliards d’euros sur les marchés internationaux.

Parmi les produits les plus touchés, on retrouve les fromages AOP tels que le Parmigiano Reggiano et le Grana Padano, mais aussi le Provolone, le Gorgonzola, le Pecorino Romano, l’Asiago ou la Fontina. Viennent ensuite les charcuteries, les pâtes, sauces, pâtisseries, huiles, vins et biscuits.